Si on ne cesse de ressasser que le lucre est l'ennemi numéro un du bouquiniste, il n'en demeure pas moins que des tentations malveillantes prennent le dessus sur le bon sens, consubstantiel à la culture elle-même. Les mercantilistes ayant pris un parti défavorable par rapport à la promotion du bouquin constituent dans certaines conjonctures, un souci subalterne. Cela nous amènera à revenir sur les années de plomb qu'a vécues le pays et le lot de la «violence culturelle» si l'expression peut être permise, qui en a résulté. Dire que la culture génère la violence semble une contradiction. Car la violence puise ses origines dans l'inculture. Mais dire également que le livre véhicule l'inculture paraît exagéré. Donc en associant violence et culture on débouchera sur les produits islamistes encourageant la subversion sous le couvert de vente de livre. Profitant de l'ignorance d'une société sous le joug d'une scolarisation aux relents intégristes, ils ont réussi à captiver bien des «proies», usant de leur art diabolique, ils font étalage de leur idéologie intégriste par l'entremise du papier aux conséquences désastreuses. L'absence de l'Etat a permis à des dizaines d'intégristes de faire de l'esplanade de la Grande-Poste et autres banlieues, des espaces d'embrigadement des masses. Le miroir aux alouettes a bien fonctionné pendant un bon bout de temps avant que des bouquinistes avisés, jaloux de l'avenir d'un pays victime d'une récurrente crise intellectuelle, décidèrent de s'impliquer en sourdine. Le contre-boomerang a eu l'effet escompté. Les jalons d'un barrage contre un chaos intellectuel rampant ont été jetés. Bravant tous les dangers, des bouquinistes usant de la même arme (le livre) que les islamistes se sont engagés à sensibiliser le lectorat, indirectement s'entend, à choisir le produit «convenable». L'aveu de l'un d'eux, sous le couvert de l'anonymat, résume sa «bataille» en ses termes: «Je me bas pour couper, intellectuellement, la tête de l'intégrisme où elle se trouve, ou plus exactement, en arracher ce qu'il y a d'intégriste».