A des galaxies loin de nous, parfois sombres ou lumineuses, d'autres cercles, ou des lignes distortionnées, des noeuds en pointillé ou en cercle, des maillons enchevêtrés comme dans un cosmos, éclaté de signes, entrelacés, noués, libérés de leurs entrelacs, combinés soit de l'intérieur ou vers l'extérieur, mais donnant souvent l'impression d'un mouvement continu, voire circulaire comme le destin ou le cycle de la vie. Est-ce la création de l'univers ou de l'homme? Il y a peut-être de cette interrogation existentielle et philosophique qui se décline en filigrane dans cette exposition intitulée Machine théographique qui se tient actuellement à l'espace Baignoire, sise au 3 rue des frères Oukid, au Square Port Saïd. Une nouvelle exposition surprenante inaugurée le 3 juillet en cours et qui dure un mois. La genèse? de l'art ornemental à l'apparence figée déclinée en un motif artistique dans la culture musulmane, puis déployée en «el khalq. La création divine» nous explique l'artiste Liess Vergès. Ainsi, son expo La machine Théographique tend à exprimer entre autres, selon notre interlocuteur, «la machine de la création, qui qui se veut une esthétique de la quête et de la recherche... Ce qui m'intéressait était de revisiter cet ornement qui jadis était dans les mosquées et les palais notamment le retravailler et ressortir une dynamique. Un potentiel...» Une synergie en effet frappe le regard. Il y a comme une sorte de voyage dans une sphère spatio-temporelle qui ne dit pas son nom. Ici et là, notre imagination est happée par des étoiles qui brillent au milieu d'un paysage stellaire, bleu nuit. Un cosmos endogène qui appelle à l'harmonie qui pourrait être psychique ou l'apaisement contre un déséquilibre visant une paix intérieure ou le chaos délétère mais où l'environnement est bien le coeur du sujet qui est posé ici comme le socle de tous les possibles, au coeur duquel se crée et se délie le fil de nos histoires comme autant d'entrelacs, gris blancs, colorés et aussi bien variés qu' imaginables. Le cosmos à vue d'oeil, comme des filaments de lune agrandis au microscope et puis ces radiations chimiques qui interpellent le regard dans cet amas circulaire qui peut être la Terre vue d'en haut quand le soleil est parti se coucher. Mais des ensembles bigarrés tantôt en noir et blanc tantôt en couleurs donnent du relief à ce magma intergalactique qui forme sans doute notre demeure malgré le froid sidéral qui interpelle au premier contact. Eh bien non! Il y a à bien y regarder, de la douceur aussi, de la mélancolie, du désordre et du chaos certes, mais de la solitude qui se cherche et des âmes saccagées malgré tout, qui tente de se reconstruire malgré elles, à renaître et à poursuivre leur destinée, leur éternel enchevêtrement au corps et à l'Autre dans une spirale de vie à sens et envers et à contresens. Oui cela peut paraître incongru de notre part tant parfois notre interprétation paraît de la science-fiction, dixit «un mal luné» mais nous persistons et signons à voir dans l'exposition de Liess Vergès surtout un désir de bien-être, d'amour aussi, dans cette géométrie des sens qui prend forme à la source d'une ininterruption. Casser le cycle, composer avec et recomposer une nouvelle vie, de nouvelles directions, de nouveaux paradigmes, dresser somme toute de nouveaux schémas de vie et en espérer d'autres est un peu à notre modeste avis la métaphore de ces lignes qui inspirent la liberté de vie par l'abstraction de la réactivité de ces signes dont on n'a pas fini de sonder le mystère. A l'infini... En effet que ce soit, Décrépitude (un triptyque au milieu duquel un mur se fissure) ou Individuals socials, l'intrication de l'individu dans la société est omniprésente. L'ordre se cache derrière le désordre voulu comme un sentiment d'imperfection toléré, suggéré et même demandé. Et l'on songe à l'aliénation politique qui secoue le pays actuellement. Dans La tentation nihiliste on part du grand entrelac pour basculer dans le noir. Le néant... Synonyme indubitable d'une rupture dans les relations humaines et le basculement vers le côté obscur de la force. Déclinées en techniques mixtes, différentes d'une planche à une autre, vous n'échapperez pas en tout cas à l'énergie que dégagent ces oeuvres. Un magnétisme éclaté, épars, mais bien là. Et si ces drôles de vagabondages de figures qui tournent en rond n'étaient au fond que les errements de notre vague à l'âme tourmentée, des chemins barricadés qu'on oublie ou des mots qui volent en rengaine, tantôt oppressés, et tantôt gaiement détendus? Des entrelacs de nos meurtrissures ou des volutes de prières à l'inconnu vagabond? Un vertige d'émotion indéchiffrable A vous de voir!