Nos pauvres juges ont parfois, entre les mains, et sous les yeux, des dossiers brumeux, sombres! Abdelkader Farouj est poursuivi pour vol et menaces (articles 350 et 286 du Code pénal). Il comparaît ce samedi devant la présidente du tribunal de Boudouaou (cour de Boumerdès). Pour le vol, Abdelkader assure que le produit volé lui avait été remis par Rebahi, absent à la barre donc ne pouvant pas prouver la remise des deux chèques sans provision! La juge demande de quelle manière les 190 millions ont été trouvés sur Abdelkader, lequel explique le comment de la possession de cette grosse somme alors que sa paie ne dépasse pas les 33.000 dinars. L´inculpé mettra beaucoup de temps à faire valoir ses arguments pour ce qui est des menaces. «C´est moi qui avait été menacé, pas lui», dit-il. Mohamed Allane, le procureur, est «questionné» par l´inénarrable Maître Lamouri à propos de l´attestation d´insuffisance de provision pour ce qui est des chèques émis. La juge rejette le terme «question» de l´avocat et préfère «éclaircissement» pour le parquet, surtout que la victime a parlé de menaces envers son...père! La victime est, elle aussi, priée de dire de quelle manière le chèque signé à blanc est arrivé sur les genoux de l´inculpé. «Je l´ai oublié dans la voiture. Il l´a pris, s´en est servi et voilà le résultat.» La victime est, il faut le préciser, un débrouillard, il dispose d´un registre du commerce. «Et les menaces?» demande la présidente à la victime, laquelle va paradoxalement dire entre les dents qu´elle ne connaissait pas l´inculpé! Assurément, il n´y a que dans les salles d´audience que l´on découvre des entreprises d´escroquerie sans pareil dans les annales des juridictions. A Boudouaou (cour de Boumerdès), un samedi matin, dix heures tapantes, Maître Noureddine Benissad avait suivi une histoire bizarre qui est arrivée à celui qui devait être son client. Ce dernier a probablement été «joué» par une connaissance, un certain Rebahi, aujourd´hui volatilisé comme par enchantement. Abdelkader est un fonctionnaire qui touche 33.000 dinars, qui a réussi à s´exclamer face à la présidente du tribunal au motif qu´il avait emprunté, durant quatre ans, quelque chose comme 190 millions de centimes! L´assistance était restée perplexe car, en effectuant un petit calcul et même sans dépenser le moindre dinar durant les quarante-huit mois, Abdelkader aurait réussi à amasser et donc «emprunter» 158 millions de centimes. Or, au milieu de cette histoire, il y a deux chèques signés à blanc qui auraient disparu de la voiture de la victime de ce jour, et donc «volés», selon la victime, par ce Abdelkader avec la complicité de Rebahi. Ce qui fait que Abdelkader est poursuivi pour vol et menaces par cette même victime qui a dit et répété dix fois qu´elle ne connaissait pas ce Abdelkader, qui a déposé plainte auprès du parquet de Larbaâ (cour de Blida) pour émission de chèques sans provision! Allez dénouer cette problématique, surtout que ce Abdelkader a pour avocat un certain Maître Lamouri qui va faire un tabac lorsqu´il va plaider contre les trois ans de prison ferme requis par Mohamed Allane, qui avait posé deux questions pertinentes pour la beauté des débats, prenants, par ailleurs, durant cette matinée printanière. Nous avions même la nette impression que la vivace présidente avait été envahie par un «brouillard» dans ce dossier banal, il est vrai. Maître Lamouri va crier de suite sa colère autour d´un chèque «oublié» dans la voiture. «Et un chèque signé à blanc, remis et couvert par l´article 375 signifie quoi? L´insuffisance de provision va droit sur le mur de la condamnation. Or, c´est devenu un "truc" que de remettre un chèque et de crier au vol, ou à l´oubli dans un lieu donné», s´est écrié l´avocat qui va informer la présidente que deux plaintes sont déposées pour escroquerie de la part de la victime qui ne peut prouver que son chèque est volé. «Il y a, en fait, deux chèques sans provision. Rebahi, ce fameux témoin, a poussé à l´annulation des procédures, une première fois, a vu de la mauvaise foi», a encore ajouté Maître Lamouri qui a prié le tribunal que les conditions des poursuites n´existent pas dans ce dossier, et donc la relaxe doit être prononcée. Joignant ses exclamations à son aîné, Maître Naïma Khettabi dit sa surprise devant tant de déclarations contradictoires émanant de la part de la victime, tout en rappelant que ce Rebahi a, lui-même, un mandat d´arrêt pour une autre affaire et, de ce fait, il ne se présentera jamais devant cette section. Et Maître Lamouri, tout comme Maître Khettabi, auront l´occasion de nous montrer une mine plus que réjouie après la relaxe prononcée à l´issue d´une courte mise en examen. Ainsi, Farouj, cet inculpé, a réussi à éviter la peine de prison et tant mieux pour tous les innocents.