Notre opposition se contente du constat. Elle ne se sent pas concernée par ce qui se passe ailleurs, ni par ce qui se passe ici d'ailleurs. Saâdani a, encore, posé le regard sur quelqu'un. Les Algériens savent maintenant que, lorsque Saâdani pose le regard sur quelqu'un, ce dernier ne tarde pas à se voir propulser au-devant de la scène avec beaucoup de pertes et de bruits. Cette fois, il a regardé, avec insistance, un certain Ouyahia et il a même indiqué que celui-là doit partir. Et, jusque-là tapies dans l'ombre de l'homme fort du RND, quelques bouches, n'attendaient que ce signal pour se mettre à hurler contre Ouyahia et la gestion d'Ouyahia. Les bouches, ça mâche, ça avale et ça sert aussi à hurler. De son côté, Ouyahia a compris. L'expérience du «redressement» n'est pas encore oubliée. Alors Si Ahmed, homme intelligent, rembobine les faits et évènements. Il a compris que quelque chose doit être revue. Il ne tarde pas à saisir et rectifie vite le tir. Pendant ce temps, du fond, provient une douce musique qui, aux dernières nouvelles, semble porter le titre de «Panama Pampers». Une musique pas très appréciée chez nous et dont on pourrait bien vouloir détourner l'attention des gens avec une affaire RND, par exemple. A quelques pas de là, une trop faible opposition tient une réunion. Elle répète toujours le même refrain. Un refrain qui, non seulement, n'a servi à rien, mais qui l'a empêchée de progresser ou de mieux comprendre la réalité. Seule différence importante à signaler par rapport aux années précédentes: Makri porte désormais un chapelet à la main. De la sorte, il pourra faire de l'opposition tout en faisant de l'invocation. Chez les islamistes, on a bien l'habitude de concilier les contraires inconciliables. C'est dire que, tenir un chapelet et faire dans la fourberie de la politique, ne semble même pas contradictoire chez ces gens-là. Pourquoi Makri porte-t-il le chapelet? Est-ce pour marquer son islamité par rapport à ses confrères d'un jour? Est-ce pour faire beau? Est-ce pour faire plus intéressant? Plus intelligent? Dieu seul sait. A travers la vitre de la salle de réunion, ladite opposition écoute avec ferveur les nouvelles des contractuels-marcheurs. «C'est la marche du siècle!» hurlent certains en choeur dans la salle. «Enfin on va être débarrassé de notre ennemi, le système!» reprennent, tout en choeur aussi, les autres avant de se rappeler un vieux refrain que tout le monde se met à chanter comme un seul homme: «L'opposition veut la fin du régime!». Pendant ce temps, de loin, les notes de la «Panama Pampers» continuent d'arriver dans toute leur douceur. Ça parle de dorloterie, de «chouchouterie» et de toutes les formes de gâterie. Paternelles surtout. Lionel Messi est le premier à parler de son père: «C'est mon cher papa qui se tue à préserver mon avenir.» David Cameron lui emboîte le pas: «C'est papa qui m'a légué des parts de sa fortune», précise-t-il plein de tendresse pour son géniteur. Mauricio Macri, le président argentin, lui-même, parle d'une société créée par son cher père et dont il était, par la grâce paternelle, directeur... On l'aura compris, tous ceux qui ont un père l'ont invoqué en écoutant la douce berceuse intitulée «Panama Pampers». Mais ceux qui n'en ont pas ou n'en ont plus, évitent de parler. Platini, par exemple, qui n'a plus de père, a tout nié en bloc. Il n'est pas le seul. Assis dans la salle de réunion, ceux qui constituent notre faible opposition font un constat: dans cette affaire de «Panama Pampers», ceux qui ont parlé de leur père passent un mauvais quart d'heure. Ainsi, par exemple, Cameron est pressé par l'opposition de son pays de quitter son poste. Macri est accusé par ses opposants de traîtrise et ils le poussent, lui aussi, à la démission. Mais ceux qui n'ont pas invoqué leur paternel, ou qui l'ont caché, continuent leur vie normalement. Michèle Platini, par exemple, et il n'est pas seul bien sûr, continue sa belle vie sans être inquiété. Alors là, pas le moins du monde. Notre opposition se contente du constat. Elle ne se sent pas concernée par ce qui se passe ailleurs ni par ce qui se passe ici d'ailleurs. Elle ne trouve personne à qui demander de démissionner. Elle a une seule préoccupation, celle d'arriver au pouvoir au plus vite. Elle compte le faire en laissant passer le temps, un chapelet à la main. Tous les pouvoirs du monde doivent rêver d'une opposition comme celle-là, n'est-ce pas?