Le président de la République charge le ministre du Travail d'accélérer l'application des nouvelles lois relatives au droit d'exercice de l'action syndicale    Le président de la République ordonne l'élaboration d'un schéma sur l'environnement et l'urbanisme pour revoir le système de tri et de distribution des déchets    Ghaza: inquiétude et indignation à l'international après l'annonce d'une offensive sioniste contre Rafah    Algérie-Turquie: tenue mercredi de la 12e Commission mixte intergouvernementale de coopération économique et scientifique    Président de la République: le dossier de la mémoire ne peut faire l'objet de concession ou de marchandage et restera au centre de nos préoccupations    Ghaza : de nouvelles universités rejoignent le mouvement estudiantin pro-palestinien    Exercice de simulation de recherche et sauvetage d'un avion en détresse exécuté avec succès à Ghardaia    Championnats d'Afrique de natation : bilan positif pour l'équipe nationale à Luanda    Le président de la République préside une réunion du Conseil des ministres    Début de l'examen de l'attestation de niveau des apprenants à distance pour les cycles moyen et secondaire    Para-powerlifting (Coupe du Monde-2024): entrée en lice de trois algériens, mercredi à Pattaya en Thaïlande    Batna: appel à l'inscription d'une opération de restauration du musée de Timgad    Hamas informe les médiateurs qataris et égyptiens de son approbation de leur proposition concernant un cessez-le-feu à Ghaza    Washington suspend pour la première fois depuis octobre 2023 la livraison d'armes à Israël    Plusieurs projets décidés par le président de la République inspectés    Cérémonie jeudi à l'occasion de l'anniversaire de nationalisation des mines et de création de la Sonarem    Ligue 1 Mobilis: l'USMA et la JSK se neutralisent (2-2)    Distinction : Mustapha Berraf décoré de la médaille de l'Ordre national du Mali    L'international sénégalais Nicolas Jackson à égalité de but avec Didier Drogba    21 joueuses retenues pour le 3e et dernier tour qualificatif    Conseil de la nation: la Commission des affaires juridiques examine l'avant-projet d'amendement du Règlement intérieur    Des visites d'inspection inopinées au niveau des chantiers de réalisations de logements    L'eau arrive en ville sur une distance de 146 kms    Une bande de trafiquants de drogue démantelée et saisie de 750 capsules    Hommage aux chevaliers de la plume    Douze avions mobilisés par ''Tassili Airlines'' pour la lutte contre les feux de forêts    Les dirigeants arabes pérorent au Caire pendant qu'Israël massacre !    Mobilisation propalestinienne : Plusieurs syndicats appellent au blocage des lycées    Projection honorifique du film «Tayara Safra» de Hadjer Sebata    Hasna El Bacharia inhumée au cimetière de Béchar    Célébration des costumes et des bijoux algériens authentiques    Enseignement et formation professionnels: les lauréats du concours du mois de Ramadhan distingués    "L'Algérie, un partenaire stratégique dans la coopération africaine", thème d'un séminaire à Alger    Le droit de massacrer, de Sétif à Gaza    Belkacem Sahli réitère son intention de prendre part aux présidentielles du 7 septembre    Le wali honore la presse locale    A Monsieur le président de la République    La protesta estudiantine occidentale face aux lobbies sionistes.    ALORS, MESSIEURS LES DIRIGEANTS OCCIDENTAUX : NE POUVEZ-VOUS TOUJOURS PAS VOIR LES SIGNES ANNONCIATEURS DUN GENOCIDE A GAZA ?    Megaprojet de ferme d'Adrar : « elmal ou Etfer3ine »    Témoignage. Printemps Amazigh. Avril 80    Le Président Tebboune va-t-il briguer un second mandat ?    L'imagination au pouvoir.    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Ils revendiquent la régularisation de la Pension complémentaire de retraite: Sit-in des mutualistes de la Sonatrach devant le siège Aval    Coupe d'afrique des nations - Equipe Nationale : L'Angola en ligne de mire    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    Pôle urbain Ahmed Zabana: Ouverture prochaine d'une classe pour enfants trisomiques    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



De l'art de lire et de la servitude électronique
L'AUTRE ALGERIE
Publié dans Liberté le 10 - 03 - 2022


Par : Kamel DAOUD
ECRIVAIN
Un - C'est l'une des questions que l'on pose parfois à un écrivain : "Comment doit-on lire votre roman ?" Si la requête exprime un désir légitime de ne pas passer à côté de l'essentiel (le mythe du message caché est aussi vieux que l'invention de la religion et des dieux), elle se trompe d'espoir : il n'y aucune manière "juste" de lire un roman, à succès ou pas. Certains auteurs peuvent un peu céder à la vanité ou flatter leur ego en sous-entendant, par mille détours, une interprétation, appuyée d'anecdotes, ou répéter, en mantras un peu faciles, que chacun est libre d'interprétations, il n'en demeure pas moins vrai que même écrire est une interprétation pour l'auteur et que l'histoire racontée n'est peut-être pas celle exactement lue, ou seulement dans les grandes lignes. On se souvient de ce conseil (d'Hemingway) qui veut que le silence dans une histoire doit être plus grand que le verbe pour maîtriser l'art du roman. C'est la formule dite de l'iceberg : "Racontez ce qui laisse supposer qu'il y a quelque chose de plus grand sous la ligne des eaux", peut-on résumer.
Mais donc ? Peut-être qu'il faut faire comme le fit Dieu (ou les dieux) : créer un monde sans explication, sans langue unique babélienne et commune, sans sous-titres, ni intentions explicites, sans fin et sans début et le faire habiter par l'homme qui y chercherait sans fin, lui aussi, la plus juste façon de lire, le sens exact, le sous-entendu dernier. Inventer des prières, des temples, des rites, des guerres et des visions, des vocations et des pèlerinages, à chaque roman, avec chaque histoire. Rencontrer la foi, la perdre, quitter le monde ou y retourner plus riche, défendre une interprétation ou écraser celle d'un adversaire, proclamer la vérité et tuer en son nom en lisant Guerre et paix, Lolita ou un roman policier. Lire comme l'homme face au ciel : sans guide, dans la brume et l'effort, dans le confort et le plaisir, dans la solitude ou la communion. Ecrire comme un dieu, lire comme un homme. Et l'inverse est-il faux ? Ecrire comme un homme, dans l'ambition, l'effort, la peur du ratage et la hantise de ne pas être un vrai écrivain. Et lire comme un dieu qui a oublié son omniscience, qui ne peut être qu'à un seul endroit, qui rêve d'être mortel, de se perdre en héros hors du champ de son omniprésence suffocante, rêver d'avoir un autre corps et d'y croiser ce qui est impossible pour soi : l'inconnu inquiétant, la terrible beauté de l'imprévisible. L'inexploré. Rejouer l'ignorance pour redécouvrir le savoir et briser sa routine monstrueusement antécédente.
Il n'y a aucune manière "juste" de lire un livre et aucune raison de croire qu'il y en a une "juste" pour lire le monde et qui aurait la forme de ces manuels redondants depuis des millénaires. Un livre, c'est la moitié d'un regard, et écrire, c'est s'en empêcher pour ne laisser advenir que l'essentiel.
Deux - "Un monde ouvert", lit-on en argument de publicité. Pour les amateurs de jeux vidéo, c'est la référence la plus addictive, la preuve de maîtrise du studio vendeur : dans ce jeu, on va où l'on veut à l'intérieur d'un écran sans fin, hors de l'axe de la quête, digressant à volonté hors de la linéarité et nourrissant ce qui semble en contradiction dans l'économie de l'univers ludique électronique à durée de vie limitée : l'oisiveté, le désœuvrement ou la sensation d'immersion presque totale, repoussant les limites de l'interaction. Il suffit de s'asseoir pour aller n'importe où, se déconnecter du monde pour goûter à l'infini, prendre une manette pour prendre la tangente cosmique. Un "univers ouvert" est le label des grands fabricants de jeux vidéo aujourd'hui et signe même des chefs-d'œuvre du genre : univers sans bornes, à parcourir au volant virtuel, sur un cheval électronique, avec une arme imaginaire, où l'on tue sans remords ni conséquences autre que le score, chute des nuages sans fracas des os, où l'on vit des rencontres sans logiques amoureuses, où on se promène dans des résidences vides ou des forêts sans nom ni bois. La maîtrise a fini même par proposer une monstruosité des calculs : le monde ouvert du jeu vidéo n'est pas seulement un espace prédéfini pour tous les joueurs, mais il s'en crée un neuf à chaque fois par l'addiction du joueur et ses décisions à l'intérieur du jeu lui-même ! Du divin et du fractal à la fois. À l'avenir, cette dimension sera nourrie encore plus avec les "casques virtuels", les jeux en réseau, la connectivité. Et, déjà, Facebook propose son monde, son casque, et donc ses rites et ses croyances.
Et à l'inverse ? Dans le monde réel, c'est paradoxalement la mode du "monde fermé". C'est ce que nous répètent, inlassablement et apparemment sans impact, les spécialistes : les réseaux sociaux, selon les lois de leurs algorithmes, nourrissent l'univers fermé, alias la fameuse bulle du connecté : par un jeu de recoupement, proposition, reflets et arborescence d'intérêts convergents, la Toile, le Réseau vous sélectionne les profils qui vous "répondent", correspondent à vos haines ou à vos amours, vos passions en somme. Le profil proposé à votre amitié, qui vous suit ou s'intéresse à vous, est celui dont la contradiction avec le vôtre est mathématique et la correspondance évidente. Le but est de nourrir l'enfermement, la "bulle", la notion toute nouvelle de "classe virtuelle", après celle proposée en grille par le matérialisme historique des classes sociales.
Vous voilà enfermé dans votre caste, votre classe algorithmique, votre profil démultiplié dans une fausse galaxie de diversités fausses. On peut rêver d'un Marx de science-fiction, décortiquant le "capital électronique", la société des classes selon les géométries des réseaux, la lutte des classes virtuelles, le communisme du clavier et du profil, le leadership du pseudonyme, la religion des "flowers", la vie éternelle de l'avatar.
Deux grands mouvements d'époque. Le virtuel nous propose, de plus en plus raffiné et étendu, un univers ouvert, attractif, à la mode de Westworld la série américaine, et un monde réel fermé, étroit, réduit à la démultiplication du connecté et de ceux qui lui ressemblent, étouffant et sans perspective.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.