Les missions diplomatiques française, autrichienne et d'Ouzbékistan à New York ont reçu des courriers suspects lundi en fin d'après-midi. Les lettres contiennent de la poudre blanche, remettant au goût du jour le spectre de l'anthrax (bacille du charbon) et poussant les responsables desdites missions à procéder, par précaution, à la décontamination des personnels. Les trois plis ont été postés du Texas et l'un d'entre eux comporte une note faisant explicitement référence à Al Qaïda, rapporte l'agence de presse AP. Il semblerait toutefois qu'il s'agisse d'un canular puisque la poudre relevée sur le courrier réceptionné à l'ambassade d'Ouzbékistan s'est révélée inoffensive après analyse. Le phénomène du courrier empoisonné a connu son apogée sous l'ère Bush, faisant paniquer toute l'Amérique après la mort de cinq personnes. L'affaire n'est absolument pas la bienvenue pour Barack Obama, accusé par certains conservateurs de négliger la sécurité intérieure des Etats-Unis en ne faisant pas preuve de suffisamment de fermeté dans la lutte antiterroriste. Elle est d'autant plus inquiétante pour la Maison-Blanche qu'elle intervient quelques jours seulement après la tuerie de Fort Hood au Texas, qui a vu un officier de l'armée américaine, musulman de confession, abattre treize soldats et blesser une trentaine d'autres, à l'intérieur même de sa caserne. Alors même qu'aucun élément ne permettait de connaître les motivations du tireur, du fait même qu'il soit musulman, on soupçonne le tireur d'avoir agi en collusion avec Al Qaïda. La piste est en tout cas sérieusement étudiée, surtout que des investigations ont révélé que l'intéressé a fréquenté la même mosquée que deux des auteurs présumés des attentats du 11 septembre 2001. Barack Obama a d'ailleurs tenu à mettre en garde contre les conclusions hâtives et les tentations islamophobes réelles, surtout chez les militaires. Le geste meurtrier d'un policier afghan qui a abattu de sang-froid des soldats américains qui participaient à sa formation, la tuerie de Fort Hood et, depuis lundi, l'alerte à l'anthrax, n'ont pas laissé le loisir au locataire de la Maison-Blanche d'apprécier sa récente victoire à la Chambre des représentant, où il a réussi à faire voter d'une courte tête sa réforme de l'assurance maladie, en attendant la bataille du Sénat. Le fait est que ces évènements interviennent à un moment particulier de la vie politique américaine. À une année des élections législatives de la mi-mandat, alors que la popularité et l'influence du président Obama sont en net reflux en dépit de son relatif et court succès au Parlement, le spectre du terrorisme refait surface et risque de s'imposer comme le thème majeur de la campagne électoral, ce qui donnerait un avantage certain aux républicains qui en font leur sujet de prédilection. L'autre conséquence fâcheuse d'un éventuel retour à un climat de peur consisterait en un regain de tension entre communautés. Les groupes d'extrême droite, armés et violents, qui se comptent par milliers aux Etats-Unis et qui connaissent un essor inquiétant depuis l'élection de Barack Obama, y trouveraient leur pain béni, eux qui crient à qui veut les entendre que la “suprématie de la race blanche” est en danger et qu'ils sont prêts à faire usage de leurs armes pour la sauvegarder ou, au besoin, la rétablir.