Les pouvoirs publics ont annoncé le mois dernier qu'ils attribuaient la réalisation de 23 000 logements par le gré à gré simple, sans appel à la concurrence, sans aucune explication. Pourquoi cette décision, au moment où le gouvernement multiplie les discours sur la transparence dans la gestion des affaires publiques. Le Conseil des ministres du 6 septembre 2017, présidé par le chef de l'Etat, a entendu et approuvé une communication du ministre de l'Habitat, de l'Urbanisme et de la Ville, relative à cinq contrats en gré à gré simple portant réalisation de 22 900 logements de type location-vente. Ces logements seront réalisés dans les wilayas d'Alger, Béjaïa, Guelma et Oran. Le Conseil des ministres avait pour habitude d'indiquer les entreprises ayant été retenues pour ce type d'attribution de marchés publics sans passer par l'appel à la concurrence. Selon le code des marchés publics en vigueur en Algérie, le gré à gré est la procédure d'attribution d'un marché à un partenaire cocontractant sans appel formel à la concurrence. Le gré à gré peut revêtir la forme d'un gré à gré simple ou la forme d'un gré à gré après consultation ; cette consultation est organisée par tous moyens écrits appropriés. La procédure du gré à gré simple est une règle de passation de contrat exceptionnelle qui ne peut-être retenue que dans les cas énumérés suivants. Le service contractant — le ministère de l'Habitat en l'occurrence dans ce cas précis — a recours au gré à gré simple exclusivement : 1- quand les prestations ne peuvent être exécutées que par un opérateur économique unique qui détient, soit une situation monopolistique, soit pour protéger un droit d'exclusivité, soit pour des considérations techniques ou culturelles et artistiques. Y a t-il eu urgence pour se passer d'appel à la concurrence ? Un arrêté conjoint du ministre chargé de la Culture et du ministre chargé des Finances précisera les prestations qui relèvent des considérations culturelles et artistiques ; 2- en cas d'urgence impérieuse motivée par un péril menaçant un investissement, un bien du service contractant ou l'ordre public, ou un danger imminent que court un bien ou un investissement déjà matérialisé sur le terrain et qui ne peut s'accommoder des délais des procédures de passation des marchés publics, à condition que les circonstances à l'origine de cette urgence n'aient pu être prévues par le service contractant et n'aient pas été le résultat de manœuvres dilatoires de sa part ; 3- dans le cas d'un approvisionnement urgent destiné à sauvegarder les besoins essentiels de la population, à condition que les circonstances à l'origine de cette urgence n'aient pu être prévues par le service contractant et n'aient pas été le résultat de manœuvres dilatoires de sa part ; 4- quand il s'agit d'un projet prioritaire et d'importance nationale, qui revêt un caractère d'urgence et qui ne peut s'accommoder des délais des procédures de passation des marchés publics, à condition que les circonstances à l'origine de cette urgence n'aient pu être prévues par le service contractant et n'aient pas été le résultat de manœuvres dilatoires de sa part. Dans ce cas, le recours à ce mode de passation exceptionnel doit être soumis à l'accord préalable du Conseil des ministres, si le montant du marché est égal ou supérieur à dix milliards de dinars (10 000 000 000 DA), et à l'accord préalable pris en réunion du gouvernement, si le montant du marché est inférieur au montant précité ; 5- quand il s'agit de promouvoir la production et/ou l'outil national de production. Dans ce cas, le recours à ce mode de passation exceptionnel doit être soumis à l'accord préalable du Conseil des ministres, si le montant du marché est égal ou supérieur à dix milliards de dinars (10 000 000 000 DA), et à l'accord préalable pris en réunion du gouvernement, si le montant du marché est inférieur au montant précité ; 6- quand un texte législatif ou réglementaire attribue à un établissement public à caractère industriel et commercial un droit exclusif pour exercer une mission de service public ou lorsque ce dernier réalise la totalité de ses activités avec les institutions et les administrations publiques et avec les établissements publics à caractère administratif. Plus de 50 milliards de dinars en jeu Les modalités d'application de ces dispositions peuvent être précisées, en tant que besoin, par arrêté du ministre chargé des Finances. Par ailleurs, toujours selon le code des marchés publics, dans le cadre de la procédure de gré à gré simple, le service contractant doit : déterminer ses besoins dans le respect des dispositions de l'article 27 ci-dessus, sauf exception prévue par les dispositions du présent décret ; - vérifier les capacités de l'opérateur économique, selon des modalités prévues par la réglementation en vigueur ; - retenir un opérateur économique qui présente une offre économiquement avantageuse ; - organiser les négociations dans les conditions fixées par le code des marchés ; et enfin, fonder la négociation de l'offre financière sur un référentiel des prix. Cette commande publique de 23 000 logements se chiffre à plus de 50 milliards de DA, ce qui n'est pas peu, avec d'éventuels coûts supplémentaires, les entreprises choisies étant susceptibles de demander des avenants sonnants et trébuchants, au fur et à mesure de l'avancement des travaux. Est-ce que cette «commande» profitera principalement aux entreprises algériennes, comme l'a laissé entendre récemment le ministre de l'Habitat (voir article ci-dessous) ? Est-ce que les pouvoirs publics concernés ont pris toutes les dispositions pour minimiser au maximum les risques de corruption et autres malversations ? Est-ce que les noms des entreprises bénéficiaires de ces marchés seront rendus publics ? Transparence dans la gestion et la maîtrise des dépenses publiques Le ministre des Finances évoque un projet de loi organique «important» Le ministre des Finances, Abderahmane Raouia, a présenté mardi 26 septembre 2017 un exposé détaillé de la situation financière et économique que vit le pays suite à la chute des prix du pétrole sur les marchés internationaux qui a conduit à une sévère réduction des revenus du pays poussant le gouvernement à recourir au financement non conventionnel comme solution pour réaliser l'équilibre du budget de l'Etat. En réponse aux préoccupations des membres de la commission de finances et de budget à l'Assemblée populaire nationale, M. Raouia a affirmé que la loi de finance 2018 comprendra des modifications conformes au contexte économique actuel, notamment certains amendements relatifs à la fiscalité et aux impôts, l'obligation pour les commerçants d'utiliser les terminaux de paiement électronique ce qui permettra d'absorber les fonds circulant sur les marchés parallèles ainsi que le dégel des projets, particulièrement dans les secteurs de l'éducation et de la santé. «Le gouvernement s'est engagé à adopter la franchise lors de son discours sur la situation financière du pays et sur les mesures relatives à l'amélioration de cette situation», a-t-il affirmé. «Les recettes du financement non conventionnel seront destinées aux projets transparents» Concernant la destination des recettes du financement non conventionnel, M. Raouia a affirmé qu'«elles seront destinées aux projets transparents et non au paiement des salaires ou la consommation locale». Il a annoncé que son département ministériel était en passe de présenter au gouvernement un projet d'une loi organique «important» à même de rajouter plus de transparence dans la gestion et la maîtrise des dépenses publiques. Il ne s'est pas engagé sur une date précise et n'a pas donné plus d'indications sur ce projet de loi organique «important» : ce manque de transparence est inquiétant, surtout quand un ministre fait face à la représentation nationale...