Le baril de pétrole a encore fait hier une timide percée au-dessus de 50 dollars. Mais c'est la réunion de l'OPEP de jeudi qui donnera les grandes orientations pour le prochain semestre. Après une très brève percée au-dessus de 50 barils, en milieu de semaine dernière, le baril de pétrole est rapidement revenu au-dessous de cette barrière symbolique, à un niveau étonnamment stable. Depuis, les variations de prix sont peu significatives. Le baril donne même l'impression de se barricader autour de 50 dollars, comme si la réunion de l'OPEP du 2 juin devait le libérer, lui permettant soit de repartir vers de nouveaux sommets, soit de replonger vers les profondeurs. Lundi en milieu d'après-midi, le baril était côté 49.27 dollars à New-York, alors que le brent de la mer du nord affichait 49.84 dollars. Le brent a même brièvement dépassé les 50 dollars, à 50.16. Ce niveau de prix peut toutefois être considéré comme une évolution positive par les exportateurs, car le dollar s'est raffermi face aux autres monnaies. Mais pour l'heure, c'est la tendance enregistrée depuis les plus bas de la mi-février, à moins de trente dollars, qui retient l'attention. Après dix-huit mois de baisse presque sans interruption, le baril a entamé une lente mais inexorable remontée qui lui a permis d'augmenter de plus de 50% par rapport à son niveau de la mi-février. Il a déjà repris son niveau de novembre 2014. Peut-il aller plus loin? La réunion de l'OPEP, jeudi prochain, sera décisive. Ce sera l'une des plus importantes de l'histoire de l'organisation. Fondamentaux D'abord parce qu'elle a lieu alors que le marché ne subit pas la pression d'évènements conjoncturels. Les attaques contre des installations au Nigeria et l'arrêt de la production dans l'Alberta ont été intégrés par le marché. Seules comptent donc les grands choix, qui détermineront les grandes tendances de demain. Comment se présentent ces choix? Chakib Khelil, qui n'a plus rien à perdre, n'hésite pas à pronostiquer un baril à 80 dollars avant la fin de l'année. Cette projection n'est pas si farfelue. Elle rejoint en fait l'analyse de tout un courant de spécialistes, qui s'en tiennent à des fondamentaux du marché. Pour eux, la baisse des prix depuis 2014 a provoqué une chute vertigineuse des investissements. Cela se traduit, sur le terrain, par une baisse significative du nombre de puits en production ou en cours de forage aux Etats-Unis. Une relance des investissements aujourd'hui n'aura d'impact que dans deux ans. Il faudra donc satisfaire la nouvelle demande américaine, due à la baisse de la production, ainsi que la hausse de la demande du marché international, même si celle-ci est encore plombée par les difficultés économiques des BRICS. Dans une autre direction, Abderrahmane Mebtoul met en garde contre l'illusion que constituerait la réunion de l'OPEP. Lui-même énumère les fondamentaux qui font le marché pétrolier, pour en arriver à un niveau de prix beaucoup plus modeste. Le pétrole, un produit très politique Mais les pétroliers et les économistes ont précisément un tort principal, celui de regarder vers le pétrole et les tendances économiques. Ils sous-estiment les décisions politiques, alors que celles-ci ont un impact majeur sur le prix du pétrole. Et à ce jeu, c'est l'Arabie Saoudite qui, non seulement détient le principal levier, mais elle a une revanche à prendre. Non pas sur l'Iran ou la Russie, mais sur les Etats-Unis! Pour Ryadh, l'exemple à suivre est simple. Il vient des Etats-Unis, qui ont réussi, quinze ans après le 11 septembre, à devenir autonomes par rapport au pétrole du Moyen-Orient : ils en importent à peine un million de barils par jour, juste de quoi maintenir des circuits commerciaux, alors qu'ils peuvent techniquement s'en passer complètement. L'expérience des Etats-Unis a poussé l'Arabie Saoudite à se lancer, elle aussi, dans une expérience parallèle: l'Arabie Saoudite veut devenir autonome par rapport à son propre pétrole, dans un délai de quinze ans. Pour cela, la nouvelle génération qui s'installe au pouvoir a lancé un ambitieux projet de refonte économique, comprenant le fameux fonds souverain de 2.000 milliards de dollars, parallèlement à une révision de fond du modèle en vigueur. Ryadh, maitre du jeu A la marge, Ryadh doit aussi tenir compte de certains facteurs, comme la politique régionale, la nécessité de préserver une carte face à l'Iran et la Russie, et l'obligation de rassurer ses clients les plus importants. Mais tout ceci sera secondaire face aux trois obsessions saoudiennes : maintenir le pétrole à un niveau de prix qui le laisse incontournable sur le siècle à venir ; reprendre le rôle de régulateur du marché pétrolier, un rôle que les Etats-Unis avaient momentanément joué grâce à la percée des hydrocarbures non conventionnels; réduire la dépendance du pays envers le pétrole. Comment cela va se traduire lors de la réunion de l'OPEP? Pas de résultat spectaculaire à attendre. Ce n'est pas dans la tradition saoudienne. Par contre, il faudra regarder dans la bonne direction, et surveiller l'agenda politique de l'Arabie Saoudite. Ryadh a repris la main comme maitre du marché pétrolier ; elle a ramené le prix du pétrole à un niveau où les autres énergies ne peuvent constituer une menace directe ; elle a désormais besoin de financements pour son fonds souverain.