L'état-major de l'armée israélienne reste hanté par les coups de boutoir donnés par le Hezbollah en 1996. En portant ses effectifs à 30.000 soldats, Israël ne sait plus s'il faut foncer encore en territoire libanais ou se replier en prévision de la proclamation inéluctable d'un cessez-le-feu. L'adoption de la résolution 1701 par le Conseil de sécurité, dans la nuit de vendredi dernier, qui se résume essentiellement au déploiement d'une force onusienne d'interposition au Sud-Liban, sur une zone de sécurité, avec la collaboration de l'armée libanaise, est un premier pas qui mènera les belligérants à une cessation des hostilités. Mais entre-temps, Israël compte rentabiliser en sa faveur le dernier quart d'heure de cette guerre. Après avoir revu à la baisse ses objectifs, en se limitant à sécuriser ses frontières des Katioucha du Hezbollah, le duo Ehud Olmert-Amir Peretz dont la cote de popularité a connu, ces derniers jours, une chute brutale, va tenter tant bien que mal de sortir du piége dans lequel se sont empêtrées leurs troupes. Un remake du scénario du retrait de l'armée du Sud-Liban de 1996 après l'opération «les raisins de la colère» est à éviter. «La tactique du Hezbollah nous est familière. Il veut frapper le plus fort possible avant l'instauration du cessez-le-feu qui nous empêchera de répliquer et ensuite proclamer victoire», a laissé entendre le porte-parole du ministère israélien des Affaires étrangères, Yigal Palmor. Le Hezbollah est devenu un cauchemar pour toute la classe politique israélienne qui a sous estimé la capacité de nuisance de la résistance libanaise. C'est ce qui explique ce qu'on peut appeler la fuite en avant de l'état-major de l'armée israélienne qui refuse de tomber dans le piége tendu par Hassan Nasrallah qui avait promis à ses ennemis «un grand cimetière» sur la terre du Sud-Liban. «C'est pourquoi nous préférons anticiper en frappant un grand coup», explique le diplomate israélien qui tient à rappeler la mésaventure vécue par Tsahal lors de son retrait en 1996, «une heure avant le cessez-le-feu qui devait mettre un terme à l'opération israélienne -Raisins de la colère - le Hezbollah avait déclenché un bombardement d'une intensité sans précédent depuis le début des combats.» C'est ce qui explique donc cette montée au front au moment où le conflit commence à entrevoir le bout du tunnel. L'ordre de l'entame de la ‘'grande offensive'' et le contre-ordre la mettant en veilleuse, annoncés en l'espace de quelques heures, marquent le désarroi qui anime la direction de l'Etat hébreu». En voulant faire autant, sinon plus, qu'Ariel Sharon, le Premier ministre, Ehud Olmert, qui n'a rien d'un militaire, a mené Israël au bord de l'abîme. Lui et son compère du ministère de la Défense l'avaient bien déclaré au début des hostilités: Israël allait mener une guerre de survie. Hier encore, le général Dan Haloutz a annoncé que l'option d'une opération terrestre de grande envergure était toujours de mise. Les objectifs sont presque les mêmes, à savoir, avoir les deux pieds au Sud-Liban et repousser les combattants du Hezbollah au-delà du fleuve Litani pour préparer le terrain à une force d'interposition de l'ONU. Une stratégie qui vise, d'après les dires du colonel à la retraite, Larbi Bendahmane, que nous avons consulté sur le sujet, «à quadriller le Sud-Liban pour isoler le Hezbollah et lui couper les vivres et le ravitaillement en armement pour ensuite perpétuer un grand massacre». L'état-major d'Israël pense, dit-il, que «le Hezbollah ne peut pas résister à une guerre d'usure feignant d'ignorer que Tsahal n'est pas non plus entraînée à faire une guerre d'endurance». L'officier de l'armée nationale, qui a côtoyé des militaires israéliens à l'Ecole de guerre de Paris où il a suivi sa formation, relève «qu'hormis sa flotte aérienne surentraînée -plus de cinq missions par jour- ce qui est un record mondial, cette armée n'est pas aussi invulnérable qu'on le pense». Le général Dan Haloutz dit que son armée «continuera à se battre contre le Hezbollah tant que le cessez-le-feu ne sera pas instauré et tant que ne sera pas décidée la manière dont les autres forces prendront position». La résolution onusienne n'aura duré que le temps du suspense, qu'elle a suscité avant sa promulgation. Et tant qu'Israël n'est pas encore convaincu de son cuisant échec, la guerre continuera. A moins que l'opinion publique israélienne ne force la main à ses deux leaders, dans cette sixième confrontation avec les Arabes, pour une éventuelle «paix des braves» pour sauver l'avenir de l'Etat hébreu. L'honneur et la crédibilité de son armée invincible ont été bel et bien entamés. Le Hezbollah imperturbable, continue de mettre en pratique sa stratégie militaire de résistance et de défense du territoire libanais en torpillant le nord d'Israël d'un lot de missiles qui commencent à faire craquer les citoyens israéliens des principales villes de cette région, Haïfa et Kyriat Chmona. Sur le front terrestre, les combats font rage et la chaîne satellitaire Al Jazeera a annoncé, hier, la mort de quatre soldats israéliens et 23 autres blessés. Cette information n'a pas été confirmée par l'armée israélienne qui fait état, de son côté, de plus de trente combattants du Hezbollah tués et plus de 30 soldats israéliens blessés lors d'affrontements depuis vendredi soir. Un vendredi noir pour la marine israélienne qui a vu un de ses navires de guerre couler avec à son bord une douzaine de soldats-marins sur les côtes de la ville de Saïda, suite à des tirs de missiles de la part de combattants du Hezbollah. Une information donnée par le Hezbollah, appuyée par les images de la chaîne Al Jazeera, mais démentie par l'armée israélienne. La bataille médiatique fait rage. Information sûre et sans équivoque est celle qui concerne un autre carnage perpétré par l'aviation israélienne qui a bombardé, dans la soirée de vendredi, un convoi des forces de sécurité libanaises et de civils évacués de Marjayoun, au Liban-Sud, vers la Bekaa (est du Liban). Bilan du massacre: 7 personnes tuées et 36 blessées. Le convoi a été visé par un avion sans pilote de type Drone avec neuf bombes sur la route entre Jib Jannine et Kefraya. En voulant faire plus de victimes avant son retrait, l'armée israélienne veut marquer les esprits et faire oublier l'échec consommé face à une poignée de rebelles résistants qui sont devenus, l'espace d'un mois, les «guérilleros» des temps modernes. C'est la leçon à retenir de ce duel inédit entre deux entités aux forces disproportionnées. Mais il paraît évident que Tsahal ne peut vaincre et détruire le Hezbollah, à moins de posséder l'arme ancestrale qui faisait fureur devant les Romains, à savoir «les trompettes de Jéricho». Mais là c'est une autre histoire.