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L'économie algérienne menacée par la mafia politico-financière
Publié dans AlgerieNetwork le 28 - 11 - 2011

« J'ai abandonné l'université il y a trois mois. Il ne me restait pourtant que deux semestres pour obtenir mon diplôme d'ingénieur. Mais à quoi bon ? J'en avais assez des alertes à la bombe dans le train entre Alger et l'université de Bab Ezzouar. Assez des cours annulés faute d'enseignants. Et puis surtout, mon frère m'a proposé de travailler avec lui. Il a créé une boîte d'import-export et ça marche bien. En un mois, je gagne en moyenne plus de 90 000 dinars (9 000 francs). C'est mieux que le meilleur ingénieur du pays. C'est même mieux, paraît-il, qu'un ministre… »
En tenant ces propos, Hamid, un jeune Algérois au visage anguleux, ne cherche pas à provoquer. Il est simplement représentatif d'une génération. Celle des nouveaux hommes d'affaires, des jeunes qui investissent dans le commerce mais de façon plus organisée et plus légale que leurs prédécesseurs, les fameux « trabendistes » ou contrebandiers. Si ces derniers multipliaient les allers-retours avec l'Europe, le Maroc ou la Tunisie pour acheter des marchandises et les revendre, le tout dans une organisation précaire largement dépendante de l'octroi de visas ou du bon vouloir des douaniers, leurs successeurs ont, eux, découvert la légalité - ils ont un registre de commerce et paient leurs impôts, ils utilisent la télécopie, Internet, les lettres de crédit et surtout l'importation par conteneurs.
« Le trabendo, la galère du cabas, tout cela, c'est terminé, poursuit Hamid. Aujourd'hui, quand on se déplace à l'étranger, c'est pour rencontrer des fournisseurs ou négocier avec des banques. C'est pour cela que les gens instruits ont moins honte de faire du commerce. »
La libéralisation du commerce extérieur en 1994 et son ouverture au secteur privé ont ainsi permis la création de plus de trois mille sociétés d'import-export . En 1997, les « privés » algériens ont importé pour près de 2 milliards de dollars grâce à la convertibilité commerciale du dinar. En Algérie, le génie populaire désigne ces entreprises commerciales par l'expression de « sociétés d'import-import ». Une manière comme une autre de pointer le fait que ces nouveaux entrepreneurs sont bien incapables d'exporter et de se frotter à la concurrence internationale, mais, surtout, qu'ils ne font, ni plus ni moins, que gaspiller les réserves nationales en devises étrangères.
« Exporter ? demande Hamid. Exporter quoi ? Pour exporter, il faudrait qu'il y ait des usines qui tournent dans ce pays. Une production autre que celle des hydrocarbures ou des dattes. Personne n'a encore envie de se lancer dans la fabrication. Le meilleur moyen de faire de l'argent en Algérie, c'est le commerce. Même ceux qui ont des usines préfèrent les fermer et se reconvertir en importateurs. » Abasourdis par plusieurs années de violence, les Algériens découvrent donc avec fatalisme ces milliardaires de la guerre qui n'éprouvent aucune gêne à exhiber leurs signes extérieurs de richesse.
« Les nouveaux modèles de berlines de luxe allemandes circulent déjà à Alger avant même d'apparaître en France ou en Italie, s'indigne un enseignant. Il y a eu une période où les gens avaient peur de montrer leur richesse. Mais, depuis quelques mois, les groupes terroristes sont moins actifs dans les grandes villes, et les belles voitures réapparaissent, tout comme des fêtes somptueuses sont à nouveau organisées. »
Mais cette libéralisation du commerce extérieur, fierté des fonctionnaires du Fonds monétaire international (FMI), n'est pas aussi réussie qu'il y paraît. Si n'importe quel opérateur privé peut, en théorie, importer des marchandises, il est des domaines auxquels il vaut mieux ne pas se frotter.
« Les monopoles publics ont été remplacés par des monopoles privés proches des cercles du pouvoir. Il est inutile d'essayer d'importer des produits alimentaires, des médicaments ou des matériaux de construction. Tout le monde sait qu'il y a des gens incontournables sur ces marchés et qu'il vaut mieux, pour sa propre sécurité ne pas s'en approcher », reconnaît un employé de la chambre de commerce d'Alger.
Des entreprises publiques mises à sac
LES fournisseurs français savent ainsi qu'il vaut mieux ne pas essayer de multiplier les contrats et qu'il leur est hautement conseillé de ne traiter qu'avec un seul interlocuteur. « Je mets au défi n'importe quel opérateur algérien anonyme d'importer du sucre ou du ciment français. Au mieux, il recevra un refus poli du fournisseur », poursuit l'employé de la chambre de commerce d'Alger. Quant au pire, les responsables de sociétés algériennes d'« import- import » sont capables de fournir des dizaines de récits qui laissent songeurs. Un jeune importateur oranais a ainsi vu sa cargaison de sucre déclarée impropre à la consommation par des services portuaires à la mauvaise foi évidente. D'autres opérateurs ont eu moins de chance : les Algériens sont persuadés que certains assassinats attribués à des groupes islamistes armés sont liés à des affaires de rivalités en matière de commerce international.
« C'est clair qu'il faut trouver une niche qui n'éveille pas l'appétit des plus gros. L'informatique, les composants électroniques, les accessoires d'automobile en sont quelques-unes », explique Hamid. Mais le problème est que les gros importateurs sont insatiables. Et localiser les bonnes affaires leur est d'autant plus facile qu'ils disposent d'informateurs au sein de toutes les administrations, notamment portuaires et douanières.
« Au départ, l'importation de canettes de bière européenne était pratiquement ouverte à tout le monde. Et puis le fils d'un général à la retraite a décidé que ce marché devait lui revenir de manière exclusive. Comme par hasard, les autres importateurs ont commencé à avoir de graves problèmes avec l'administration, et certains ont perdu toutes leurs cargaisons. Le signal était clair », raconte un cadre de l'Entreprise du port d'Alger.
Dans cette conjoncture où des intérêts privés tentent de prendre le contrôle de l'économie, avec la complicité, on ne le répétera jamais assez, des institutions internationales qui feignent de ne pas connaître la réalité de la situation, la question de la privatisation des entreprises publiques se pose avec beaucoup d'acuité.
« Comment privatiser sans brader ? Comment faire en sorte que les entreprises vendues ne soient pas dépecées ? », se demande ainsi un haut fonctionnaire algérien.
« Il est normal que l'Etat algérien se désengage des activités où le secteur privé peut mieux faire. Mais la privatisation totale ne doit pas être envisagée. Il existe des entreprises publiques qui sont capables de résister et de fonctionner dans un environnement concurrentiel. Qu'on nous donne simplement les moyens de lutter à armes égales avec le privé ou les entreprises internationales », affirme-t-on auprès de l'Union nationale des entrepreneurs publics (UNEP), l'une des rares organisations à tenter de défendre encore l'idée d'une économie mixte.
Plus de quatre cents entreprises publiques économiques (EPE) sont concernées et le manque d'informations concernant les projets de privatisation témoigne, pour nombre d'observateurs, des tensions engendrées par ce dossier. D'autres entreprises publiques - locales - ont été vendues, dissoutes ou n'ont tout simplement pas trouvé preneur. Ce fut, par exemple, le cas pour beaucoup d'hôtels, dont certains ont été construits par l'architecte François Pouillon : les investisseurs potentiels, algériens ou étrangers, n'en ont pas voulu même au prix du dinar symbolique. Ce manque d'engouement s'explique par l'ampleur des travaux à engager pour rénover ces établissements, mais aussi par le fait que le tourisme en Algérie reste un secteur dont l'avenir dépend essentiellement de l'amélioration du climat sécuritaire.
Du coup, nombre d'investisseurs font pression pour que le gouvernement vende des entreprises solides telles qu'Air Algérie ou même encore la Sonatrach (entreprise pétrolière). Dans le même temps, d'autres entreprises publiques, rentables elles aussi, font l'objet de réelles tentatives de déstabilisation. C'est le cas, par exemple, de Saïdal, une entreprise pharmaceutique, qui s'efforce de faire revivre une industrie nationale, largement concurrencée par les sociétés privées importatrices. « Cette dynamique dérange, explique un cadre de Saïdal. Le PDG de notre entreprise a été victime de plusieurs attentats terroristes. Nos installations de production sont régulièrement ciblées, et nous avons été obligés de créer une filiale de sécurité pour nous protéger. Personne n'arrivera à nous convaincre que ces attentats sont le fait des groupes islamistes. »
En clair, les lobbies qui souhaitent que l'Algérie continuent à importer des médicaments plutôt que de les fabriquer seraient derrière ces attentats. La déstabilisation par une violence qu'il est aisé d'attribuer aux terroristes n'est pas la seule arme utilisée par ceux qui souhaitent transformer le pays en gigantesque comptoir commercial. On peut aussi, c'est moins risqué et plus fréquent, s'attaquer aux équipes dirigeantes des entreprises publiques, en critiquant leur gestion. Le cas de l'entreprise Sider, à laquelle appartient notamment l'important complexe sidérurgique El Haddjar (dans l'est du pays), en est l'illustration parfaite .
Le 21 février 1996, les dirigeants de l'entreprise sont arrêtés, puis condamnés, en octobre 1997, à de lourdes peines de prison. Il a été établi que, au moment de l'arrestation de l'équipe dirigeante - qui espère une décision de cassation de la part de la Cour suprême ou bien une grâce présidentielle -, le dossier d'accusation était vide : ce n'est que par la suite que les autorités judiciaires s'attacheront à le remplir, en diligentant des audits comptables et financiers dont les résultats restent critiqués. Très médiatisée, cette affaire met aussi en relief le fait que l'Algérie, engagée officiellement dans l'économie de marché, est loin d'avoir réformé son droit du commerce et des affaires, comme l'assure un ancien cadre de Sider installé en France.
« Le dossier d'accusation contre ces dirigeants était vide, et les différents griefs de la justice se basent sur le code de gestion socialiste des entreprises. Comment peut-on défendre l'économie de marché et poursuivre un PDG parce qu'il a utilisé la carte de crédit de l'entreprise alors qu'il était en mission à l'étranger ? »
Plus scandaleux encore, on reproche à un accusé de se faire appeler « Charles de Gaulle », tandis qu'un autre se voyait traiter de « harki ». Sans prétendre que les dirigeants de Sider sont tous exempts de reproches - « Il y a sûrement quelques brebis galeuses parmi les accusés », reconnaît ainsi un membre du comité informel de soutien aux dirigeants de Sider -, il est évident, pour la majorité des observateurs, que les principaux opérateurs liés à l'importation de ronds à béton pour la construction ont intérêt à ce que Sider décline, voire que l'entreprise soit purement et simplement dissoute en raison de mauvaises performances commerciales.
« Les dix dirigeants actuels de Sider, tout comme ceux qui se battent ailleurs pour maintenir à flot leurs entreprises, savent qu'ils peuvent aller en prison parce qu'ils appliquent des méthodes de gestion moderne que la justice continue à prohiber. Le flou est total, et cela va nécessairement avoir un effet négatif sur la performance de ces entreprises. Si le gouvernement veut limiter l'influence des groupes d'intérêts hostiles aux EPE, il doit légiférer rapidement et ne plus permettre qu'on puisse déstabiliser une équipe dirigeante en se cachant derrière des règles de gestion archaïques », estime l'économiste Amar Ouahad.


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