La 20e édition du Salon International du Bâtiment, des Matériaux de Construction et des Travaux Publics «Batimatec 2017» s'ouvre aujourd'hui à Alger. Cet évènement national et international intervient à un moment difficile, surtout à la suite de la décision des pouvoirs publics de diminuer le budget des équipements. L'évaluation de la situation actuelle du BTPH est requise pour relever les défis et les perspectives d'un secteur très important pour l'économie nationale. Contactés, des professionnels du domaine du bâtiment et de l'architecture ont relevé l'anarchie et le manque d'organisation du BTPH et dénoncé l'absence de contrôle et d'encadrement législatif. Ils ont interpellé une nouvelle fois les autorités pour mettre de l'ordre dans ce «bazar» en plein essor depuis deux décennies. L'importance de ce marché et les défis du secteur du bâtiment ont été notamment soulignés. Djamel Chorfi, ex-président du Conseil national de l'ordre des architectes (CNOA), et Abdelhamid Boudaoud, président du Conseil national des architectes, ont estimé que «le BTPH est un secteur stratégique pour l'économie nationale, mais qui évolue dans une anarchie totale». De nombreux cas de trafics, d'escroqueries et de spéculations ont été enregistrés ou signalés par les victimes. Mais depuis «l'affaire Sahraoui», le ministère de l'Habitat et de l'Urbanisme a «bien fait de songer à assainir le secteur de la promotion immobilière», a-t-on assuré. La promulgation en 2011 de la loi 11-04 portant sur la promotion immobilière est également vue d'un «bon œil», selon l'ancien président du CNOA. Nos deux interlocuteurs s'accordent à dire que «la qualité du logement ou du bâtiment importe peu, au regard des pseudo-professionnels du secteur», ajoutant : «Ils n'ont qu'un but, gagner un maximum d'argent». Les intervenants dans le secteur ne respectent ni les normes architecturales ni le cahier des charges régulant le secteur. On ne cherche que la valeur commerciale. «Ils construisent sans aucune conformité», précisent les deux experts. «C'est devenu récurrent. Aucun intérêt n'est accordé aux infrastructures comme les écoles, les cliniques, les locaux commerciaux…», a précisé Boudaoud, qui ajoute que certains promoteurs n'attachent pas d'importance «à la mise en place des espaces verts et des aires de jeux pour les enfants», sans parler de la gestion de la partie des collectivités communes (nettoyage, gardiennage, ascenseurs…) qui n'est pas prise en considération. Les professionnels du BTPH font eux aussi face à un certain nombre de problèmes, comme l'accès au foncier. «Alors que le potentiel de l'Algérie est énorme, vu l'étendue de sa superficie, les promoteurs ont beaucoup de mal à obtenir un terrain», a-t-on assuré. Boudaoud a notamment souligné l'absence d'une main-d'œuvre qualifiée dans le secteur du bâtiment. «Les spécialistes du domaine doivent s'orienter vers les centres de formation professionnelle». Pour une meilleure organisation du secteur du bâtiment, ces experts ont appelé les autorités concernées à mettre «des garde-fous» pour réguler le secteur. Ils ont estimé qu'il est nécessaire que les professionnels s'organisent pour remettre de l'ordre dans ce secteur. Ils préconisent de mettre en place un fichier national de demande sur l'immobilier, et «un contrôle rigoureux de cette activité». Un marché parallèle puissant L'immobilier est un marché en plein essor. Il a encore de beaux jours devant lui, puisqu'il ne risque pas de fléchir de sitôt malgré la crise pétrolière. La raison «est l'inexistence d'une bourse immobilière», souligne M. Chorfi. C'est le marché parallèle qui est maître et les prix de l'immobilier sont insoutenables et inaccessibles, surtout dans les grandes villes. «Les logements sociaux F3 se vendent à plus de 4 ou 5 milliards de dinars à Garidi à Alger», nous explique-t-il. Le manque de volonté politique pour assainir le secteur n'arrange pas les choses. M. Chorfi a révélé que le marché parallèle de l'immobilier recèle «37 milliards de dollars». D'énormes pertes pour l'Etat. Boudaoud a pour sa part indiqué que le parc immobilier inoccupé est estimé à un million et demi de logements vides. Les pouvoirs publics doivent encourager leurs propriétaires à les louer par l'exonération de taxes et d'impôts. Il faudrait d'abord qu'il existe une volonté politique pour relancer le secteur du bâtiment et penser à la refonte du secteur. Il y a un manque sérieux de textes de loi pour gérer le marché de l'immobilier. La classification des promoteurs immobiliers et l'installation du conseil national de la promotion immobilière sont requises. Les experts appellent à installer une autorité de contrôle dotée d'une administration technique, comptable et marketing pour un meilleur avenir de cette activité.