Depuis quelques semaines, Liberté est souvent contraint de réduire son tirage, parfois jusqu'au dixième de ses prévisions. Depuis l'avènement de nouvelles rotatives permettant de fixer la couleur sur quelques pages du journal, l'imprimerie d'Etat s'est découvert de nouveaux clients et a surtout établi un nouvel ordre de priorité qui renvoie l'impression de ce journal à une heure commercialement impossible. Le prétexte de la nouveauté technologique constituait, pendant un temps, un argument pour le sournois procédé de sabotage. En Algérie, la modernisation a toujours justifié l'inefficacité de nos techniciens, mais pour un temps, avant qu'elle ne soit remplacée par la vétusté des mêmes équipements, comme motif d'improductivité. Mais dans l'affaire, il se trouve que “l'effet de surprise” produit par le nouveau procédé ne sanctionne que Liberté qui, au demeurant, procure plus de la moitié du chiffre d'affaires de l'imprimerie publique. Pour entreprendre de tuer de cette manière la poule aux œufs d'or et privilégier au même moment des titres dispensés du règlement de la prestation, il faut un impératif plus qu'économique. Du 1er novembre, date de l'introduction de la couleur, qui coïncidait avec le début de l'épreuve de Liberté, à ce jour, on a eu tout le loisir de vérifier, en silence, la volonté de réduire au strict minimum l'expression de ce quotidien. Pour mesquin qu'il soit, le procédé a diffusé ses effets : réduction du tirage et retards de diffusion. Le snipper politique, retranché quelque part dans une instance de la République, et qui se gausse de contrarier la liberté de presse en ordonnant le dérèglement calculé d'une entreprise d'Etat, est loin de mesurer le ridicule et la vanité de son stratagème. La hiérarchie de cadres et d'employés qui se plient, de haut en bas, aux velléités de sabotage de ce puissant se rendent certainement compte qu'ils obéissent à l'instinct destructeur d'un type de responsables dégénérés qui, dépassés par l'évolution des choses, n'ont plus que la capacité de nuisance à exprimer. Chaque système laisse derrière lui, quand vient le moment inévitable des changements, ce genre de résidus toxiques. Cela n'empêchera pas la roue de l'histoire — ni les rotatives — de tourner. Cela ne nous détournera pas non plus de notre mission qui consiste justement à débusquer les obstacles à notre développement et à nos libertés. M. H.