Après Béchar, c'est Oran aujourd'hui qui renoue avec le cycle des émeutes et de la violence. Tout a commencé hier dans le paisible quartier de Grand-Air, une suite d'immeubles et de pâtés de maisons coincés entre le rond-point de Dar El-Beïda et le quartier populaire de Barki. C'est vendredi. La ville est quasiment déserte. Il est 14h30, et les derniers fidèles rejoignent leur domicile après la prière du dohr. Survient, alors déboulant on ne sait d'où, une voiture de marque Clio lancée à toute allure sur le grand boulevard qui longe Grand-Air jusqu'au pont. Un homme âgé de 52 ans, qui tentait de franchir la chaussée, est tué sur le coup par le chauffard sans doute grisé par sa propre vitesse. La nouvelle circule alors comme une traînée de poudre dans toute la partie est de la ville. C'est plus qu'il n'en faut pour réveiller de vieilles colères, car c'est le quatrième accident mortel depuis un an et demi sur ce même boulevard et sans que cela n'émeuve personne, et encore moins les autorités locales. Une cinquième victime est handicapée à vie. Une foule énorme, composée essentiellement de jeunes et de riverains, occupe le boulevard et le coupe carrément à la circulation. Branchages, pneus crevés, tout est bon pour allumer le feu de la révolte et du ras-le-bol. Des cris hostiles sont lancés du type “Houkouma ragda”. Puis les choses se calment et rentrent dans l'ordre. Pas pour longtemps apparemment ; après la prière d'el icha, la rue est de nouveau occupée. Les émeutiers lassés du laxisme ambiant réclament du concret, c'est-à-dire des dos d'âne, des ralentisseurs. Vers minuit, la police et la Protection civile sont sur place. Le dialogue s'engage. Les émeutiers exigent des solutions immédiates, autrement dit dans les 24 heures qui suivront. Le pari est difficile et le calme gagne enfin les esprits. Hier samedi, les émeutiers s'en sont retournés pour la troisième fois consécutive à leurs barricades. À 15 h très exactement, ils tiennent à la même revendication des ralentisseurs. Et des ralentisseurs seulement. Les autorités de la ville sont-elles capables d'aller vite ? MUSTAPHA MOHAMMEDI