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Alger-sur-Garonne
Publié dans El Watan le 19 - 06 - 2008

La nuit aidant, elle pourrait passer pour un port espagnol ou italien. Un petit groupe d'initiés est là. Plaisirs de la contemplation, vieux chants occitans emplis de nostalgie.
Parmi eux, Marie-Ange, dite Ma, chanteuse du groupe Terramayre qui s'est produit la veille avec Biyouna, accueillie à Toulouse avec un enthousiasme et des honneurs à la mesure de sa nouvelle envergure internationale. Jean François Laffont, de Convegéncia Occitana, nous parle des liens de sa région avec la Catalogne et, à travers elle, des échanges avec la civilisation arabo-andalouse. Il n'est donc pas étonné d'apprendre que le mot «troubadour» vient de «tarab» (chant) en arabe. Pour lui, le Marathon des Mots de Toulouse est d'abord cette occasion formidable d'échanges entres les cultures et d'ouverture vers le Sud.
Une vision partagée par Olivier Poivre d'Arvor, directeur de France-Cultures, et Olivier Gluzmann, fondateurs de l'événement, qui déclareront lors de la conférence de presse finale, qu'il s'agit désormais de «le recentrer sur un plus large espace géographique». Le premier parlera «des Suds», se référant aux multiples ouvertures de Toulouse et, au passage, à l'Aéropostale à laquelle il avait consacré un ouvrage avec son frère Patrick. Cette dimension s'est traduite notamment par un bel hommage à Aimé Césaire. Le Marathon des Mots a désormais quatre ans. En cinq jours, les 200 manifestations organisées ont accueilli 72 000 personnes.
L'an dernier, on en comptait 68 000 ; ces chiffres englobant le M.D.M Jeunesse qui se tient en avril. Ces scores en font l'un des plus grands événements littéraires de France, avec un positionnement européen avéré, d'autant que d'autres villes du continent s'intéressent de près à l'expérience. Son principe consiste à donner de la voix à la littérature et à la faire porter par l'oralité dans des conditions professionnelles de spectacle avec des comédiens de talent dont de grandes vedettes. A côté, se greffent quantité d'animations : rencontres avec des écrivains, débats et performances littéraires, présentations d'ouvrages ou d'auteurs, dans un programme d'une densité incroyable étalé aux quatre coins de la ville et même extra muros.
La ville entière résonne de l'événement qui touche également les quartiers, les hôpitaux, les maisons de retraite et les prisons. Une véritable fête de la littérature et de la lecture, une ode à l'esprit des lettres.
Le Marathon des Mots connaît un succès grandissant et l'Association qui le dirige en coproduction avec la ville, reçoit un soutien actif du ministère de la Culture et de la communication, de celui de l'Education nationale, de la région Midi-Pyrénées. Elle s'appuie aussi sur deux partenaires officiels : la Fondation La Poste et les Espaces culturels Leclerc, ainsi que de plusieurs autres contributeurs. Cette structure de mécénat est typique des grandes manifestations culturelles en France qui combinent soutiens institutionnels (ministères, collectivités locales…) et apports d'entreprises. Un système qui existe dans de nombreux pays et qui mériterait d'être promu en Algérie.
Cette année, la participation algérienne a constitué un axe très fort, Alger étant la capitale invitée. En tant que partenaire, le Centre Culturel Algérien de Paris a assuré le transport des écrivains algériens. On pouvait ainsi les croiser dans les rues de Toulouse, ainsi que leurs pairs français ou autres, allant d'un lieu à l'autre, dans une ambiance réellement marathonienne, chacun ayant parfois trois interventions par jour. Chawki Amari, Habib Ayyoub, Fatéma Bakhaï, Mustapha Benfodil, Maïssa Bey, Nina Bouraoui, Aziz Chouaki, Kamel Daoud, Sofiane Hadjadj, Mohamed Kacimi, Yasmina Khadra, Djamel Mati, Noureddine Saâdi, Boualem Sansal, etc. ont à chaque fois rempli les lieux qui les accueillaient et souligné l'engouement que la littérature algérienne actuelle suscite auprès des lectorats français et autres puisque Toulouse est une ville fortement cosmopolite, déjà en tant que deuxième ville de France pour l'accueil des étudiants étrangers. Cette présence d'Alger et de l'Algérie s'est vu renforcée par de nombreux autres événements consacrés à des auteurs français issus d'Algérie ou l'ayant abordée dans leurs œuvres. Sur la place du Capitole où des tentes accueillaient des librairies, l'une d'entre elles, baptisée «Tente berbère», a abrité des lectures de textes de M'hamed Benguettaf, Leïla Sebbar, Azzouz Beggag, Vincent Collona, Rachid Mimouni… Les textes de Camus, dits par Daniel Mesguich, ceux d'Isabelle Eberhardt dits pas Farida Khelfa ou les projections de films à la Cinémathèque sont quelques illustrations de cette amplification de la présence d'Alger.
Un des spectacles les plus marquants a été le concert intitulé Si Alger m'était chantée. Offert par le ministère de la Culture algérien, en soutien à la mise en valeur littéraire d'Alger, et organisé par l'Agence algérienne de rayonnement culturel, il a réuni un orchestre dirigé par le maestro Chérif Kortebi à douze chanteurs de renom : Djamel Allam, Taos Arhab, Nadia Benyoucef, Abdelkader Chaou, Nacereddine Chaouli, Mustapha Guerrouabi, Sid Ahmed Gotaï, Kamel El Harrachi, Hasnaoui Amechtouh, Mohamed KG II, Mohamed Lamari et Samir Toumi. Dans la grande salle du Théâtre National de Toulouse qui a fait le plein, ces artistes se sont attachés à magnifier le répertoire musical lié à Alger. Le Ballet national a donné en clôture un spectacle de danse traditionnelle qui a emballé les spectateurs qui ont découvert aussi la poésie populaire d'Alger avec Yacine Ouabed. La réalisation de Fouzia Aït-El Hadj, les décors ramenés d'Alger, la bonne organisation du spectacle, plaident pour que ce concept soit peaufiné, autant pour des tournées nationales qu'internationales. La directrice de cabinet du ministère de la Culture, Mme Zehira Yahi, a marqué sa satisfaction : «Je suis ravie par le succès obtenu auprès du public composé autant d'émigrés algériens que de Français ou d'autres nationalités. Ce type d'événements permet de faire connaître le patrimoine et les arts de notre pays et de promouvoir nos artistes. Vu le temps limité de répétitions, la prestation a été d'un niveau professionnel. Une image vivante de l'Algérie et de sa culture qui a fait écho à la présence de notre littérature.» Le Marathon des Mots demeure cependant dédié à son cœur d'activité, la littérature. La participation exceptionnelle des auteurs algériens vivant en Algérie ou à l'étranger, leur a permis de se retrouver, de nouer des contacts fructueux avec leurs pairs et surtout d'évaluer leur impact auprès de lectorats attentifs et connaisseurs. A noter l'initiative des éditions Barzakh avec la Librairie Générale d'El Biar, qui ont mis à la disposition des Toulousains des ouvrages d'écrivains édités en Algérie pour les placer sur un pied d'égalité avec leurs compatriotes publiés en France. Signalons aussi la contribution remarquable de la librairie La Préface, dont la gérante, Michelle Capdequi, est passionnée par l'Algérie et sa littérature. Ce distinguo ne saurait négliger la participation de l'ensemble du réseau toulousain de librairies qui compte des professionnels accomplis comme ceux de la librairie Ombres Blanches, à deux pas du Capitole.
Une tribune
pour nos écrivains
Par son foisonnement, l'événement se présente comme une énorme mais agréable machine à jauger les littératures et leurs auteurs. De ce point de vue, la littérature algérienne est apparue encore comme une littérature qui passionne et fascine. Cette attirance des lecteurs à son égard se confond naturellement avec celle de l'Algérie, mais nombreux sont nos écrivains qui ont relevé à quel point cette osmose, par ailleurs positive, dans le sens où elle peut affirmer une correspondance des écrits aux réalités, peut peser, voire déformer ce qui constitue l'âme même du champ littéraire, soit la fiction et l'écriture. L'Algérie étant fortement actualisée, ses écrivains se voient essentiellement sollicités sur des champs qui échappent souvent à leur compétences et en tout cas à leur statut d'écrivains : la politique, l'économie, la sociologie… «Nous avons parfois l'impression d'être considérés comme des auteurs d'essais et non de romans. Un écrivain n'est ni un journaliste, ni un politologue, mais un créateur qui s'interroge sur les destins singuliers de personnages pris dans l'histoire», nous a affirmé Maïssa Bey. On se souvient que Mohamed Kacimi, interviewé il y a quelques années par un grand quotidien français, avait réfuté l'étiquette d'écrivain algérien, revendiquant, sans renier son algérianité, celui d'écrivain tout court. «C'est comme si la possibilité d'universalité de nos écrits nous était d'emblée refusée», nous confiait-il alors. Ce quiproquo concerne la plupart des littératures du Sud. Il se traduit dans le cas de la littérature algérienne, par une surpolitisation. On y recherche parfois abusivement des éléments d'actualité, des prototypes sociaux ou un discours sur la réalité quand la fiction, comprise en tant que création à partir d'un réel, ne saurait se réduire à ce réel pris dans son immédiateté. Cette attitude peut s'expliquer aussi par la faiblesse de la communication globale de l'Algérie, qui amène les étrangers à se rabattre sur d'autres sources. Ce sont d'ailleurs moins les lecteurs que les éditeurs et surtout les médias qui suscitent cette approche. La grande émission «Cosmopolitaines» de France-Inter, animée par Paula Jacques, dimanche dernier, à partir du Théâtre National de Toulouse, l'a confirmé. Durant deux heures, l'animatrice s'est beaucoup attachée au champ politicien. Le passage d'un enregistrement du très médiatisé journaliste Sifaoui, a renforcé cet aspect. Boualem Sansal qui connaît un succès littéraire marquant pour sa carrière a développé sa thèse paralléliste entre islamisme et nazisme.
A son propos, l'animatrice a affirmé que Le Village de l'Allemand était censuré en Algérie. Faux, puisqu'il est vendu à Alger, non pas sous le manteau, mais en librairie. De même, elle a attribué à El Watan un dossier contre Boualem Sansal, avant que Maïssa Bey ne précise qu'il s'agissait d'Algérie News et que l'écrivain et éditeur Sofiane Hadjadj n'ajoute que le dossier comportait aussi des textes favorables à Sansal et, en tout cas, à son droit de disposer de sa conscience d'écrivain et de diffuser ses écrits. Enfin, Biyouna n'a pas lésiné sur son franc-parler pour rejeter la question qui lui était posée sur le terrorisme. Sa présence a décrispé une émission finalement productive qui a été rehaussée par les chroniques littéraires de Pascale Rose, écrivaine qui a séjourné récemment à Alger et a démenti l'image d'une ville assiégée et sans vie.
Au final, le Marathon des Mots a offert aux écrivains algériens une superbe tribune et des contacts passionnants. Ils ont su pour leur part s'exprimer avec ardeur, clarté et originalité. L'année prochaine, l'événement invitera Le Caire et Alexandrie mais, ainsi que l'a affirmé Olivier Poivre d'Arvor, la littérature algérienne sera encore très présente dans une France où, en une semaine, trois émissions littéraires de télévision sont déclarées décédées («Le Bateau livre», TV5 ; «Esprits Libres», F 2, et «Vol de Nuit», TF1) à la consternation des gens de lettres, mais où la littérature continue à rayonner avec 700 romans attendus pour la rentrée.


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