Renouant avec les activités culturelles, le Club de réflexion et d'initiative (CRI) de Souk Ahras a organisé, jeudi, son premier café littéraire dans l'enceinte de la cinémathèque locale. Cette rencontre était dédiée en premier lieu au poète et homme de lettres Chakib Hamada, un enfant de la ville disparu le 19 février 2006, auquel de nombreux amis de l'écriture et des arts, dont des jeunes, ont rendu un vibrant hommage tout au long de la conférence qui lui a été consacrée par Dr Badri Loudjani et Amar Djabourabi, les animateurs du CRI. Une conférence qui a été illustrée par un film documentaire sur le parcours hors du commun du poète, qui a préféré vivre modestement à Souk Ahras, sa ville qu'il aimait par-dessus tout et dont il voulait redorer le blason de cité culturelle d'antan, alors qu'il était promis à une brillante carrière dans le monde de la création littéraire, si ce n'est dans le secteur de l'éducation nationale, comme en ont témoigné ceux qui l'ont connu de près. Les participants à cette émouvante, mais néanmoins sympathique réunion ont ainsi pu apprendre que le regretté Chakib Hamada, qui est né le 12 mars 1949 à Souk Ahras, était un ancien élève de l'Ecole normale supérieure du Vieux Kouba (Alger), où il a obtenu une licence en lettres françaises, et surtout qu'il a été, avec Kamel Bencheikh, Tahar Djaout, Arezki Metref, Hamid Tibouchi, Salah Guemriche et beaucoup d'autres de ses amis poètes, de tous les grands rendez-vous littéraires de la capitale dans les années 1970. D'autres témoignages ont fait état des rencontres enrichissantes de poète de la première heure avec Jean Déjeux, Kateb Yacine, Mohamed Kheireddine ainsi que de l'influence qu'ont exercée sur sa vie d'écrivain Mouloud Mammeri, Anne Fabre-Luce, Christiane Chaulet-Achour ou encore Mireille Djaïder, qui ont été ses professeurs à l'université d'Alger. Lors de ce café littéraire qui s'est prolongé jusque tard dans l'après-midi de jeudi, l'auteur Dey Bendifallah, un autre natif de Souk Ahras vivant en France, a animé une conférence-débat autour de son ouvrage Le minaret ensanglanté, une fiction sur la tourmente algérienne des années 1990. À travers ce récit de 190 pages publié par les éditions Sedia, Dey Bendifallah retrace le parcours improbable de 3 anciens amis qui cherchent à renouer contact 12 ans après l'université, mais dont les destins finiront par se heurter et se déchirer dans le bruit des bottes et le fracas des armes qui caractérisaient l'Algérie de 1994. Se prêtant avec une humilité remarquable au jeu des questions-réponses sur les raisons qui l'ont amené à l'écriture d'abord et au traitement ensuite d'un sujet aussi sensible que celui de la décennie noire, l'auteur évoquera les conditions dans lesquelles l'ingénieur agronome qu'il est a dû quitter le pays dans la précipitation, "suite à la vague d'assassinats souvent aveugles et toujours injustifiés qui a endeuillé de la plus atroce des manières des pans entiers de la société algérienne au nom d'une idéologie qui n'est pas la nôtre et qui n'a en aucun cas le moindre lien avec l'islam de nos aïeux", une situation incompréhensible qu'il a tenu à décrire le plus fidèlement que possible dans un style romancé, que chacun aura loisir d'interpréter à sa manière. Ce à quoi il est parvenu avec bonheur, s'accorderont à reconnaître les participants au café littéraire du CRI de Souk Ahras. A. Allia