Hier matin, à l'issue de sommaires investigations sur les lieux du drame au niveau de la petite gare ou plutôt une halte ferroviaire de Boudouaou (wilaya de Boumerdès), d'une confidence de deux agents de la SNTF (Société nationale des chemins de fer) et des déclarations de responsables du secteur des transports, il était difficile de ne pas conclure, même hâtivement, que l'accident qui est survenu la veille (samedi) vers 16 h et qui a coûté la vie au conducteur de l'autorail de Béjaïa et fait également 78 blessés, a pour origine le facteur humain. Le mot négligence a été fatalement évoqué et il n'a pas été, pour l'heure, totalement évacué. Pour rappel, le train électrique de 2 rames de 8 wagons de voyageurs, en halte au niveau de Boudouaou, a été heurté de plein fouet par l'autorail diésel d'une rame se dirigeant vers Béjaïa. Voici ce que nous ont confié, hier, à 7 h 30 du matin, deux agents de la SNTF qui ont été affectés parmi les services techniques de la société ferroviaire sur les lieux du drame. «Le train de Thénia avait 10 minutes de retard. De son côté, le conducteur de l'autorail de Béjaïa ou le chef de ce train avait estimé que le train électrique qui le précédait était loin, a donc décidé de prendre le départ.» Nous avons également posé une question sur les premières constations de cet accident à la directrice des transports de Boumerdès, Yamina Mabrouk, juste avant qu'elle ne soit intégrée au sein de l'une des commissions d'enquête. «Tous nos équipements de signalisation et de régulation de la circulation des trains sont modernes, donc récents. L'hypothèse d'un défaillance technique est extrêmement réduite», s'est-elle contentée de nous dire. Elle estime, toutefois, que les boîtes noires des deux trains donneront certaines précisions sur leur conduite sans pour autant exclure le facteur humain dans ce drame. La directrice des transports n'a pas manqué, par ailleurs, de nous rappeler qu'elle est à l'origine une cheminot. Rappelons, en outre, que le ministre des Travaux publics et des Transports, Boudjemaa Talai, qui avait effectué une visite dans la soirée de samedi pour les blessés en compagnie de son collègue de la Santé et de la Réforme hospitalière, Abdelmalek Boudiaf, a installé une commission d'experts au niveau de son département. Une seconde commission d'enquête prévue par le règlement intérieur de la société a commencé ses investigations. Bien entendu, comme il y a eu mort d'homme et blessures de voyageurs, le procureur du tribunal de Boudouaou va actionner les services de sécurité (la gendarmerie) pour une enquête judiciaire. Le même accident sur la même voie en 2011 Ce n'est malheureusement pas le premier accident du même genre qui survient sur ce tronçon compris entre deux gares assurant la signalisation et qui cogèrent la circulation des trains sur les deux voies. Ces gares sont celles de Réghaïa dans la wilaya d'Alger et Corso dans la wilaya de Boumerdès. La distance entre les deux gares avoisine les 12 kilomètres. La halte de Boudouaou est située le long de ce trajet à environ 3 km à l'ouest de Corso. Pour rappel, le 22 août 2011, à 11 h 8 mn, un train électrique de voyageurs se dirigeant vers Thénia avait heurté un train de marchandises qui marquait n arrêt au niveau d'un feu à l'entrée de Corso. Bilan : décès du chef de train de voyageurs et 24 voyageurs blessés. Les conclusions sur cet accident n'ont pas été rendues publiques à l'époque mais lors du drame, la question de la négligence avait été soulevée. En 2011, nous avions enregistré la déclaration d'un cheminot qui nous avait dit que «le conducteur du train de marchandises devait utiliser le téléphone disponible sur la voie pour appeler la gare de Corso et demander l'autorisation de continuer de rouler jusqu'à cette gare. Au niveau de la gare de Corso, le train de marchandises devait être mis sur la voie de dégagement pour laisser le train de voyageurs passer. Il ne l'a pas fait». Et d'ajouter : «De son côté, le conducteur du train de voyageurs qui venait de démarrer de la station de Boudouaou roulait dans la même voie et dans le même sens que le train de marchandises et s'approchait également de Corso. Il n'a visiblement pas respecté l'obligation d'arrêt ou du moins ne pas dépasser la vitesse de 6 km/heure comme le lui imposait la signalisation en place.» 1 mort et 78 blessés Le télescopage, à Bouadouaou (wilaya de Boumerdès) de deux trains de voyageurs qui circulaient sur la même voie et dans le même sens en direction de l'est a causé la mort du conducteur de l'autorail qui circulait vers la ville de Béjaïa. Il s'agit, selon le colonel Ahmed Mahmoudi, directeur de la Protection civile de Boumerdès, de K. Ryad, âgé d'une quarantaine d'années. Selon le colonel Mahmoudi, 78 voyageurs ont été blessés dont 2 grièvement. 15 d'entre eux ont été évacués vers les établissements hospitaliers de la capitale. En clair, un grand nombre de personnes ont été évacuées vers les structures sanitaires parce qu'elles étaient choquées ou tout simplement pour s'assurer qu'elles n'ont rien de cassé. Fort heureusement, c'était le week-end, les voyageurs sont moins nombreux. Si c'était un jour de semaine, le bilan serait plus lourd. S'agissant des dégâts matériels, 2 wagons du train électrique ont été coupés en deux, les autres compartiments ont subi de grands dommages. Le wagon de tête de l'autorail diésel a été complètement détruit. Au niveau des secours, dès les premiers instants du drame et le déclenchement du plan Orsec par la ministre-wali de Boumerdès, Yamina Zerhouni, précédée par de nombreux citoyens venus de Boudouaou porter secours à leurs compatriotes, la Protection civile a dépêché sur les lieux 130 sapeurs-pompiers encadrés par 8 officiers qu'elle a dotés de 16 ambulances, 4 camions spéciaux d'intervention dans des accidents et un groupe électrogène. De son côté, la directrice des transports, Yamina Mabrouk, a réquisitionné des bus vers Corso, Boumerdès, Tidjelabine et Thénia. La circulation des trains vers l'est toujours suspendue Selon la directrice des transports de la wilaya de Boumerdès, la fermeture de la ligne ferroviaire risque de durer encore. Il n'est pas encore certain qu'elle soit rouverte à la circulation des trains dès demain. En effet, les services techniques de la SNTF ont fort à faire pour libérer les rails. Ils devront en dégager les wagons fortement endommagés et qui ne sont plus sur les rails sans leur causer plus de dégâts, contrôler et éventuellement réparer les rails et la caténaire. Cette coupure cause des désagréments à des milliers d'étudiants, de fonctionnaires et de travailleurs qui font quotidiennement la navette entre les villes situées dans le secteur compris entre Lakhdaria (wilaya de Bouira) et Bordj-Menaïel en passant par les Issers, Aït Amrane, Thénia, Tidjelabine, Boumerdès, Corso et Boudouaou et l'une des agglomérations de la wilaya d'Alger. Quant aux voyageurs qui comptaient se rendre dans l'est du pays par train, ils devraient encore patienter.
