Le père Armand Veilleux, procureur général des cisterciens à l'époque, met en doute la version officielle de l'Algérie mettant seuls en cause les islamistes. En quête de vérité, il a indiqué, dans un entretien accordé au Figaro, qu'«il est à craindre que l'on ne saura jamais de façon précise tout ce qui s'est passé. La plupart des témoins de l'époque sont décédés et plus l'on avance dans le temps, plus les faits s'estompent». Selon lui, «les autorités algériennes ne dévoilent pas tout ce qu'elles savent, pour éviter une mise en cause de l'armée et de ses services de sécurité. Côté français, certains n'ont pas envie non plus de revenir sur les tensions et les court-circuitages ayant opposé l'ex-DST à la DGSE. Tout semble mis en œuvre pour que cette affaire, qui embarrasse les deux gouvernements, subisse un enterrement de première classe». Cependant, «il est évident que la version officielle, désignant comme seul coupable Djamel Zitouni à la tête d'un groupe du GIA, n'est plus tenable», a-t-il assuré, rappelant que «ces sept frères assassinés figurent parmi les quelque 200 000 victimes de la même violence aveugle ayant opposé l'armée aux islamistes. S'efforcer de faire la lumière dans cette affaire peut donner une pointe d'espoir aux milliers de familles endeuillées, sans nouvelles de leurs disparus et sans possibilité d'obtenir une enquête en raison d'une loi d'amnistie derrière laquelle se retranchent les militaires». Il a appelé le président François Hollande afin qu'«il sollicite à nouveau son homologue ou un vis-à-vis algérien, pour qu'on donne enfin un mot d'ordre permettant au juge Trévidic de mener à bien son instruction en interrogeant sur place plusieurs témoins. Il n'est d'ailleurs pas impossible que quelqu'un en Algérie ait intérêt à faire éclater la vérité sur la place publique. Cela mettrait un terme à ce dossier qui ne cesse d'empoisonner les relations entre Paris et Alger». Le documentaire de la vérité Il est à rappeler qu'un documentaire, diffusé en mai dernier par la chaîne française France 3, avait apporté les preuves irréfutables que ce sont bien les terroristes du Groupe islamique armé (GIA) qui ont assassiné le 21 mai 1996, les sept moines de Tibhirine (Médéa). D'une durée de 62 mn, le documentaire, intitulé «Le martyre des sept moines de Tibhirine», réalisé par les journalistes Malik Aït Aoudia et Séverine Labat, est venu rétablir enfin une vérité longtemps tronquée par des conclusions tendancieuses, dédouanant les terroristes et imputant l'assassinat à «une bavure» des forces de sécurité algériennes. Construit sur des témoignages exclusifs et des aveux saisissants de cruauté des auteurs directs de cette tragédie, ce documentaire met face à la caméra, des terroristes du GIA et des Algériens qui ont survécu au drame.