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évangéliste ou soldat de dieu ?
JEAN-PAUL II
Publié dans L'Expression le 10 - 04 - 2005

«Le Vatican ! Combien de divisions? Staline
Premier pape slave de l´histoire de la chrétienté, Jean-Paul II a dirigé l´Eglise catholique depuis plus de 26 ans et a marqué le monde par son charisme et sa combativité. Né Karol Wojtyla le 18 mai 1920 à Wadowice, une petite ville proche de Cracovie, dans le sud de la Pologne, il a été élu pape le 16 octobre 1978. Elu 264e pape de l´Eglise catholique romaine, il devient le premier pape slave de l´histoire et le premier non italien depuis Adrien VI en 1522. Il prend alors le nom de Jean-Paul II.
Son élection à la tête de l´Eglise a été une surprise, car il ne faisait pas figure de favori parmi les prétendants au trône de Pierre après les décès à un mois d´intervalle de Paul VI et de Jean Paul 1er. Le nouveau chef de l´Eglise est alors âgé de 58 ans. Il est le premier pape non italien depuis 455 ans et il va dédier son pontificat à la vierge Marie.
Il est à la fois un homme de prière et d´action, un philosophe et un poète. Polyglotte, sportif et grand voyageur, il va médiatiser sa fonction, attirant des foules considérables à chacun de ses déplacements -104 voyages à l´étranger et 129 pays visités - et lors des cérémonies organisées place Saint-Pierre pour béatifier et canoniser deux de ses activités favorites. Il a proclamé à ce jour 482 saints et béatifié 1338 bienheureux.
Jean Paul II a réalisé son pontificat à la fin d'un millénaire dominé par la chute de l'idéologie marxiste à laquelle il a contribué. De plus, l'avènement d'une nouvelle théologie conquérante de la part de la religion chrétienne (opus Dei, l'Eglise protestante américaine) a amené l'Islam, considéré comme le nouvel adversaire de l'Occident après la chute du communisme, a être constamment sur la défensive. Les réactions extrémistes dites intégristes existent dans toutes les religions mais le pouvoir des médias occidentaux ne met en exergue que l'Islam que l'on présente comme la religion de la violence, contre la modernité et cultivant la culture de la mort. Le prosélytisme conquérant du pape Jean Paul II est soutenu comme nous allons le montrer par l'Eglise protestante.
Ainsi dans un article paru dans l'Express, nous apprenons comment les évangélistes s'y prennent pour convertir par tous les moyens de nouvelles recrues: «Ils n´ont peur de rien: ni des bombes, ni des voitures piégées, ni des tirs des rebelles.» En Irak, antichambre de l´enfer où l´on égorge au nom d´Allah et du patriotisme, les protestants évangéliques redoublent de zèle ces temps-ci. Enrôlés dans des organisations non gouvernementales américaines - notamment l´agence World Vision, et Samaritan´s Purse, pilotée par Frank Graham, le rejeton du célèbre télévangéliste américain Billy Graham - ou envoyés par leurs Eglises, telle la Southern Baptist Convention, ces missionnaires, jusque-là très discrets dans le pays, donnent des cours aux enfants, distribuent des vivres et des médicaments aux populations ainsi qu´aux chefs de tribus. «Depuis le printemps 2003, au moins 15 nouvelles églises se sont implantées en Irak en toute discrétion», assure le chrétien assyro-chaldéen Joseph Yacoub, professeur de sciences politiques à Lyon, qui maintient d´étroits contacts avec ses coreligionnaires». (1).
Les nouvelles tentations théocratiques
A Bagdad, ces soldats de Dieu ramassent les fidèles en voiture ou en bus afin de les acheminer vers les lieux de prière, cernés de barricades. Dans l´espoir de convertir les brebis musulmanes qui risquent gros en les fréquentant - dans l´islam, celui qui renie sa foi encourt la mort - les évangéliques jouent même les petits chaperons rouges : on a vu ainsi certains prédicateurs glisser une Bible dans un panier-repas gracieusement tendu aux soldats chargés de la circulation.
Dans ce nouveau millénaire où la défaite des idéologies, la crise de l´idée de progrès, la solitude aussi, suscitent chez les individus une recherche de sens et la «soif d´une nouvelle utopie mobilisatrice». Les croyances prolifèrent: sectes millénaristes, confréries, spiritualités new age... Un peu partout sur la planète - de l´Inde au Proche-Orient, en passant par les Balkans ou la Pologne - le vieil attelage religion-nationalisme se révèle plus solide que jamais.
Minoritaires dans un monde où le sacré ne dicte plus sa loi, les intégristes juifs ou catholiques, eux aussi, redoublent de pugnacité, tels les Légionnaires du Christ, fer de lance de la «nouvelle évangélisation» de Jean-Paul II. Ces nostalgiques d´une société façonnée par le divin ont ferraillé dur lors de la polémique autour du préambule de la Constitution européenne. Les catholiques - Vatican en tête - souhaitaient que le texte mentionne l´héritage chrétien de l´Europe. Lors des débats, un député polonais a même apporté deux crucifix dans l´hémicycle bruxellois et demandé à ce qu´ils soient accrochés au mur.(1).
Dans ce tableau foisonnant, les évangéliques et les islamistes occupent le premier plan. Par l´ampleur de leur action - qui transcende les Etats - et leur puissance de feu prosélyte, ils incarnent, plus que tous les autres mouvements religieux, le retour de Dieu dans la politique. D´ailleurs, ces deux mouvements s´affrontent, l´un jouant le Satan de l´autre. Dans un monde qu´ils jugent corrompu par le matérialisme athée, ces courants religieux ont lancé leur croisade morale contre le péché et pour le salut des âmes avec une efficacité redoutable.
Parmi les actions des évangélistes citons les deux grands continents la Chine et l'Inde. On pense que la seule façon de créer des perturbations en Chine, du fait que toutes les autres «techniques» ont échoué, est de faire émerger de l'intérieur le sentiment religieux, pour venir à son secours. N'est-ce pas en effet, le pape qui déclarait à la veille de l'an 2000: «Le prochain siècle verra l'évangélisation de l'Asie».
Se partageant les rôles en l'occurrence, les évangélistes de L´Indian Missions Association (IMA) a fait du bon boulot. En Inde, les humanitaires évangéliques ont ciblé les «intouchables». Dans ce pays - où vivent plus d'un milliard d´habitants dans un contexte d´intense répression religieuse - cette agence évangélique a constitué un immense fichier de candidats potentiels à la conversion en couplant les informations sociologiques officielles - langues, ethnies, confessions - avec les zones géographiques délimitées par les codes postaux. Les Indiens chrétiens ne représentent encore qu´à peine 3%.(1).
Les évangéliques sont les rois du prosélytisme. Des as de l´apostolat. A leurs yeux, chaque individu est un chrétien qui s´ignore. Ils ont raison d´y croire : d´ici à vingt ans, certains spécialistes estiment que la Chine comptera 200 millions de chrétiens, en majorité néoprotestants, séduits par une religion qui incarne à leurs yeux la modernité. Au Brésil, les évangéliques taillent désormais de sérieuses croupières aux catholiques, avec une croissance de 5% chaque année. En Afrique, les protestants pentecôtistes - courant qui insiste sur l´émotionnel et les guérisons - représentent près de 10% de la population. Mais ce n´est pas tout: les agences d´évangélisation américaines Joshua Project et Aube se sont fixé pour objectif de convertir les peuples de la zone située entre le 10e et le 40e parallèle nord, là où les chrétiens sont le moins représentés. Le Maghreb et le Proche-Orient font partie du lot. Au Maroc, qui compterait 7 000 convertis, l´hebdomadaire Le Journal s´est récemment offusqué de la visite rendue au roi Mohammed VI par le télévangéliste Josh McDowell, en janvier dernier. «Comparé au rouleau compresseur évangélique, le prosélytisme des islamistes ferait presque pâle figure». Le prosélytisme, politique ou religieux, prospère là où l´Etat faillit à ses missions. Les missionnaires n´ont guère eu de difficultés à concurrencer des Etats souvent rongés par la corruption en jouant la carte de l´humanitaire avec beaucoup plus d´efficacité que leurs aïeux, les Pères blancs.(1).
Sur le terrain humanitaire, les évangéliques ne sont pas en reste: World Vision, l´agence caritative évangélique la plus puissante au monde, «a, en 2001, réuni 964 millions de dollars, dont 55% de fonds américains. A titre de comparaison, le revenu du Conseil oecuménique des Eglises était, en 1999, de 27 millions de dollars», ajoute l´universitaire. Soit moins d´un trente-cinquième du budget de l´ONG américaine, qui bénéficie par ailleurs, comme d´autres agences, d´exemptions de taxes et d´aides publiques.(1).
Par leur vitalité, les prédicateurs locaux ont également largement contribué au succès de leurs courants évangéliques, à l´instar du Brésilien Edir Macedo, Aujourd´hui, «son Eglise» a tout de la multinationale, avec ses 7000 lieux de culte, ses filiales dans une vingtaine de pays, sa chaîne de télévision et son hebdomadaire gratuit (800.000 exemplaires). Lula aussi peut remercier ces chrétiens décidément omniprésents. Sans l´appoint des voix pentecôtistes, le candidat brésilien n´aurait peut-être pas remporté la présidentielle de 2002. Mais l´homme politique qui doit le plus aux néoprotestants, c´est George Bush, bien sûr. «Par votre réélection, Dieu a gracieusement offert à l´Amérique un sursis face au programme païen. Il faut dire que l´hôte de la Maison-Blanche est un born again, comme la plupart des évangéliques et comme d´autres membres de son entourage.
De l'autre côté on ne parle que du «djihad» vu dans le sens guerrier et non dans celui de l'effort que doit faire le musulman sur lui-même. Pour eux, le djihad a évidemment beaucoup contribué à rapprocher les évangéliques de George Bush dans une sorte de néomessianisme patriotique. Le président républicain se dit investi d´une «mission» pour «débarrasser le monde du mal»? «Dieu est plus grand que l´Amérique», lui réplique en écho Ben Laden. Un parfum de fin du monde qui ravit les nombreux évangéliques prémillénaristes, persuadés que le tumulte actuel annonce l´imminence de l´Apocalypse décrite par saint Jean.
Parallèlement et par leur rappel fantasmé de la tradition, les radicaux musulmans inventent un autre islam, appauvri, «facile à consommer par tout le monde, ajoute Olivier Roy, dans une oumma transnationale et acculturée. Ils ne déconstruisent qu´un universel en miroir de l´Amérique, rêvant plus du McDo halal que d´un retour à la grande cuisine des califes d´autrefois, note le politologue.(2).
Que peut un homme, même remarquable, même inspiré par Dieu, même un pape, contre la frénésie de biens matériels qui s'offrent à nos contemporains? On entend la voix de Dieu dans le silence et l'austérité. Or, nous ne sommes que vacarme et victuailles. Le discours public de Jean-Paul II a surtout été d'ordre moral. Jean-Paul II a aussi exercé une grande influence politique, ne serait-ce qu'à cause de sa nationalité, qui a tout de suite fait bouillonner la Pologne. Le fameux «N'ayez pas peur!» à l'adresse des Polonais, en Pologne est vu comme une incitation à la révolte contre le pouvoir de Jaruselski. On le tient, à juste titre, pour l'une des personnalités ayant le plus contribué à la fin de l'URSS. Son combat pour la paix a ensuite été inlassable et c'est sans doute ce qui lui a valu l'estime des incroyants.
JEAN-Paul II, l´homme politique
Pour le journal Kommersant du 1er avril : "Le pape a joué un rôle non négligeable dans l´effondrement du système socialiste", affirme le quotidien d´opposition Kommersant. "L´attentat de 1981, derrière lequel, selon des experts occidentaux, se trouve le KGB, est lié précisément à cet aspect de ses activités", ajoute le journal. Pour le quotidien populaire Komsomolskaya Pravda, "plusieurs politiciens américains ont soutenu activement l´arrivée de (Karol) Wojtyla au Saint-Siège, à commencer par le célèbre anticommuniste et russophobe Zbignew Brzezinski (ancien conseiller américain à la sécurité nationale)". "Il pensait que «son homme» au Vatican vaudrait bien des centaines de divisions dans la confrontation entre l´Occident et le bloc soviétique. Et il n´avait pas tort", ajoute-t-il. Komsomolskaya Pravda évoque les échecs du pape.
"Sa plus grosse déception a été de voir la façon dont les anciens pays communistes d´Europe de l´Est ont embrassé le matérialisme, aux dépens de la spiritualité. Le pape a nourri l´espoir que sa Pologne natale apporterait l´esprit de piété en Europe occidentale. Mais c´est le contraire qui s´est produit".
Jean-Paul II a pris position d'une façon ferme contre l'entrée de la Turquie à l'Europe qui doit rester d'essence chrétienne. Ce discours a été réitéré à deux personnalités zélées qui ont participé à la rédaction de la Constitution européenne: Valéry Giscard d'Estaing dont les positions sans ambiguïté vis-à-vis de l'entrée de la Turquie sont connues et Romano Prodi, l'ancien commissaire européen, lui aussi fervent défenseur d'une Europe chrétienne. La Constitution fait, toutefois, une vague référence à l'héritage chrétien de l'Europe. En plus de 10.000 discours et de 14 encycliques, il a amené l´Eglise à traiter de presque tous les sujets: des idéologies, des modèles économiques, des questions de société, du problème du racisme, de l´environnement, des révoltes de masses et des guérillas, du sous-développement, de la dette du tiers-monde, de la sécurité et du désarmement.
Pape politique, Jean-Paul II est avant tout un chef spirituel. En consacrant la notion de collégialité des évêques, Vatican II en 1965 prend le contre-pied des textes adoptés par Vatican I, qui édictait l´infaillibilité papale: «Dès lors, le pape n´est plus ce monarque absolu incarné par Pie IX», Paul VI, qui succède à Jean XXIII en 1963, proclame en 1968 l´encyclique Humanae Vitae. Cette fois, le pape aborde le chapitre attendu de la régulation des naissances, décrétant «illicite» tout moyen de contraception autre que les méthodes «naturelles». Alors que les fidèles attendent un assouplissement de l´Eglise sur le plan de la morale sexuelle et du célibat sacerdotal, Paul VI puis Jean-Paul II réaffirmeront au contraire la fermeté du magistère dans ces domaines. Quant à la question de l´ordination des , le souverain pontife lui a opposé une fin de non-recevoir dans sa lettre apostolique Ordinatio sacerdotalis du 22 mai 1994. S'agissant du dialogue interreligieux, conformément à son désir, et seul contre presque tous ses proches, Jean-Paul II a emmené les représentants de toutes les religions du monde à Assise, pour une journée de prière pour la paix. C'était le 24 janvier 2002. Il s'agissait d'abord, pour le pape et ses invités, de réaffirmer que jamais le nom de Dieu ne doit offrir une justification à la guerre, que seule la paix est sainte. Il s'agissait aussi de faire entendre ce message dans le monde entier, grâce aux médias et à la télévision en particulier : voir se donnant le baiser de paix cardinaux catholiques, patriarches orthodoxes et pasteurs protestants, voir s'embrasser imams et rabbins, grands prêtres du Vodun et moines bouddhistes, dignitaires zoroastriens et prêtres confucéens, shintoïstes ou hindouistes, tout cela donnait à comprendre, en une seule image, le propos de la journée. Cette journée de recueillement vit chacun déposer sur un grand candélabre la lampe allumée de son engagement pour la paix, par ce cri: «Plus jamais la violence! Plus jamais la guerre! Plus jamais le terrorisme!
Au nom de Dieu, que chaque religion apporte sur la terre justice et paix, pardon et vie, amour!»(3).
L'hostilité suscitée par sa rigueur morale a été en grande partie oubliée à cause de ses exhortations en faveur de la paix, en quelque lieu que se soit déroulé un conflit s'est repenti, au nom de l'Eglise, des crimes qu'elle avait pu commettre jadis (Les Croisades, l'Inquisition,...) au mépris des principes du christianisme. De façon générale, cette repentance a été assez mal admise par les catholiques. La responsabilité collective, maintes fois citée dans l'Ancien Testament, n'a-t-elle pas été rayée du Nouveau, qui considère la personne, non la tribu?
Les fidèles des deux religions retiendront la main de Jean-Paul II posée sur celle du mufti général de Syrie peu après leur rencontre dans le salon de la grande mosquée des Omeyades de Damas, les deux tasses du café de bienvenue qui tremblent entre ses doigts fatigués et qu´il n´a pas pu boire, puis sa marche claudicante et chancelante à travers ces lieux qui comptent parmi les plus vénérés de l´Islam et son écoute prostrée de la prière musulmane.(4).
Le dialogue interreligieux et l´Islam
Premier pape à entrer dans une mosquée, le souverain pontife a aussi accompagné son geste historique, hier en fin d´après-midi, d´un message de fraternité à l´adresse des musulmans. La mosquée des Omeyades, qui occupe l´emplacement d´un temple araméen (3000 ans avant
J.-C.) consacré au dieu de l´orage, Hadad, d´où s´éleva ensuite vers le 1er siècle après J.-C., un grand temple romain dédié à Jupiter, fut aussi une église dédiée à Jean-Baptiste. Elle abrite la tombe supposée du saint, que l´Islam considère comme un prophète, appelé Yahya. Deux millénaires plus tard, le saint a donc servi de pont entre les deux religions. S´agissant de la religion juive, le pape a fait dès le début de son pontificat son mea culpa d´une façon nette. La visite de la Synagogue de Rome en 1986 et la visite du Mur des Lamentations en 2000 sont des temps forts. Souvenons-nous de sa phrase : " En tant qu´évêque de Rome et Successeur de l´Apôtre Pierre, j´assure le peuple juif que l´Eglise catholique, motivée par la loi évangélique de la vérité et de l´amour et non par des considérations politiques, est profondément attristée par la haine, les actes de persécution et les manifestations d´antisémitisme exprimées contre les Juifs par des chrétiens en tous temps et en tous lieux. L´Eglise refuse toute forme de racisme comme une négation de l´image du Créateur intrinsèque à tout être humain".(5).
Jean-Paul II est surtout connu par les images des cérémonies du Vatican et celles de ses voyages. Mais s´il est toujours apparu ouvert aux problèmes du monde et au dialogue interreligieux avec l´Islam et avec les autres religions non chrétiennes, il a en revanche conservé une ligne très conservatrice sur les questions de la famille et de la morale. Et il est le pape de la remise en ordre au sein de l´Eglise. Il a mis au pas, fermement, les théologiens contestataires et a donné sa confiance aux mouvements les plus zélés ou mystiques, constituant pour certains de véritables lobbies de la foi, comme les charismatiques ou l´Opus Dei, qui donnent à l´Eglise une image réactionnaire et surtout intolérante.(6).
En effet, malgré la popularité constante du pape depuis vingt-cinq ans, l´Europe demeure épouvantablement déchristianisée. Les statistiques ne le montrent pas de façon évidente puisque, de 1978 à 2000, le nombre des catholiques y serait passé de 266 à 280 millions. Il s´agit toutefois des baptisés, dont beaucoup ont abandonné la pratique et même la foi. Selon le même genre d´évaluation, peu fiable, dans le monde entier, il y en aurait plus d´un milliard au lieu de 750 millions, les autres continents ayant connu un important accroissement. Le recensement des prêtres est, lui, un excellent témoin. 420.000 dans le monde vers 1970, ils seraient aujourd´hui 405 000. Il y a donc stagnation et même, en Europe, un sensible recul.(7).
C´est un fait les églises se vident au grand désespoir du pape. C´est vrai qu´il y a une crise dans les vocations à telle enseigne que les vieux prêtres qui voudraient bien partir à la retraite ne peuvent pas le faire. Malgré un prosélytisme débridé, malgré la méthode d´endoctrinement musclée de l´Eglise américaine protestante, la religion chrétienne est à la croisée des chemins. Depuis les années 60, l´audience des Eglises occidentales décroît inexorablement. En France, par exemple, la courbe descendante des ordinations, amorcée à la fin des années 40, poursuit sa chute après un léger sursaut en 1966: 600 prêtres ordonnés cette année-là, tout juste 200 en 1972, à peine 130 par an depuis 1978.
Le choix du prochain conclave se fera entre diverses nuances d´un conservatisme d´autant moins remis en question qu´un des grands succès de Jean-Paul II a justement été de marginaliser dans l´Eglise catholique toutes les contestations à droite avec les intégristes ou à gauche avec les théologies dites de la libération. Son héritage sera lourd à porter. Celui qui lui succédera, et dont la personnalité sera fatalement différente, aura-t-il la force ou la volonté de le prendre tout entier sur ses épaules ou choisira-t-il de privilégier une voie plutôt que l´autre? (...) Jean-Paul II fut le pape du XXe siècle finissant. Son successeur sera le premier d´un siècle où le sentiment religieux, y compris sous des formes détestables et obscurantistes, reprend vigueur. Il lui faudra, d´emblée, affronter ce défi.
Jean Paul II a lutté jusqu´au bout. Il a gravi son chemin de croix comme il a toujours gouverné l´Eglise, avec la force de la foi, l´humilité du pèlerin de Dieu et l´esprit de résistance qu´il a manifesté pour lutter contre le communisme, défendre la rigueur du dogme sans craindre, parfois, d´aller à contre-courant des envies de la société et porter le message du Christ sur tous les continents. Ce pape qui marquera l´Histoire, cet homme qui a choisi la voie de l´exigence, n´a jamais pu se résigner à guider la barque du Vatican vers des eaux plus tranquilles.
Aucun pape n´aura donné, comme lui, une dimension spirituelle et politique à sa mission. Aucun pape n´aura porté aussi loin et aussi souvent son bâton de pèlerin. En ayant accompli l´équivalent de vingt-neuf fois le tour de la Terre, Jean-Paul II a "mondialisé l´Eglise", Progressiste ou conservateur? Jean-Paul II n´aura été ni l´un ni l´autre. Il aura été un homme d´inébranlables convictions et de principes. Se battant pour libérer l´homme du joug marxiste. Mais se mobilisant pour lui éviter l´aliénation au matérialisme et à la permissivité des moeurs.
On retiendra de lui qu´il s´est opposé à la guerre en Irak, qu´il n´a pas voulu s´enfermer dans la terminologie exclusive de l´holocauste des Juifs, parlant de l´holocauste des Noirs lors de son passage à l´Ile de Goré au Sénégal, point de départ de la déportation de millions de Noirs vers l´Amérique. Il y a cependant l´autre face qui nous parait incompréhensible, son refus obstiné de voir la Turquie rejoindre l´Europe et son insistance à faire mention de l´héritage chrétien de l´Europe. On peut regretter que le rapprochement avec l´Islam ne soit pas aussi net que celui réalisé avec le judaïsme au point de parler de frères " aînés " uniquement envers les Juifs, excluant du même coup les autres enfants de Dieu. Son évocation vague des croisades et de la faute de l´Eglise n´a pas apporté l´apaisement. Malgré tout, le pape Jean-Paul II est à bien des égards, un homme de Dieu, son abnégation ne peut susciter que l´admiration et être pour les monothéistes un repère dans un monde de plus en plus dominé par le moneythéisme : la religion de l´argent.
En définitive, le vrai défi de toutes les religions n´est pas de s´anathématiser mais de s´unir pour apporter des réponses à une science conquérante qui fait que des miracles " sortent à la chaîne des laboratoires. La vraie quête qui devrait unir les croyants est de pouvoir construire un chemin vers plus de spiritualité sans pour autant tourner le dos à la science. C´est peut-être cela le défi des hommes de Dieu
(1). Article collectif. Des islamistes aux évangéliques. L´Express du 28/03/2005
(2). Olivier Roy, La Laïcité face à l´islam, Stock ; L´Islam mondialisé, Seuil..
(3). Laurence Liban Œcuménisme Jour de paix à Assise. L´Express du 01/02/2002
(4). Jean Pierre Perrin, Jean-Paul II prêche la paix à la mosquée. L´Express
Le lundi 7 mai 2001
(5). Jean-Paul II Mémorial Yad Vashem. Avril 2000.
(6). C.E. Chitour. L´Islam et l´Occident chrétien pour une quête de la tolérance. Edtions Casbah. Alger. 2001.
(7). http://www.les4verites.com/articles/ Pierre+ Lassieul.


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