Se battant encore et toujours contre l'«oubli», des membres de familles des personnes disparues durant la décennie noire, ont été empêchées de tenir, jeudi, un rassemblement devant l'APN. Alors qu'ils tentaient d'approcher les députés à l'Assemblée populaire nationale, plusieurs d'entre eux ont été embarqués à 10h par les services de sécurité. «Nous avons été interpellés avant même d'atteindre l'APN», dénonce Nassera Dutour, membre fondatrice et porte-parole du collectif des familles des disparus en Algérie (CFDA). Elle, comme les 8000 familles des victimes de la décennie noire, refuse encore, 11 ans plus tard, la Charte pour la paix et la réconciliation nationale. Leur combat repose sur l'abrogation de cette loi «scandaleuse» adoptée par référendum le 29 septembre 2005. Comme à chaque anniversaire de son adoption ou de sa mise en œuvre (27 février 2006), ces derniers ainsi que des citoyens algériens demandent «à ce que justice soit rendue». «Notre cause est celle de tout un peuple, tant que le terrorisme a endeuillé le pays entier», rappelle Nassera Dutour qui avoue n'y avoir point de mépris, point de rancœur mais juste de la colère chez ces familles. «Nous n'en voulons à personne. Mais nous sommes en colère contre ce système qui a tourné la page sans même la lire», s'indigne la porte-parole du CFDA, également mère d'un enfant disparu en janvier 1997. Les points d'interrogation sont placés à la fin de chaque phrase sortie de la bouche de ces familles. «Où sont nos enfants ? Qu'a-t-on fait d'eux ? Nous devons tous savoir ce qui s'est passé car on ne peut pas avancer sans avoir de réponse», lance encore notre interlocutrice. Par leur action «empêchée» d'avant-hier, les familles des disparus en Algérie ont voulu réaffirmer leur opposition à ce texte qui «prône l'oubli, bafoue le droit des victimes à obtenir la vérité et la justice tout en légalisant l'impunité», écrit l'association SOS Disparus dans un communiqué rendu public jeudi. Ces familles, dit-elle, sont confrontées à un «dilemme terrible», depuis la mise en œuvre des textes d'application de ladite charte. «Par son biais (charte Ndlr), on nous oblige à déclarer les proches décédés pour obtenir une indemnisation», regrette Nassera Dutour. Pour elle, comme pour le reste des familles des victime du terrorisme, ces indemnisations ne sont pas à la mesure des préjudices subis. «Ces familles ne peuvent accepter ce compromis honteux dès lors qu'elles nourrissent l'espoir, même infime, que leurs enfants sont toujours en vie, embastillés quelque part et finiront par réapparaître un jour ou l'autre», écrit encore SOS Disparus. Dans cette charte, c'est également l'article 45 qui est scandalisé. Celui-ci stipule que nul ne peut déposer plainte contre les agents de l'Etat pour les crimes commis pendant les années 1990, particulièrement pour les disparitions forcées. SOS Disparus et le CFDA estiment, donc, que la charte ne peut constituer «une base raisonnable d'une transition vers une paix solide et durable». Ça et tant d'autres points que le CFDA et SOS Disparus n'ont finalement pas réussi à transmettre aux députés, jeudi. Ses membres ont été «mis en détention de 10h jusqu'à 17h».