C'est dans un pays où les élites dirigeantes sont figées depuis des décennies que la fête dédiée à la jeunesse est célébrée aujourd'hui. Elle marque, également, l'anniversaire de l'indépendance. Ainsi, la célébration des fêtes nationales finit par mettre le pays face à ses propres contradictions et paradoxes. Résolument installé dans la gérontocratie, le pouvoir en place s'embarrasse de l'obligation de louer les vertus de la jeunesse, mais sans évoquer son corollaire, le renouvellement générationnel dans les institutions. L'un des aspects de l'impasse où se trouve le pays est de célébrer une fête solennelle avec la ferme volonté d'en piétiner le sens et l'esprit. Les derniers développements de la vie politique nationale, avec les soutiens successifs et tonitruants au 5e mandat présidentiel, apportent des signes accablants sur les intentions au sein des sphères dirigeantes. Ils n'augurent pas d'une ouverture sur la société et sur l'avenir mais d'une crispation qui jure avec tous les principes de démocratie et d'alternance au pouvoir. Le Conseil de la nation, dont il était, du reste, vain d'attendre une hauteur de vue sur les événements, a apporté sa part d'exaspération au débat national, en appuyant le statu quo lors du prochain rendez-vous électoral prévu dans moins d'un an. En faisant endosser cette attitude régressive à la Chambre supposée haute du Parlement, les ordonnateurs de cette manœuvre démontrent que le pays n'a pas pour réelle ambition de célébrer la jeunesse, mais simplement de se complaire dans l'infantilisation. Parallèlement à cette démarche assumée de négation des potentialités et des aspirations de la société, un ersatz d'imagination est déployé pour construire un contenu et un discours pour occuper les populations et distraire l'opinion publique. Plus de 56 000 logements sont distribués à l'occasion de cette double fête nationale. Les walis, qui ont depuis longtemps oublié que leur mission était de lancer les zones d'activités et d'accompagner les entreprises de production, sont enjoints d'organiser à grands renforts de publicité des cérémonies d'attributions groupées de logements et des aides à l'habitat rural. En plus de revendiquer l'échec des politiques d'habitat après plus d'un demi-siècle d'indépendance, ces fumeuses actions de communication indiquent incidemment que le pouvoir s'est fossilisé depuis les années 1970, au temps des folkloriques opérations de remise des clés ou d'inauguration des villages socialistes, lesquels sont devenus, fatalement, des repaires du dénuement et du désœuvrement. Les échecs sont nombreux et les désillusions intégrales. Cela ne constitue pas, selon le cours des événements, un motif supplémentaire pour permettre le passage de témoin dans l'espoir d'un ressaisissement national. Dans ce pays notoirement jeune, les seuls éclats de voix qui remontent sont ceux des thuriféraires et des préposés à l'allégeance. Au sommet de l'Etat, le message écrit continue d'entretenir la voix officielle. Dans celui rendu public hier, il est fait état de la volonté d'«ériger notre jeunesse en véritable acquis pour l'Algérie». Les horizons politiques vont s'éclaircir quand il sera entendu que la jeunesse n'est pas un acquis pour le pays, mais son avenir.