Henri III, roi de France avait, au beau milieu des guerres de religion qui avaient ébranlé la France, commandité l´assassinat du Duc de Guise farouche catholique. En venant vérifier de visu la triste oeuvre commise par ses hommes de main, il déclara devant le cadavre étendu: «Mort, il paraît plus grand que de son vivant.» Cette réflexion devenue célèbre peut s´appliquer à beaucoup d´hommes dont la disparition a grandement amplifié l´ombre qu´ils projetaient sur leurs contemporains, amis, adversaires ou ennemis. Le poète avait surenchéri en observant que les ombres s´allongeaient avec le couchant...Quand un homme politique, qui durant toute sa vie a été craint et respecté vient à faillir (c´est hélas le destin de tous les êtres vivants), les premiers à se réjouir sont évidemment ses ennemis qui, durant des années, ont tout mis en oeuvre pour faire hâter l´instant fatal ou même pour le provoquer. Fidel Castro est de ces hommes que le Destin a protégé. Dans l´interview longue et célèbre qu´il avait donnée à Ignacio Ramonet, directeur du Monde diplomatique, Fidel Castro avait modestement énuméré les heureux hasards qui lui ont permis de sortir de situations très dangereuses. Mais ses biographes, même ceux qui lui ont été les plus hostiles ont surtout retenu la fameuse séquence de son procès, où, brillant avocat, il avait effectué une mémorable tirade contre Fulgencio Battista, dictateur qui avait fait de Cuba le lupanar des riches Américains. La mafia américaine y avait même élu domicile, dirigeant casinos et maisons closes qui fleurissaient. L´épopée de Fidel Castro et de ses camarades, réfugiés d´abord au Mexique, puis débarquant dans une expédition aventureuse à Cuba vont entreprendre une guérilla illustrée d´actions héroïques, dignement restituée par un cinéma cubain flamboyant, durant les années 60. Admirablement secondé par Ernesto Guevara, dit le «Che», il s´installa au pouvoir à La Havane dès janvier 1959. les premières mesures économiques tendant à restaurer les paysans cubains dans leurs droits légitimes, la nationalisation des biens appartenant aux étrangers vont lui attirer l´ire des Américains qui, pendant plus de quarante années, mettront tous leurs appareils de guerre, d´espionnage au service de la déstabilisation du régime castriste. Les biographes retiennent surtout que Fidel, n´ayant pas été communiste au départ, ne s´est tourné vers le bloc de l´Est qu´après avoir essayé de s´approcher des Européens. Ayant trouvé toutes les portes fermées, il fut contraint de se tourner vers le parti communiste cubain qui avait constitué l´ossature du parti révolutionnaire qui avait libéré le pays. Les services secrets américains, après l´échec de l´agression américaine à la baie des Cochons, vont s´illustrer dans de nombreuses tentatives, infructueuses, pour éliminer le «lider maximo» dont le charisme va déborder au-delà des frontières de la petite île qui se trouve à quelques encablures de la Floride. L´appareil de propagande occidental va même inventer une rivalité entre Castro et le Che. Tous les éditorialistes vont de leur plume établir toutes sortes de diagnostics sur les faits et gestes de Castro. Son moindre faux pas est amplifié, et donne lieu à des spéculations sans fin. Il y a même des journalistes qui inventent des interviews avec Castro. Tout le monde pensait que le divorce avec Gorbatchev allait précipiter la chute du régime castriste. Mais les progrès accomplis par les efforts du régime socialiste à la cubaine vont raffermir les liens de la société cubaine. Mort ou vif, Castro, qui n´a jamais renié ses objectifs premiers, restera grand, car, contrairement à d´autres, il sera un original et non une pâle copie dans la galerie de l´Histoire.