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Hacène Lalmas
“On achève bien nos idoles..."
Publié dans Liberté le 27 - 02 - 2013

Il est là, en face de moi, le jadis insaisissable, dans un grand local désaffecté à Meissonier. Assis, lui qui a toujours été debout. Il essaye de se lever, mais la pesanteur de la maladie est plus forte que sa volonté qui a fait plier hier ceux qui nous ont fait plier. Il était une star, il était une légende. Les politiques, les historiques, les caciques qui vivaient dans leurs olympes, loin du peuple, aimaient descendre, je veux dire se hisser à son niveau, pour le toucher, juste pour avoir leur part de lumière, leur part de gloire. Mais lui, ours mal léché, grognait et s'en allait vers le peuple d'El-Akiba, de la Casbah et Leveilley. Pour moins que ça, un autre aurait été bastonné, mais lui c'était Lalmas, le héros, la légende vivante. Alors on acceptait son caractère comme on accepterait les ruades d'une vache sacrée dont le lait nourricier abreuve tout un peuple génétiquement rebelle dont on se méfie comme de la peste. De toutes les façons, on subissait d'autant mieux ses foucades qu'on savait cette marche triomphante sur les eaux vouée à la noyade : l'homme était une cigale et non un commerçant avisé tirant profit de son génie du football. Et la cigale ne chante qu'une saison. Son heure viendra. Il suffisait d'attendre. Et l'heure, la triste heure, vint. Un automne gris. A près de soixante-dix ans, la gloire des stades est dans la pénombre. Lui qui labourait les terrains, lui qui était l'exemple de la force triomphante, lui qu'on appelait le Bélier, lui n'est plus, à sa place il y a un homme, paralysé du côté droit, titubant comme un bébé, ne pouvant se mouvoir sans un bras ami, cherchant ses mots, parfois bégayant, s'excusant même : “J'ai du mal à trouver les mots, je m'en excuse". Les mots, sans doute plus sensibles que les humains, vont à sa rencontre. Jugez-on : alors qu'on lui demandait quel était son meilleur souvenir, il reprend de volée comme aux plus beaux jours : “Mon meilleur souvenir de footballeur est celui qui n'existe pas !" Et pan ! L'homme est dans un piteux état. Mais ses facultés sont intactes : toujours ce sens de la répartie qui en imposait aux plus fortes gueules, toujours ce sens du mot qui fait vlan ! Un autre échantillon : “Je ne suis qu'un pauvre footballeur, rien de plus !"
Le coup, le sale coup, il ne l'a pas vu venir, oh ! que non : “J'étais à Yakouren en juillet 2010. Il n'y avait pas âme qui vive dans la rue. Et puis paf ! je me retrouve nez dans les fourrées. J'ai essayé de me relever, impossible... Je ne comprenais pas... Comment dire... c'est comme si j'étais dans un cauchemar... Je me répétais : Non ! ce n'est pas vrai, je rêve. J'ai encore serré mes dents et mis toutes mes forces pour me mettre sur pied, mon corps ne répondait plus, même si mon esprit restait lucide. Au bout d'environ quinze minutes, j'ai pu me relever, complétement étourdi." Lalmas pensait à un coup de soleil, c'était un coup au cœur, un arrêt cardiaque. Sans prendre la mesure de son mal, cet homme qui ne craignait personne sur les stades, cet homme qui jouait avec 40° de fièvre et le sang giclant de sa tête, a, d'une pichenette, comme en football, évacué ce qu'il croyait être un malaise. Il prend le volant pour revenir sur Alger. Au bout de quelques minutes, en plein virage, il perdit connaissance et percuta trois voitures. Ouf ! Plus de peur que de mal. Les occupants des autres véhicules, furieux, vinrent l'admonester. “Ils ont cru que j'étais ivre, alors que je suis hadj. Heureusement que mon cousin est venu à ma rescousse."
“Je suis foutu !"
Quelque temps plus tard, alors qu'il était seul chez lui, seul comme toujours, il voulut arrêter l'eau qui coulait d'un robinet mal fermé. Il s'arrêta net, comme foudroyé. Statufié, incapable de faire un geste. Il ne comprenait pas. Il concentra toutes ses forces mentales sur son bras pour qu'il se détende vers le robinet qui le narguait. Mais son bras resta pendant, inutile. Il veut faire un pas... ses pieds, hier en or, deviennent de plomb et restent collés au sol. Quoi, lui qui a fait marcher à la baguette ses coéquipiers comme ses adversaires est incapable de se faire obéir par ses membres ! Tout son corps est uni contre lui. Lui le meilleur des attaquants n'a pas vu venir cette nouvelle attaque aussi traitresse que soudaine. “J'ai toujours été d'une pièce ! Jamais des coups de poignard dans le dos." Il s'attendait peut-être à ce que la maladie soit comme lui : jamais bas, jamais insidieux. Cet homme a du cœur, un cœur sensible qui croit aux valeurs de transparence, de fraternité et de loyauté. Mais alors d'où vient l'image de l'homme de fer, roublard et rusé. Peut-être pas de lui. Mais sans doute a-t-il laissé faire pour se protéger avec cette carapace. Il pourrait lancer le même cri que Lawrence d'Arabie : “Est-ce que toutes les réputations sont aussi surfaites que la mienne ?"
Disparus les courtisans d'hier, disparus ceux qui lui déroulaient le tapis rouge, disparus ceux qui aimaient se dire ses amis et qui sortaient leurs parapluies sur sa tête alors qu'il faisait beau sur Lalmas. Où sont-ils ces amis de la gloire? “Je n'ai plus beaucoup d'amis. Tu sais, j'ai toujours fréquenté les petites gens qui n'ont pas de poste de pouvoir. J'allais manger à El-Harrach dans le restaurant de mon ami et ex-coéquipier du CRB, Selmi Djillali, sinon je vais au quartier Leveilley pour discuter avec des personnes que j'aime bien." Ce n'est pas là, convenons-en, qu'il rencontrera des députés ou des sénateurs toujours actifs à plus de 80 ans.
Il faudrait bien qu'ils lui donnent la recette de leur longévité, lui qui explique sa situation de grand malade par l'âge alors qu'il pourrait être leur fils ! Dans sa détresse, il a trouvé son fils Youcef et quelques compagnons, comme Kamel Lemoui, ex-professionnel à Béziers, ex-capitaine du Chabab et des Verts. Et Lemoui n'a pas assez de colère pour parler de ce frère : “J'ai été son coéquipier et son entraîneur. Je n'ai pas vu, depuis, plus grand que lui. En tout : un modèle de discipline et de fidélité. Il aurait pu avoir tout ce qu'il voulait. Il n'a rien demandé. Parce qu'il répugne à solliciter pour n'être redevable à personne ! Un autre que lui serait sur un lit, mais lui se bat, il s'est toujours battu d'ailleurs !" Lalmas le laisse parler. Cette pause lui fait du bien. Il reprend son souffle lentement, lui le marathonien d'hier. Lemoui laisse tomber d'un air las : “Nous devons tous quelque chose à Lalmas. On a tous une dette vis-à-vis de lui, tous autant que nous sommes ! Une autre attaque et il passera ! Les pouvoirs publics n'ont pas le droit de laisser tomber celui qui a hissé très haut le drapeau national. Nous n'avons qu'un Lalmas !"
Lalmas, visage triste, reprend la parole pour lancer un aveu déchirant: “Je suis foutu !" J'allais lui dire : “Non, t'es pas seul !" Mais les mots ne sortaient pas de ma bouche. On ne peut pas mentir à une légende. Il est tout seul face à lui-même chaque soir dans sa maison. Seul la nuit, seul le jour, seul avec sa maladie. Mais sa maladie, elle, n'est pas seule avec lui. Elle a des alliés : elle a l'âge, elle a l'ingratitude des autres, elle a les blessures du cœur, elle a les clameurs qui se sont tues. Elle a tout. Lui n'a rien pour sa défense. Qu'une fragile silhouette titubante qui me lance, en guise d'adieu, en me montrant, de son bras gauche encore valide, son nez : “Il me reste ça !" Ça c'est tout. C'est ce qui reste aux braves quand ils ont tout perdu. Tout perdu, vraiment ? Non, il leur reste l'amour et la gratitude de leur peuple. Ave Lalmas.
H. G.


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