On croyait tout connaître de Rimbaud, de sa jeunesse, de son talent insensé, du poète comme du marchand d'armes et d'esclaves. On découvre, avec Hédi Abdel-Jaouad, Rimbaud le Numide, Rimbaud l'anticolonialiste. Le poète a pris très tôt le parti de l'Algérie contre la France. Il est l'un des premiers Français à reconnaître le fait national algérien. C'est à l'âge de quatorze qu'il écrivait Jugurtha, un poème peu connu ou ignoré des spécialistes. Hédi Abdel-Jaouad, professeur de lettres à New York, s'est penché sur la fascination que l'Algérie avait exercé sur le jeune adolescent. «Il est né sur les monts d'Algérie un enfant peu commun/ Et la brise légère l'a dit “Jugurtha nous revient… “». L'auteur note qu'avec «ce poème, Rimbaud actualise la légende aux fins d'illustrer une autre résistance, celle de l'émir Abdelkader en lutte contre les Français ! Il y malmène, comble d'ironie, en latin, le double mythe de l'Afrique romaine et de l'Algérie française avec un humour larvé mais féroce». L'Algérie d'Arthur Rimbaud a aussi le visage de son père, chef du Bureau arabe à Sebdou. «L'Algérie a nourri l'univers poétique de Rimbaud qui, à son tour, a laissé des traces dans la poésie algérienne et arabe.» Le jeune poète avait pris le choix de se moquer de Napoléon pour mieux mettre en valeur l'émir Abdelkader, et Jugurtha vient à la rescousse de ce dernier dans sa lutte anticoloniale.
