Le quartier général de l'unité des forces spéciales de l'armée libyenne, principale base militaire à Benghazi, est tombé aux mains de groupes islamistes après plusieurs jours de combats meurtriers. Deuxième victoire après celle de l'aéroport de Tripoli au prix d'une centaine de morts et de gigantesques incendies de réserves de pétrole pour une alliance de groupes islamistes et djihadistes, qui a annoncé dans un communiqué avoir pris le contrôle du quartier général des forces spéciales qui a perdu le contrôle du Parlement aux dernières élections. Il s'agit de la plus grande perte pour l'armée libyenne, qui peine à se reconstruire depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011. Mais aussi d'un sérieux avertissement au général dissident Khalifa Haftar, un survivant de la guerre de l'Otan contre le régime de Kadhafi qui a repris ses galons pour former des unités et mené depuis le 16 mai une opération contre les groupes terroristes chez lui à Benghazi avec l'objectif de monter sur la capitale. Bénéficiant du soutien de plusieurs unités de l'armée régulière, dont les forces de l'armée de l'air, le général a été récemment sollicité par les populations qui voient en lui leur al-Sissi, le maréchal égyptien qui a coupé court à l'expérience et aux desseins des Frères musulmans en s'installant comme raïs. En effet, des civils libyens regrettant le "Guide au livre vert" souhaitent un scénario égyptien, maintenant qu'ils sont convaincus du chaos s'est installé pour longtemps dans leur pays. Leurs inquiétudes ont été confortées par l'évacuation précipitée du personnel de l'ambassade américaine, suivie de celle de tous les occidentaux. Il n'y a plus d'étrangers en Libye, pas même des ressortissants de pays voisins. Même la représentation de l'ONU a quitté les lieux. Avec leur offensive su Benghazi, les islamistes veulent surtout empêcher la réalisation des aspirations et vœux des populations exhortant le général Khalifa Haftar à s'emparer du pouvoir pour mettre fin au chaos et à l'anarchie, à faire comme al-Sissi en Egypte. Si l'ex-officier supérieur de Kadhafi a captivé autour de son combat contre les islamistes, son charisme lui a valu des ennemis au sein des "élites" post-Kadhafi qui l'ont isolé, l'accusant de vouloir mener un coup d'Etat pour réinstaurer le kadhafisme, de "triste mémoire" selon eux et pour les Etats occidentaux qui ont délogé celui-ci après sa quarantaine d'années de pouvoir absolutiste et "dangereux" sur la scène internationale. En fait, l'ex-général est lui également pris dans la nasse de son pays où ne se conjuguent plus que violence et cacophonie, et où ne s'expriment plus que des seigneurs de guerre et des milices qui se nourrissent de la faiblesse d'un Etat central quasi inexistant. Toutes les institutions d'après la révolution ont échoué. Le tout nouveau Parlement élu au forceps n'a aucune influence, pas même symbolique, au point qu'il a emménagé à Benghazi, plus sécurisée, du moins jusqu'à la semaine dernière, que Tripoli la capitale et que son président fasse appel à l'ONU et aux Occidentaux. En réalité, la guerre civile n'a jamais disparu depuis la chute de Kadhafi. Le fond de ce problème : lorsque l'Otan avait estimé sa mission accomplie, place fut cédée aux milices qui ont toujours refusé de déposer les armes et qui se sont organisées, devenant des représentants politiques et empêchant la reconstitution de l'armée régulière défaite, après l'assassinat de Kadhafi. Les offensives islamistes sont devenues systématiques depuis qu'ils n'ont pas gagné le cœur des Libyens qui leur ont préféré les "libéraux" lors des élections législatives du 25 juin. La structure sociale de la société libyenne est restée encore marquée du sceau du tribalisme. D. B. Nom Adresse email