Les déclarations du roi Abdallah sur la présence étrangère en Irak n'ont pas été «digérées» par les Etats-Unis. A l'ouverture mercredi du Sommet arabe ordinaire à Riyad, le souverain saoudien est revenu sur la situation qui est celle de l'Irak, en déclarant: «Dans l'Irak bien-aimé, le sang coule entre frères dans l'ombre d'une occupation étrangère illégitime». «L'occupation illégitime étrangère» est, à l'évidence, restée en travers de la gorge des politiques américains qui n'ont cessé depuis, d'exiger des «éclaircissements» à l'Arabie Saoudite. La secrétaire d'Etat américaine, avait, le jour même, téléphoné à l'ambassadeur saoudien à Washington lui demandant des «explications» sur la déclaration du roi Abdallah. De son côté, le numéro trois du département d'Etat américain, Nicholas Burns, auditionné jeudi au Sénat, par la Commission des Affaires étrangères, a affirmé: «Nous avons été un peu surpris par ces remarques» qui ajoute: «Nous ne sommes pas d'accord», estimant que la présence des «forces de la coalition» en Irak «était approuvée par un vote de l'ONU» tous les ans, se gardant de rappeler les circonstances de l'invasion et de l'occupation de l'Irak. «Donc, évidemment, indique-t-il, nous allons demander des éclaircissements aux Saoudiens». Les rapports américano-saoudiens traversent ainsi un coup de froid, d'autant plus que le roi Abdallah veut se positionner dans un dossier, celui de l'Irak, par lequel le royaume wahhabite veut conforter son leadership arabe. Une porte-parole de la Maison-Blanche, Dana Perino, tout en estimant que les rapports entre les Etats-Unis et l'Arabie Saoudite ont, de par le passé, connu des «hauts et des bas» admet toutefois qu'ils sont actuellement plutôt au plus «bas» Ce n'est pas la première fois, en fait, que Riyadh et Washington ne se trouvent pas en phase sur l'Irak, notamment depuis que la situation s'est nettement dégradée avec les violences confessionnelles et les massacres des sunnites dont, manifestement, le roi se veut être le champion. Les critiques très sévères de la présence étrangère, même si elles ne visent nommément aucun pays en particulier, n'en ont pas moins froissé la susceptibilité des Américains, qui ont reçu le message cinq sur cinq, sachant que c'est bien les Etats-Unis -maîtres d'oeuvre de «l'occupation illégitime» de l'Irak- qui sont ainsi visés. De fait, le chef de la diplomatie saoudienne, le prince Saoud Al-Fayçal, a, pour sa part, légitimé les propos du roi Abdallah, indiquant que le souverain «décrivait une réalité et il n'a pas l'habitude de camoufler les réalités». Le prince a ainsi indiqué qu' «il (le roi) n'a pas mentionné un pays spécifique, mais comment peut-on qualifier la situation d'un pays qui a sur son sol des soldats qui ne sont pas porteurs de sa nationalité, si ce n'est par ‘'occupation''» en réagissant à son tour à la réaction américaine, lors de la clôture, jeudi, du Sommet de Riyadh. Cette montée, quelque peu abrupte, du souverain saoudien au créneau vient, en fait, comme une mise au point à Washington après la froideur avec laquelle la Maison-Blanche a accueilli l'accord de La Mecque (qui a ouvert la voie à la constitution du gouvernement d'union palestinien), alors que les Etats-Unis récusent la participation de Hamas en maintenant l'embargo sur les territoires palestiniens. Cette position rigide des Etats-Unis sur le dossier palestinien a été très mal perçue à Riyadh dont les efforts pour ramener le calme dans les territoires palestiniens occupés ont été ainsi mal récompensés par leur partenaire américain. La politique irrationnelle de l'administration Bush, qui joue sur tous les fronts (Irak, Proche-Orient, Iran...) risque de mener Washington à l'impasse au Moyen-Orient d'autant plus que les Etats-Unis ne peuvent se permettre de s'aliéner leur principal allié dans la région, l'Arabie Saoudite. D'autre part, le roi Abadllah, qui s'est rapproché ces derniers mois du président syrien, Bachar Al Assad, (ennemi intime des Américains) donne à Washington un avertissement sans frais, comme quoi les Etats-Unis ne sont pas en territoire conquis, qu'ils ont encore à compter avec les Arabes. De fait, l'Arabie Saoudite (qui a, notamment, de l'argent et du pétrole à profusion) ne manque pas d'atouts pour faire infléchir la politique américaine dans la région. Reste à voir si Riyadh a réellement la volonté de jouer de ses atouts pour peser dans la solution de dossiers tels ceux de la Palestine et de l'Irak.