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«On me fait un procès d'inquisition comme on l'a fait pour Copernic»
Publié dans El Watan le 31 - 07 - 2009


Mostaganem : De notre correspondant
– On reconnaît la tarîqa alawya à son ancrage dans la modernité, d'où vient cet héritage ?
Incontestablement du cheikh El Alaoui en personne. Mon grand-père, mon père et moi-même n'en sommes que les continuateurs. Souvenons-nous, au début des années 1920, cheikh El Alaoui s'affirmait déjà comme un homme des médias. C'est unique dans l'histoire des zaouias qu'un cheikh prenne conscience de la nécessité de communiquer. Il avait créé deux journaux, et lorsque l'administration coloniale avait ordonné à l'imprimeur de ne pas tirer El Balagh, le cheikh a acheté une rotative. Cette dernière est encore là, c'était pour ne plus dépendre de personne et avoir son autonomie. Ma grand-mère me racontait que très jeune, son père l'attachait avec une corde afin qu'elle puisse se baigner sans risque dans une piscine qu'il avait aménagée en bord de mer. Nous sommes en 1920 ! Cheikh El Alaoui n'avait aucun complexe vis-à-vis de l'Occident. Dès le début, il avait acquis la conviction qu'il fallait être au cœur de la modernité et de la civilisation occidentale, de s'interroger et comprendre que les enjeux futurs dépendent de l'harmonie entre l'Orient et l'Occident. Il cherchait un équilibre entre une matérialité humanisée et une spiritualité affranchie des traditions empiriques et rétrogrades.
– Comment cette ambiance vous a baigné ?
J'ai vécu dans cette ambiance, au milieu d'oulémas (savants de la foi) qui m'apprenaient le Coran, la charia, Sidi Khlil… On apprenait par cœur des livres entiers, ce qui nous embêtait un peu en tant qu'enfants, mais il fallait les apprendre ! A côté de ça, nous avions des sages qui remettaient tout en question, voire en dérision ! Ce qui cultivait notre esprit critique, une éducation de l'ouverture, où il n'y avait aucune vérité acquise. Il n'y avait aucun tabou et tout était pétri dans la sincérité, c'est important la sincérité.
– Ce qui explique cette caractéristique chez la tarîqa, l'absence de tabous, alors que Mostaganem était connue pour son rigorisme ; filles et garçons, dès le jeune âge, apprennent à se côtoyer et activer en mixité…
C'est vrai que filles et femmes sont présentes dans nos activités, mais c'est ce qui caractérise une école de la vie. Nous sommes totalement ancrés dans la tradition, mais nous sommes également dans la modernité. C'est un mixage d'une tradition millénaire et d'une modernité assumée. Nous sommes conscients que si on refuse à nos jeunes de vivre dans leur temps, ils vivront cachés. C'est pourquoi nous voulons qu'ils s'assument pleinement, dans une ouverture d'esprit et en toute responsabilité.
– Il y a également cette absence totale du voile…
Il est préférable de vivre pleinement, dans la société, sans se cacher derrière un habit imposé. Il est préférable pour la femme de s'habiller comme elle le souhaite, avec ou sans voile. Nous voulons lui enlever le voile intérieur, celui qui est dans les esprits, c'est ça l'ouverture que nous enseignons.
– Comment expliquer qu'à la zaouia ça marche alors que le voile est imposé par la société ?
Parce qu'à la zaouia, nous enseignons la liberté. Nous cherchons à rendre à l'homme sa liberté, Dieu dit «La Ikraha fi Din», «pas de contraintes en religion», Dieu n'impose rien à personne. Comment un homme peut-il s'arroger ce droit ? Pourquoi notre société s'est figée ? Tout le monde sait que partout tout le monde boit de l'alcool, prend de la drogue, et la société fait semblant de ne pas savoir, alors que les maux sociaux sont une réalité !
– A la disparition de votre père, vous aviez 25 ans, étiez-vous préparé à ce lourd héritage ?
Préparé ? Je n'en sais rien. J'avais quitté le pays pour ne jamais y revenir. J'avais construit ma vie ailleurs.
– En faisant quoi ?
J'étais en France et j'avais mes salons de prêt-à-porter. J'avais mes mannequins et je produisais en Turquie et vendais en Afghanistan, en Inde, au Pakistan, en Grèce, au Mexique, au Maroc. J'avais obtenu la représentation de marques françaises et j'envisageais d'ouvrir des boutiques dans le Golfe. En 1973, les prix du pétrole ayant flambé, j'aurais pu finir «bêtement» comme un richissime homme d'affaires, j'aurais gagné beaucoup d'argent et gâché ma vie.
– Ça devait être très dur, à 25 ans, de laisser tomber autant de projets…
Au début, ce fut très dur ! D'abord, j'ai refusé de succéder à mon père, mais la décision avait été prise par les sages, à mon insu, bien avant que je n'arrive de l'étranger. Puis, une fois l'enterrement effectué, on est obligés de désigner un successeur par la remise par les grands sages de leurs chapelets. A ce moment, je fus stupéfait, je leur disais : «Vous vous trompez de personne», et je le criais haut et fort ! J'avais alors des cheveux longs, je portais un jean et un blouson en cuir comme les jeunes de l'époque, et je leur disais que je n'en voulais pas ! J'étais convaincu que je n'avais plus rien à faire avec eux, dans ce pays… Puis voilà, je me retrouve avec cet héritage sur les bras. Je ne savais pas par où commencer, puis il y avait ces sages qui m'entouraient de leur bénédiction et de leur affection. Ce sont eux qui vont m'aider à comprendre ma nouvelle mission. J'allais vivre une année avec un feu dans ma poitrine. La nuit, je hurlais de douleur, ma femme en est témoin, je vomissais tout ce que j'avalais, j'ai consulté plusieurs médecins, sans que personne ne trouve de remède. Puis progressivement, je rentrais dans mon nouveau destin, ce fut une sorte de renaissance ou de réincarnation. Un être s'éteignait et l'autre renaissait dans un même corps. J'acceptais ce rôle malgré moi, car je ne suis pas un savant ni un intellectuel, je ne suis que ce que l'on m'a appris, un serviteur ! C'est ma place, je la connais, Dieu merci.
– Dans l'histoire, y a-t-il un antécédent où un si jeune disciple succède au maître ?
Oui, mon propre père, El Hadj El Mehdi ! Il a été cheikh à 24 ans et c'était le premier cheikh sans barbe ! Il est mort à 47 ans.
– C'est très jeune pour mourir…
En effet, après avoir vécu toute la guerre d'Algérie, puis l'indépendance et la construction du nouvel Etat algérien, il y eut les brimades et l'humiliation, la prison et l'exil forcé à Jijel. Après tant d'injustices, on cherchait à le «casser» et on y est parvenu. Il est mort dans la solitude et le dénuement, sans jamais céder. Il a toujours gardé le cap dans l'espoir que ce pays retrouve son héritage et sa dignité et osera revenir à lui-même.
– Vous voulez dire vers la vérité ?
Oui ! Notre peuple doit impérativement faire le constat des longues années d'échec qui l'ont amené à cette terrible situation où l'Algérien tue l'Algérien, où les enfants innocents sont égorgés, où les filles, les femmes innocentes, les vieillards périssent par une sorte d'absurdité généralisée, une folie collective. Détruire son pays, détruire les siens, au nom de principes qui n'ont aucun sens.
– C'est au nom de ces mêmes principes qu'un groupe fait pression pour faire retirer votre livre ?
Faudrait-il qu'ils le lisent ! C'est trop facile de jeter l'opprobre sur une œuvre sans l'avoir vu ni consulté.
– On est loin de la modernité, ces gens-là sont-ils porteurs de modernité ?
Si je donne un sens à la modernité en disant qu'elle est d'abord responsabilité, je dirai qu'ils sont irresponsables. On ne peut pas juger ou mal juger quelque chose parce l'on n'aime pas quelqu'un.
– En l'occurrence ces miniatures persanes, c'est un patrimoine du monde musulman, où est le problème ?
Tout à fait. J'ajouterai qu'elles sont exposées dans les plus grands musées du monde, comme Topkapi (en Turquie), et ce, depuis leur création.
– Alors que vous vous reproche-t-on ?
Ce ne sont pas ces miniatures qui sont visées, elles ne sont qu'un prétexte. Ce qu'on me reproche, ce sont ces photos du XIXe siècle, prises pour perpétuer les instants les plus précieux de notre patrimoine commun. Ce sont les photos des mausolées qu'on a détruits, et moi je demande seulement ce que sont devenus les mausolées des martyrs d'Ouhoud ? Où est le mausolée des martyrs de Badr ? Où sont les mausolées de Sayyda Khadidja et de Sayyada Aïcha, la première musulmane et la mère des croyants ? Où est la maison du Prophète Sidna Mohammed ? C'est ça qui dérange en réalité ! Cette histoire que l'on nous cache, dont on ne veut pas parler. C'est notre histoire, et nos enfants sont en droit de la connaître pour mieux se préparer à un monde qui ne pardonne pas aux faibles. Sous prétexte d'une religion qu'ils ont transformée en une idéologie manipulable. Au service de qui ? De quels intérêts ? Qui est derrière ces actions ? Je le dis avec sérénité, regardez d'où vient le salafisme et vous comprendrez tout. Prenons nos responsabilités et lisons l'histoire. Cheikh Khaled n'a rien inventé, il a tout simplement retrouvé des documents qu'il met à l'appréciation des musulmans. Je les mets également entre les mains des chercheurs, afin qu'ils s'en emparent et qu'ils disent ce qui s'est réellement passé. Pourquoi en sommes-nous arrivés à cette situation ? Pourquoi ce glissement vers un rigorisme, vers un Islam d'étroitesse d'esprit, alors que l'Islam est la religion des penseurs, des philosophes, des lumières. Avec cette cabale, nous sommes revenus au Moyen-Âge chrétien, avec ses procès en inquisition. On me fait un procès d'inquisition comme on l'a fait pour Copernic.
Mais tout ça est fini ! C'est fini ! Je ne pense pas que l'Algérie d'aujourd'hui puisse accepter ça. Les Algériens ont envie de retrouver l'Islam de leur terroir, celui des leurs aïeux, tolérant, ouvert, qui prépare l'homme par une éducation responsable, ouverte sur la modernité sans rien renier de son patrimoine.
– Qu'enseignez-vous à vos disciples pour les éloigner du salafisme ?
Que la vie est sacrée. La vie de la sœur, du frère, du voisin, celle d'un Noir, d'un Japonais, d'un Russe, elle est sacrée. Ensuite, il faut qu'il apprenne la raison critique, que ça vienne de lui-même, de son for intérieur. Enfin l'altérité, l'autre c'est notre miroir, il peut nous guérir de nos propres maux. Puis il y a la préservation de la nature, Dieu nous a confié un paradis, nous devons le préserver. A travers ce centenaire du Cheikh El Alaoui, nous avons invité de nombreux universitaires, afin qu'ils nous parlent des dangers que nous faisons courir à notre environnement.
– Justement, pourquoi avoir organisé ce colloque à l'université, alors que la zaouïa dispose de suffisamment d'espace ?
Parce que l'université est la maison du savoir. Contrairement à d'autres, nous voulons aller au-delà des limites et des tabous et nous ouvrir sur l'universel. Nous aimons les provocations positives, celles de mettre face-à-face nos universitaires et ceux venus de trente-quatre pays amis nous faire partager leur expérience et leur optimisme. Je veux une Algérie vivante, une Algérie libre, je souhaite que mes concitoyens vivent dans un pays libre, sans aucune contrainte. «Pas de contrainte en religion» : c'est le Coran, ce n'est pas cheikh Khaled qui le dit ! Je veux que mon pays ne vive plus dans l'hypocrisie. J'ajouterai enfin que l'Islam n'est la propriété de personne, chaque musulmane, chaque musulman est responsable. Je le souligne avec force : sans la femme, aucun avenir pour l'Islam !
|Bio express : Président d'honneur de «Terres d'Europe», fondateur des Scouts musulmans de France et membre de la consultation de l'Islam de France, président honoraire de l'Association internationale des amis de l'Islam, cheikh Khaled Bentounès est sur tous les fronts du dialogue interreligieux. Il est également auteur de L'homme intérieur à la lumière du Coran et Le soufisme, cœur de l'Islam.|


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