La dernière élection avant les présidentielles de 2014 vient d'avoir lieu. Un peu plus de neuf millions d'Algériens s'y seraient exprimés, huit millions si l'on tient compte des bulletins nuls. Or, même en reprenant à notre compte les chiffres officiels, on ne peut que noter l'abstention d'environ six électeurs sur dix. Pourtant, un tel scrutin, “de proximité", qui détermine la qualité du cadre de vie immédiat, engage les intérêts et antagonismes familiaux et tribaux et autorise un meilleur suivi citoyen du processus électoral, devrait logiquement favoriser la participation populaire. Malgré cela, c'est plutôt la récusation d'un tel vote qui s'est exprimée. À six contre quatre. Si l'on est du côté du statu quo, on peut, bien évidemment, s'en moquer de ce désaveu arithmétique ; les absents ayant toujours tort. Seules comptent les voix qui se prononcent. On ne prend pas en compte les voix de ceux qui réagissent à la fraude par la récusation. Mais en politique, si l'on et responsable, on ne peut se suffire de s'auto convaincre d'être dans son bon droit. Cette attitude a été éprouvée par les régimes algériens depuis l'Indépendance : ils n'ont pu préserver le système qu'en instituant la police et la justice politiques, la torture, le crime politique et la répression sanglante, dont les victimes n'ont pas toujours été des insurgés en armes. Après les élections législatives de mai, le pouvoir vient donc de se délivrer de la formalité des élections locales en prenant soin d'en tirer les résultats qu'il croit le servir. Inutilement, parce que la notion de parti n'a plus de sens pour les Algériens, si ce n'est celui que le pouvoir lui-même lui donne : un prétexte à la promotion des clans coalisés autour de la cause de la perpétuation du système. Tant que la manne pétrolière lui permettra de le financer, le pouvoir pourra maintenir en activité ce mécanisme qui assure la convergence “apolitique" de forces mues par l'attrait de la rente. Aveuglées par les retombées matérielles et politiques de leur engagement, ces forces ne sont pas regardantes sur les effets destructeurs de cette politique sur l'état écologique, économique et culturel du pays. Le peuple, la nation et la société ne sont plus la finalité de l'action politique, de la vie politique ; celles-ci deviennent un prétexte à des plans de carrières individuels et claniques. Seule compte alors la défense du statu quo qui assure la virtualité de ces plans de carrières. Et cette condition surdéterminante est exprimée, depuis une décennie, par l'attachement inconditionnel au “énième mandat du président Bouteflika". À l'intérieur de cette projection conservatrice du système, sous sa forme la plus permissive aux abus rentiers, on peut confronter les nuances de discours les plus diverses et se disputer les positions de la manière la plus brutale qui soit. Le tout étant de ne pas heurter le consensus, sous peine de se voir marginalisé et repoussé hors des institutions rentières. Combien de temps un tel système peut-il survivre ? Lui-même ne se pose pas la question. Auquel cas, il se serait alarmé de devoir s'accommoder d'une légitimité électorale “corrigée" variant entre 25 et 40%. Un tel système finira forcément autrement que dans les urnes. Le tout est de savoir ce qu'il en coûtera au pays. M. H. [email protected]