Qu'on l'aime ou qu'on ne l'aime pas, Ahmed Ouyahia ne laisse jamais indifférent. Ses sorties médiatiques sont suivies, analysées et scannées mot à mot. A chaque fois que certains l'enterrent un peu trop vite politiquement, l'homme ressort la tête de l'eau et enfile le costume du «serviteur de l'Etat» comme il aime se présenter. Son intervention, samedi, sur le plateau de la chaîne d'information Dzaïr News n'a pas dérogé à la règle. Ahmed Ouyahia a braqué les regards vers lui. Sans être un grand moment de télévision, la prestation du chef du RND, et néanmoins directeur de cabinet du président de la République, a fait l'événement. On commente, on spécule, et on suppute sur le sens d'une telle exposition médiatique en ce moment précis. Il est vrai que l'homme est un stratège. Il calcule ses «coups» et sait aussi faire le mort quand la situation le commande. C'est un peu la caractéristique d'un homme d'Etat qui doit savoir raison garder quand les vents soufflent dans la mauvaise direction. Mais à un moment crucial, il prend ses responsabilités pour faire des mises au point, rectifier certaines saillies politiques colportées çà et là, et évidemment dégonfler des polémiques stériles et stérilisantes. Et de ce point de vue là, Ouyahia est un bon «client» et pour l'Etat et pour les médias. Il ne s'encombre ni de langue de bois ni de formules toutes faites et encore moins de circonvolutions dont raffolent certains politiques pour ne rien dire. Avec Ouyahia, c'est l'attitude du scorpion qui pique là où ça fait mal et même si ça fait mal. Il est incontestablement un profil rare dans le paysage politique national, en témoigne sa capacité de résistance et son habilité à se faire désirer quand les temps sont maussades. C'est dans ce contexte précisément qu'il faudrait placer sa prise de parole à Dzaïr News pour son tout premier entretien à une chaîne de télé privée. Dans une conjoncture économique délicate conjuguée à une atmosphère politique viciée par des déclarations à tort et à travers, Ahmed Ouyahia a dû sentir l'obligation de (re)poser les termes des débats. Beaucoup, d'ailleurs, y ont perçu non pas un chef de parti mais un haut responsable qui prend la liberté de s'exprimer sur quasiment toutes les questions brûlantes de l'actualité. Sur le plateau de Dzaïr News, il n'a certes pas fait d'annonces spectaculaires, mais il a fait des mises au point. Sur la santé prétendument vacillante du Président, sur l'initiative des «19», sur le soutien de l'Algérie au Sahara occidental, sur le MAK, et sur les perspectives économiques. Il est même revenu sur les très médiatiques changements à la tête du DRS pour réaffirmer à peu près qu'il n'y a pas de quoi tirer des plans sur la comète. En revanche, il s'est bien gardé cette fois de commenter les arrestations des généraux Benhadid et Hassan ainsi que «l'affaire» Chakib Khelil. Ahmed Ouyahia a semblé, cette fois, moins cassant, en tout cas plus serein. En déclarant que c'est à la justice de faire son travail, il suggère une volonté de «dépolitiser» ces affaires, histoire peut-être de ne pas plomber davantage le moral national pollué par des histoires de ce genre. En somme, Ouyahia a tenu un discours qui sied à ce contexte de crise sans jamais verser dans la sinistrose. Ce n'est pas spécialement sa mission, mais il y va tête baissée comme s'il s'agissait d'une autre «facture» dont il doit s'acquitter pour rembourser «l'Algérie qui m'a tout donné».