Ben Ali et Moubarak ont rendu un mauvais service aux régimes arabes. Aux présidents, surtout. Désormais, il n'y aura plus de présidents à vie. Les régimes arabes (africains également) vont devoir maintenant et pour toujours tenir compte du fait que leurs peuples ont vraiment changé. A l'heure d'internet, de paraboles, les peuples apprennent sur d'autres peuples, mais les régimes n'apprennent pas sur d'autres régimes. Quarante et un ans au pouvoir, les présidents oublient que les mandats sont temporaires. Au pouvoir depuis la guerre froide, au pouvoir depuis la fin de la guerre froide, au pouvoir pour diriger dans un contexte de parti unique, au pouvoir pour diriger dans un contexte de pluralisme politique, les mutations des sociétés ont eu lieu, mais pas les visions congelées de dirigeants qui traversent plusieurs générations. Les départs de Ben Ali et de Moubarak ont rendu service aux autres présidents. Ces derniers savent qu'ils ont intérêt à préparer leur succession pour sortir dans l'honneur. Tout a changé. Les gouvernements ne peuvent plus jouer le rôle de fusibles des gouvernements. Ce sont les présidents qui jouent le rôle de fusibles des systèmes en place. Sans nul doute que ce sont les représentants du système qui ont demandé aux deux présidents de partir pour tenter de sauver le système. En Tunisie et en Egypte, les populations ont ciblé les présidents comme représentants du système. Le système va-t-il réellement s'effondrer? Les gouvernements ne sont plus les fusibles des présidents, les présidents ne peuvent ne plus être les fusibles des systèmes en place dans leurs pays. Dans ces conditions, c'est une nouvelle ère qui s'annonce. Mais quelle nouvelle puisque fatalement ce sont les gens du système qui vont gérer la transition? Il est impossible de sortir des postes de décision tous ceux qui avaient servi de support au système. D'abord, c'est qui le système? Tous ceux qui ont servi l'Etat appartiennent-ils au système?