“Six mois, je ne pense pas”, a dit le secrétaire américain à la Défense à des soldats qu'il saluait avant leur départ pour le Moyen-Orient. Ajouté à la formule de Bush — “the game is over”— cela ne laisse aucun doute sur l'imminence de la guerre. La communauté internationale c'est moi semble proclamer le président des Etats-Unis : c'est le moment, pour elle, de prendre ses responsabilités si elle veut défendre la paix. Bush a une idée précise du devoir de la communauté internationale et ne compte point s'encombrer d'une nouvelle consultation du Conseil de sécurité. En tout cas, pas avant de s'assurer le plébiscite. Pour l'heure, un seul Etat occidental s'est résolument prononcé contre la guerre, l'Allemagne. Mais les membres permanents qui constituent la communauté internationale réelle, décideuse, conçoivent parfaitement une intervention militaire, même si certains, comme Chirac, veulent “donner sa chance à la paix”. Ce “plus” de chance à la paix serait un surcroît de moyens d'inspection et une plus grande insistance auprès de Saddam pour qu'il manifeste sa bonne volonté. On observe que dans la partie qui se joue, il y a peu de place à la communauté internationale réelle, dans son entendement universaliste : ce n'est pas la masse des Etats ou celle des opinions publiques qui ont conçu l'option de la guerre contre le régime de Bagdad. D'ailleurs, des Etats parmi les plus enthousiastes pour cette guerre, comme la Grande-Bretagne, auront à contrarier leurs opinions publiques largement opposées à l'engagement militaire de leur pays contre l'Irak. La crise irakienne est en train de révéler que la communauté internationale est une communauté de gouvernements : elle sait, au moment de se décider, passer outre le sentiment de ses populations. La communauté internationale opérationnelle se constitue de quelques puissances, essentiellement celles détentrices du droit de veto. Avec un leader qui ne se gêne pas de proposer à ses alliés le choix de le suivre ou de rester sur le quai. Dans ce mouvement qui ne semble souffrir aucune contrariété, chaque pays se démène pour s'assurer l'existence que lui permet son poids. L'ensemble européen, qui avait là l'occasion de tester son existence politique, assume dans l'anarchie son immaturité stratégique ; le monde arabe compte — décisive initiative — avancer son sommet prévu pour la mi-mars. L'option de la guerre crée l'opportunité, pour les uns et les autres, de concourir pour des seconds rôles qui, d'ailleurs, ne sont pas toujours prévus dans la pièce. D'où cette diplomatie de l'inutile, gesticulations de portée limitée, qui se développe chez certains chefs d'Etat qui se signalent juste pour faire accroire que les choses ne se font pas sans eux. Il est fini le temps des diplomaties de périples et de parade. Comme les politiques internes, les relations internationales sont, elles aussi, devenues des activités qui se mesurent à leur efficacité. M. H.