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«Le développement régional ne se décrète pas»
Ahmed Bouguermouh. SpÈcialiste en dÈveloppement local
Publié dans El Watan le 29 - 10 - 2018

– Un programme de développement spécial dédié aux zones frontalières a été annoncé. Qu'en pensez-vous, sachant que d'autres régions attendent également leurs plans de développement ?
Afin de situer ce «programme spécial» de développement destiné aux neuf zones frontalières du pays telles que définies par le Schéma national d'aménagement du territoire(SNAT) horizon 2030, il convient de signaler tout d'abord que les sept pays entourant l'Algérie ont entrepris ou entreprennent des programmes similaires destinés à leurs propres zones frontalières.
Cela ne saurait relever d'un simple hasard. Il faut préciser ensuite que ce programme a nécessité de la part des pouvoirs publics une réflexion, des études, des enquêtes et des échanges avec les pays limitrophes. Une démarche tout à fait inhabituelle, donc. Une telle préparation, des précautions aussi poussées démontrent l'extrême sensibilité de la question et justifient pleinement l'importance de la démarche officielle.
Il convient de noter enfin la complexité du développement des zones frontalières. Ce dernier comporte, en effet, des facettes multiples : sociale et économique, bien évidemment, mais également (et surtout) sécuritaire, politique et géopolitique. L'objectif avoué du programme est de «rattraper certaines insuffisances, fixer la population, par l'amélioration du cadre de vie du citoyen (habitat, éducation, enseignement, formation, santé, emploi, énergie, AEP, assainissement, routes, etc.), relancer et impulser une dynamique de développement et promouvoir l'attractivité de ces territoires».
Au-delà de ces objectifs avoués, le «lancement d'une dynamique de développement a bel et bien pour vocation de sécuriser les zones frontalières et d'éradiquer les fléaux qui minent ces régions : terrorisme, trafic de drogue et immigration illégale.
Lors de récents contacts avec son homologue nigérien, notre ministre de l'Intérieur a été explicite en affirmant que la pauvreté et l'exclusion nourrissent le terrorisme. Le développement socioéconomique de ces zones frontalières devient de ce fait l'une des grandes priorités de l'Algérie».
La réponse à votre question, sur le pourquoi d'un «programme spécial» de développement destiné aux zones frontalières du pays, alors que d'autres régions souffrent tout autant du sous-développement et du mal-vivre semble évidente : pour nos dirigeants, les questions sécuritaires, politiques et géostratégiques de l'heure semblent primer, à tort ou à raison sur le reste. Les autres régions du pays attendront donc des lendemains plus cléments.
– Quel serait, à votre avis, l'impact de ce programme connaissant les résultats des précédents programmes régionaux ? Ne pensez-vous pas qu'il y a lieu d'impliquer les populations locales et de commencer par la réforme de la gouvernance pour réussir de tels projets ?
Pour tenter de mesurer l'impact d'un programme encore au stade embryonnaire, il convient de se reporter au Schéma national d'aménagement du territoire horizon 2030, qui traite longuement du développement des zones aux frontières.
Une prise en charge globale et raisonnée de ces zones est prévue, avec pour objectif de «rattraper certaines insuffisances, fixer la population, par l'amélioration du cadre de vie du citoyen (habitat, éducation, enseignement, formation, santé, emploi, énergie, AEP, assainissement, routes,…), relancer et impulser une dynamique de développement et promouvoir l'attractivité de ces territoires».
Deux remarques rapides peuvent être retenues. Elles concernent d'abord un questionnement sur l'ambition du programme destiné aux zones frontalières. Il est en effet logiquement permis de s'interroger sur la faisabilité d'un projet qui propose implicitement une mutation profonde, si ce n'est une révolution, d'espaces historiquement attardés, et cela en une petite douzaine d'années et à partir d'une méthodologie conçue pour des espaces autrement plus développés.
A titre d'exemple de cet irréalisme, la volonté affichée de «hisser au rang de grandes villes» une vingtaine de bourgades minuscules, comme Taleb Larbi, Ben Guecha, Douar El Ma, Mougheul, Boukais, Meridja et Erg Ferradj. Elles concernent ensuite l'approche résolument étatiste de la construction du développement dans les zones frontalières, malgré les assurances de nos dirigeants «d'impliquer les élus locaux et la société civile dans les opérations de développement».
Qu'il soit simplement permis de rappeler qu'en janvier 2017, le ministre de l'Intérieur avait plaidé avec la même détermination pour une implication réelle et effective du citoyen dans le développement local, et ce, «conformément à l'esprit de la démocratie participative prôné par le gouvernement».
Or, sur le terrain, deux années plus tard, les institutions, les pratiques, les financements ne semblent toujours pas tendre vers cette «démocratie participative». En un mot, sans céder à la critique facile, il est permis d'affirmer que le Programme spécial des zones frontalières ne saurait impacter ces zones de manière significative sans une réelle mutation des modes opératoires de l'Etat, notamment en matière de gouvernance.
– Quid justement de l'aménagement, du développement des différentes régions et de la réduction des distorsions régionales ?
La réduction des disparités régionales est un vieux serpent de mer qu'on ressort à chaque crise politique ou économique. A l'origine, c'est-à-dire durant les années qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, des pays comme l'Italie, l'Allemagne ou la France ont mené des politiques de réduction des disparités régionales face à un problème réel de retard de certaines régions, comme l'Italie du Sud par rapport à l'Italie du Nord.
Malgré les moyens mis en œuvre, notamment institutionnels et financiers, les résultats furent décevants et les politiques régionales abandonnées dans les années 1980 / 1990. Elles seront remplacées par des actions plus modestes de développement «local» ou «territorial». Dans les actions actuelles, les divers Etats interviendront de manière plus indirecte en se contentant d'améliorer l'environnement socioéconomique des territoires locaux plutôt que l'économie proprement dite, par exemple en matière de formation et d'information.
De plus, ils opèrent une véritable mutation en matière de gouvernance locale en permettant et en encourageant la participation des populations concernées à la définition et à la construction de leur avenir.
Qu'en est-il dans notre pays ? Si le concept même de «région» demeure tabou, il n'en demeure pas moins que des disparités existent. Elles sont d'abord sociales, entre des classes de plus en plus riches et des classes qui s'appauvrissent, avec pour résultat une érosion quantitative et qualitative des classes moyennes.
Elles sont ensuite géographiques, entre les villes et les campagnes, entre le Nord et le Sud, entre le Centre et les périphéries de l'Est et de l'Ouest. Elles sont enfin, pourquoi le taire, culturelles, entre une frange «occidentalisée» et une masse de plus en plus «orientalisée».
– Pouvez-vous êtres plus explicite ?
La mission de l'Etat est d'atténuer cet ensemble de distorsions et de construire une société plus harmonieuse. On l'a dit, aujourd'hui, les stratégies de réduction des disparités régionales les plus répandues se distinguent, de manière simplifiée, par leur caractère indirect et une participation effective des populations concernées.
En ce qui concerne le premier aspect, à savoir les stratégies de développement, force est de constater que les pratiques étatiques n'évoluent guère. Le concept même de développement local souffre d'un malentendu : le développement local, ailleurs dans le monde, est appréhendé dans son sens économique, c'est-à-dire la création d'emplois et de richesses à partir des ressources locales.
Or, pour nos dirigeants locaux, notamment l'administration wilayale, le développement local consiste à créer des infrastructures locales : routes, AEP, certes nécessaires, mais qui ne sauraient être confondues avec le développement local.
L'aspect économique semble donc occulté. Ainsi, il n'existe pas, à notre connaissance, de structure administrative spécifique chargée du développement local au niveau wilayal, la direction des affaires locales (DAL) se contentant de la gestion administrative des communes et non d'économie ! Comme il n'existe pas de ministère chargé du développement local, celui-ci relevant, à notre connaissance, d'une simple direction «générale» au ministère de l'Intérieur.
Pour le deuxième aspect, c'est-à-dire la participation des collectivités locales au développement, les choses paraissent encore plus complexes. On a vu que le gouvernement actuel, par le canal de son ministère de l'Intérieur, se propose d'«impliquer les élus locaux et la société civile dans les opérations de développement».
Si l'objectif est louable, il faut toutefois regretter que cela demeure une fois de plus au niveau de l'intention. Un exemple illustrera nos propos : les articles 215 à 217 du Code communal permettent à des communes limitrophes de mener des actions communes de développement local à partir de «conventions intercommunales de développement local»… mais les textes d'application n'ont pas suivi, et la coopération intercommunale en matière de développement reste toujours aussi problématique.
En ce qui concerne la participation de la société civile, notre expérience sur le terrain recommande la circonspection : de grosses déconvenues attendent les institutions qui souhaiteraient mener des opérations quelque peu ambitieuses en matière de développement local, tant les populations concernées semblent peu préparées au concept et aux pratiques d'action citoyenne collective.
Les villages de Kabylie, qui ont réussi, parfois de manière spectaculaire, leurs opérations de protection de l'environnement ou leurs manifestations culturelles, se caractérisent par la vigueur de leurs traditions en matière de gouvernance villageoise, de leur culture démocratique, de l'habitude de lutter ensemble contre une nature hostile, de l'existence d'une organisation sociale.
Sans préparation, la participation de la population au développement socioéconomique ne fera que reproduire les modes pernicieux dominants de clanisme, de népotisme, et de lutte pour des intérêts personnels. Donc, si nous devions répondre en quelques mots à votre question relative au développement régional, on pourrait d'abord dire qu'il ne se décrète pas. Croire qu'il suffit d'un «programme spécial» pour mettre la population au travail et créer des richesses et des emplois est un leurre.
Le développement territorial, local ou régional, ne saurait émaner de l'Etat seul, ni des solutions conjoncturelles dans lesquelles il se complaît souvent. Seules des mesures indirectes de qualification de la population semblent opérantes à long terme : la formation, l'information, l'informatisation et l'organisation nous semblent plus porteurs de développement socioéconomique que les sommes astronomiques déversées dans des opérations ponctuelles ou des «programmes spéciaux» dont les citoyens ont pu mesurer l'inefficacité par le passé.
Mais les pressions de groupes nombreux et puissants, les échéances électorales, l'incompétence, le recours à la facilité, le maintien du tout-Etat feront que les commissions, les programmes spéciaux, les schémas inadaptés d'aménagement… ont encore de longues années devant eux. Le développement territorial viendra-t-il alors de la population elle-même et de la société civile ?


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