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Ramka et Had Chekala hantent toujours les vivants
Onze ans après les massacres
Publié dans Liberté le 25 - 12 - 2008

Onze ans après, que reste-t-il de la sanglante semaine du nouvel an de 1998. L'amnésie officielle, convoquée à force de lois et de décrets, n'a d'équivalent que ce regard suppliant de Z. qui veut oublier
ce qui s'est passé cette nuit du Ramadhan 4 janvier 1998 à Had Chekala. Il avait sept ans à l'époque et, onze ans plus tard, il ne se souvient même pas du nom de son douar.
“Je ne veux pas me rappeler”, s'excuse-t-il presque de ne pas nous en dire plus. Le reste de l'histoire de l'adolescent nous le saurons de la bouche de Kouider Daghbadj, psychomotricien au Foyer d'accueil des orphelins, victimes de la tragédie nationale. Z., blessé lors de l'incursion terroriste, perdra trois de ses frères ainsi que sa mère passés à l'arme blanche. “C'est tout à fait compréhensible qu'il y ait refoulement”, analyse Kouider Daghbadj. Le FAO a ouvert ses portes à El-Matmar, distante de quelque dix kilomètres à l'ouest de Relizane, une année après les massacres, à grande échelle de Ramka et Had Chekala. Sa mission première était de prendre en charge les enfants orphelins victimes du terrorisme. “À son inauguration, le foyer comptait 70 pensionnaires venus des wilayas de l'Ouest, Saïda, Tiaret, Chlef mais ceux de Relizane étaient majoritaires”, nous explique Chouib Rachid, le directeur du FAO.
Une logique des statistiques respectée à la lumière des événements qui se sont déroulés en moins d'une semaine et qui ont, au-delà du nombre des tombes creusées et des fosses communes bourrées, exacerbé toutes les passions. Evoquer de nouveau les tueries de Ramka et Had Chekala, en allant à la rencontre des acteurs du drame, n'est pas sans risque puisque le devoir de mémoire se retrouve aux premières lignes d'un choc frontal avec l'actuelle tendance politique.
Une réalité que l'on perçoit volontaire dans la terminologie des victimes du terrorisme qui ne se reconnaissent pas forcément dans la vision d'Alger. Eradicateurs et réconciliateurs ne sont, chez les gens de la région, que de vagues concepts importés par les politiques de passage venus, le temps d'un meeting, leur expliquer le bien-fondé des décisions de la capitale. Onze ans après, les stigmates marquent toujours les esprits et les corps. A., 15 ans, est lui aussi pensionnaire du FAO depuis 2007. Vivant dans des conditions difficiles à Boughaïdène, il a été placé dans le foyer sur décision du wali de Relizane. L'enfant, un bonnet de laine sur la tête, s'apprête à fêter son anniversaire. A. est un miraculé des massacres de Had Chekala. Il y a perdu la majorité de sa famille et une partie de son crâne.
Oublier pour revivre
Laissé pour mort, il est découvert baignant dans son sang, protégé de la mort par les cadavres de ses quatre sœurs. Il sera hospitalisé pendant douze mois au Centre hospitalo-universitaire d'Oran.
Victime directe des événements, A. est également ce qu'on peut considérer comme une victime à retardement de la nuit du 4 janvier. Tout comme Z., une fois le sujet abordé, c'est le mutisme total qui s'érige en réponse.
Une barrière de sécurité, un garde-fou contre les fantômes du passé. Les oubliés de Ramka et Had Chekala sont ces enfants qui ont échappé aux statistiques mortuaires mais qui ont continué à souffrir, eux et ce qui restait des leurs, dans le silence des douars. Le FAO accueillera sept enfants victimes du terrorisme, plus de sept ans après la boucherie de Had Chekala. “Ceux qui sont restés sur place ont continué à souffrir”, fera remarquer le psychomotricien. Une tragédie accentuée par l'absence du deuil qui affecte, jusqu'à nos jours, certaines familles de la région.
Pour ces orphelins, l'oubli est une arme pour un combat de tous les jours lorsque l'obligation de se réinsérer dans la société devient leur unique leitmotiv.
À une trentaine de kilomètres à l'est de Relizane, le mot d'ordre est à la revendication. Le froid glacial de Jdiouia contraste singulièrement avec la véhémence des propos tenus par des membres du bureau de wilaya des victimes du terrorisme. Un terrain où l'on est forcément appelé à revoir la copie de la réconciliation qui sonne comme un affront à l'évocation des morts. “Ils ont décapité mon frère et sa tombe ne contient que sa tête, le reste du corps n'a jamais été retrouvé”, annoncera le responsable du bureau de Oued Djemaâ. Le tout nouveau secrétaire du bureau de wilaya des victimes du terrorisme, hadj Mohamed Abdelkader, qui n'est autre que le frère de hadj Abed, l'ancien délégué exécutif communal de Jdiouia, cité dans le dossier des escadrons de la mort, veut faire de son mandat celui des commémorations en absence de toute initiative ressuscitant la mémoire des disparus. L'occasion leur est donnée de réitérer leur plateforme revendicatrice qui englobe le logement, les retards enregistrés dans la délivrance des pensions pour des raisons administratives ainsi que le statut fondamental de l'Organisation que l'on dit ficelé sur le bureau du Premier ministre.
Nos interlocuteurs reprochent à Ahmed Ouyahia son désengagement des promesses qu'il aurait données aux victimes du terrorisme. “On a demandé aux autorités locales de s'impliquer pour résoudre nos problèmes et à l'Etat de prendre en charge les orphelins”, dira hadj Abdelkader.
La fatalité, un masque mortuaire
La pluie continue d'arroser la région en cette fin d'année et les gens ont tendance à s'intéresser davantage à leur pain quotidien qu'à autre chose. Partout où le regard porte, on s'aperçoit, impuissant, que le masque de la fatalité semble à jamais le seul qu'ils puissent encore mettre. Jaber Djilali a 44 ans et sur son visage buriné, l'histoire de son drame inscrite dans chacune de ses rides.
L'homme est peu loquace et il est très difficile de lui faire raconter ce qui s'est passé à Meknassa, cette fameuse nuit du 4 janvier. Les mots trouvent péniblement leur chemin dans le récit de Djilali et dans le reflet de ses yeux une méfiance ancestrale héritée de génération en génération. “J'ai entendu du grabuge et je suis sorti pour alerter les voisins du douar Ouled Sid Maâmar. À mon retour, j'ai retrouvé mes trois enfants ainsi que leur mère assassinés à coups de hache”, raconte-t-il, presque détaché. L'homme se cabre lorsqu'on évoquera avec lui les circonstances des raids et les détails de cette nuit. “Il faisait sombre et on ne pouvait rien distinguer. On s'est caché jusqu'au lever du soleil et on a enterré nos morts dans la peur”, se contente-t-il de répondre avant de se barricader derrière son mutisme.
On retrouvera plus d'entrain dans le verbe de hadj Mohamed Fergane, l'ex-chef patriote de Relizane et compagnon d'armes de hadj Abed. “Sincèrement, personne ne s'attendait à un massacre d'une telle ampleur”, témoignera-t-il avant de revenir sur l'implication des GIA de Zouabri dans les massacres de Ramka et Had Chekala. Nous saurons ainsi que des terroristes sont venus spécialement de Boufarik pour en découdre avec l'AIS qui avait pris ses quartiers dans la forêt de Ramka. Et comme représailles, ils ont massacré les habitants des douars avoisinants qui servaient de base logistique aux troupes de Benaïcha. “L'AIS ne les a même pas défendus”, ironisera hadj Fergane qui se rappellera, pour la circonstance, la visite d'un reporter de l'hebdomadaire français le Point et ses allusions qui surfaient sur la vague du “qui tue qui ?”.
Une version des faits qui s'est longtemps nourrie du terreau de la suspicion qui a entouré le scénario des massacres de la semaine du nouvel an 1998. Cependant, et pour cheikh Noureddine, l'ex-numéro 2 de l'Armée islamique du salut, il ne fait aucun doute que ce sont les hommes de Zouabri qui ont commis le carnage.
La vérité des chiffres
“On a reçu des informations affirmant que deux groupes venant des montagnes du Talassa et de Blida ont convergé vers la région de Ramka et un tel déploiement ne pouvait signifier pour nous que la tenue d'un congrès ou la préparation d'une attaque, alors on a pris nos précautions en nous mettant en état d'alerte”, se souviendra-t-il. “Les GIA avaient apostasié tous ceux qui collaboraient avec le pouvoir, y compris nous et c'est pourquoi ils s'en sont pris aux paysans de Ramka et Had Chekala”, ajoutera cheikh Nourredine. Onze ans après, les deux localités sont inscrites dans le dictionnaire de la terreur et ses habitants ont épousé l'exode de la peur. Les douars se sont vidés de leurs occupants et des milliers de personnes ont pris le chemin sans retour de l'exil.
Les nuits du 29 décembre 1997 et du 4 janvier 1998 demeureront à jamais dans la mémoire collective comme étant les pires qu'a connues le pays. Le bilan de ces heures d'effroi a toujours été au centre des enjeux. Un minimum syndical pour les relais officiels et des chiffres, qui dépassent tout entendement, distillés par d'autres canaux. Mais, ce n'est que huit ans plus tard que pour la première fois un officiel algérien brisera le sceau du silence, érigé en véritable mode de gouvernance, pour annoncer les chiffres des deux massacres. En mars 2006, Ahmed Ouyahia avait révélé, lors d'une conférence de presse à la résidence Djenane El-Mithaq, à Alger, que le massacre de Ramka et Had Chekala a touché 1 000 personnes. Officiellement, les autorités avaient annoncé la mort de 150 âmes. “Nous avons caché la vérité parce qu'on ne dirige pas une bataille en sonnant le clairon de la défaite. Ceux qui commettaient les massacres collectifs ne le faisaient pas pour l'acte lui-même, mais pour faire réagir la communauté internationale contre nous”, avait expliqué alors l'actuel Premier ministre. Onze ans après, que reste-t-il à l'évocation de ces deux nuits d'horreur.
L'amnésie volontaire des orphelins, la colère des victimes du terrorisme, la fatalité peinte à tout jamais dans l'esprit de ceux qui souffrent encore. Un documentaire filmé par l'AIS à peine quelques minutes après le carnage. Et pour toute stèle érigée à la mémoire des tombes creusées, une volonté de commémorer chaque année les morts. Une manière comme une autre de tourner la page sans pour autant la déchirer et la jeter au fond de l'oubli.
S. O.


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