Ainsi, “la Cellule de traitement du renseignement financier” doit attendre qu'une banque dénonce un client qu'elle suspecte de blanchiment d'argent avant de déclencher une enquête. C'est donc avec une telle posture passive d'une institution qui ne peut pas s'autosaisir, qu'on est supposé lutter contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme ! Du moins, c'est ce qu'expliquait le président de la CTRF à l'occasion de la récente rencontre africaine sur le sujet. On comprend qu'on n'en soit qu'à 138 déclarations de suspicion, alors que les trafics et les contrebandes explosent. C'est curieux que la lutte contre le recyclage des fortunes mal acquises compte sur la délation des banques, alors même que nous sommes dispensés de l'usage du chèque, y compris pour payer nos impôts, et que la plupart des grandes affaires de détournement et de corruption portent des noms de banque. À peine 138 déclarations de soupçon qui débouchent sur deux petites affaires de 7,8 millions d'euros et de 300 000 euros ! Outre que cela n'explique pas la place de l'Algérie dans le classement mondial des pays corrompus, la fonction finalement symbolique de l'institution contraste avec la sonorité rédemptrice de son appellation. Pendant que Amghar évoque de virtuelles enquêtes sur le blanchiment de l'argent rouge, Ksentini s'inquiète des “droits” des repentis et Ould-Abbès compte et recompte le budget d'Etat alloué à leur dédommagement. D'ailleurs, on ne sait plus si le discours de M. Amghar tient de la naïveté ou de l'espièglerie quand il déclare que “les repentis qui se sont enrichis avec l'argent du racket ou par d'autres activités liées à des actes terroristes ne peuvent être exempts des enquêtes sur le blanchiment d'argent”. Déjà que sa cellule, faute de prérogatives, a du mal à enquêter sur les justiciables que nous sommes, il se propose de s'attaquer aux fortunes extorquées par les terroristes à leurs victimes. D'abord, il serait paradoxal de poursuivre un terroriste pour crime de racket, alors qu'on s'interdit de le poursuivre pour crime de meurtre. C'est la loi, une loi référendaire qui impose “l'extinction des poursuites judiciaires”, sans précision et donc toutes les poursuites judiciaires, contre “les individus”, comme le précise pudiquement le rédacteur de la charte, qui “se sont rendus…”, qui “mettent fin à leurs activités…”, etc. Messahel, ministre délégué aux Affaires africaines et maghrébines, dénonçant, à raison, la disponibilité des Etats occidentaux à payer les rançons pour la libération de leurs ressortissants kidnappés par les terroristes, s'est bien gardé d'évoquer l'industrie du racket qui accable les commerçants, industriels et agriculteurs de l'intérieur du pays, avec force publicités dans certains cas. La lutte contre le blanchiment de l'argent sale ne peut constituer un programme crédible si la démonstration n'est pas faite de la lutte contre la corruption, le détournement et la contrebande. Celle-ci est préalable à celle-là. Or, un système rentier qui doit sa cohésion politique à la transpiration de ses circuits financiers ne peut s'attaquer à ce mal sans se remettre en cause. Là est le nœud de la couleur de nos fortunes. M. H. [email protected]