On nous annonçait une rentrée chaude avec la levée de tous les boucliers disponibles dans l´arène politico-sociale. On s´attendait, avec une certaine appréhension à ce que les boulangers nous mettent dans un sacré pétrin en obligeant toutes les mères de famille à confectionner elles-mêmes leur galette, comme on s´attendait à ce que les pétroliers provoquent des chaînes interminables d´automobilistes devant des stations d´essence asséchées. On s´attendait même, chose incroyable que Sidi Saïd déterre la hache de guerre (comme il y a bien longtemps qu´il l´avait enterrée et qu´il en avait oublié l´endroit, car comme tous les syndicalistes qui se respectent, il ne voulait pas laisser l´occasion à un opportuniste le soin de la déterrer et de mettre en péril la sacrée concorde civile et la paix sociale qui règnent sur un pays qui regarde l´avenir avec sérénité surtout depuis que le baril a pris l´ascenseur pour les cimes enneigées qui couronnent les banques suisses). Donc on s´attendait à ce que le secrétaire général du plus grand syndicat-maison (après celui de la défunte Union soviétique et de la RP de Chine, bien sûr) mobilise toutes les troupes encore valides pour aller régler leur compte à celles d´Ouyahia et consorts, qui attendent, il faut le dire, d´un pied ferme, chiffres, slogans et lois d´exception à l´appui pour attiédir toute ardeur contestataire. Et bien non, ni la lune de miel entre les protagonistes de la bipartite ni le repos forcé des retraités et des antiémeutes ne sera troublé par une rentrée explosive: la canicule qui s´abat sur le terrain du jeu subtil et du champ de manoeuvres risque d´anticiper la colère sourde qui couve aux tréfonds d´une société frustrée par l´absence de retombées concrètes de l´envolée du baril. D´abord, tout le monde a constaté, sous l´effet de la chaleur, la dilatation des conduites d´eau potable, l´allongement des jours sans pain, la montée du mercure au baromètre des prix chez les vendeurs de ventilateurs et de climatiseurs et, par-dessus le marché, l´accélération de la fonte des crèmes glacées qu´il font maintenant déguster sur le pouce ou alors, elles se transforment en tisane. Evidemment, devant cette catastrophe naturelle qui vient s´ajouter à bien d´autres qui ont sévi dans le pays (le choléra, les criquets, les cigarettes du trabendo, les accidents de la route, le parti unique, la crise du logement, l´absence de visa et la sécheresse tridécennale), les officines spécialisées dans le traitement de l´information et des statistiques sont muettes sur les dispositions que comptent prendre les pouvoirs publics pour venir en aide aux personnes âgées qui ont survécu aux épurations, aux licenciements, aux bavures médicales, aux retraites minables... Ne cherchez pas les responsables! Ils sont au frais!