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Le cinéma algérien sous perfusion
Publié dans El Watan le 16 - 07 - 2010

«Vous ne vous faites pas assez respecter, vous êtes de futurs réalisateurs, ce n'est pas au responsable de la régie de vous dicter ce que vous avez à faire !» Bachir Derrais cadre ses troupes, des assistants réalisateurs qu'il forme à l'occasion du tournage d'un feuilleton : Le commissaire Llob, adapté du livre de Yasmina Khadra, ou l'histoire d'un commissaire et de son équipe à la poursuite d'un cartel de trafiquants qui corrompt toute l'administration algérienne. Tournage au cœur d'Alger by night avec la collaboration des services de sécurité. Bachir Derrais n'a pas trop de difficultés pour obtenir les autorisations de tournage, les costumes type uniforme de police ou pour organiser une course-poursuite sur l'autoroute d'Alger. L'homme a ses entrées. Même s'il apparaît comme le trublion du monde du cinéma en Algérie, cependant il tourne. Pourtant, c'est un homme en colère que l'on a rencontré. Car depuis 2007, pratiquement aucun film n'a été réalisé dans le pays.
«Il faut une refondation totale de ce secteur, organiser des assises, vraiment discuter, car aujourd'hui le cinéma est menacé. Il faut le dire, si on continue ainsi, dans quelques années, il n'y aura aucun film algérien réalisé à partir d'ici. Il y aura des films faits par des cinéastes algériens venant d'Europe ou d'Amérique avec beaucoup d'argent, avec des chaînes françaises, mais il n' y aura aucun film algérien monté d'ici.» Un cri d'alarme en direction des autorités politiques pour sauver la production cinématographique peu financée en Algérie. «Les écoles de formation, elles, sont quasi inexistantes, regrette Allal Yahiaoui, le directeur de la photo. C'est un peu la clochardisation de ce métier. N'est pas réalisateur qui veut, n'est pas chef opérateur qui veut, n'est pas chef machiniste ou chef électricien qui veut et c'est cela qui fait défaut.» Scènes dans un bar de la capitale. La bière coule à flots, le scénario se veut en phase avec la réalité algérienne d'aujourd'hui. Mestafa Laribi est comédien depuis vingt ans, mais il est aussi fonctionnaire pour pouvoir survivre. «Je défie quiconque de me dire qu'il vit de ce métier… J'entends parler du statut de l'artiste depuis au moins vingt ans, mais on ne voit toujours rien.» Les badauds, eux, contemplent le tournage. Une curiosité devenue trop rare ces dernières années. Certains, comme Moussa, 50 ans, regrettent le cinéma algérien d'antan. «Avant, il y avait des grandes figures : L'Inspecteur Tahar, Hassan Terro, Boubagra… Depuis que ces acteurs ont disparu, on n'a plus de film ! On n'a que des séries avec Djemai Family ou Hadj Lakhdar, qu'on nous montre en boucle. Ça ne tourne plus, il faut du neuf…»
La riposte
Malgré les difficultés, la bande de Bachir Derrais ne compte pas abdiquer et le réalisateur d'avertir : «On ne va pas démissionner ! Ils seront obligés de mettre de l'argent dans le cinéma, ils seront obligés d'investir dans le cinéma, de mettre en place des mécanismes de production cinématographique, on ne va pas lâcher le morceau, je vous le garantis, on va les faire plier.» Et la riposte s'organise. Réunion quelques mois plus tard de l'Association des réalisateurs professionnels algériens, dans une salle à Riad El Feth, à Alger. Le microcosme des cinéastes algériens se retrouve. Certains n'ont pas tourné depuis des années, d'autres le font avec les moyens du bord, d'autres qui s'en sortent plutôt restent solidaires avec la corporation. Tous en ont gros sur le cœur. Le bureau de l'association est présidé par des noms connus de la profession, comme Ali Mouzaoui, Lamine Merbah ou Larbi Lakhaal. Elle veut élire son conseil d'administration et recruter de jeunes réalisateurs, trop rares dans la salle, pour pouvoir défendre les intérêts des cinéastes auprès des institutions. Mais très vite, la question du financement du cinéma en Algérie s'impose. Bachir Derrais prend la parole : «Où sont les 20 milliards qui sont partis dans les caisses de l'Etat ? Parce qu'il faut le savoir, le dernier film tourné en Algérie, en dehors des coproductions, date de 2007.»
Un minimum vital
Brouhaha dans la salle. L'homme sait de quoi il parle, depuis des années qu'il navigue entre coproductions algéro-françaises et une production algérienne. Il ne fait pas secret de ses différends avec le ministère de la Culture et Khalida Toumi. Il poursuit même en justice le ministère pour le film Morituri d'Okacha Touita qui n'aurait pas reçu les subventions promises. Bachir Derrais revendique un minimum vital pour produire un film en Algérie. «Moi, j'ai obtenu un milliard de centimes pour un film et je l'ai refusé ! Aujourd'hui, il faut se battre pour sa dignité. Un film, c'est au minimum dix milliards. Pour un bon scénario, il faut au minimum 500 millions de centimes. Arrêtons le bricolage, celui qui accepte moins de dix milliards ne se fait pas respecter. Le scénario, le bon casting, le montage, le mixage, l'étalonnage, le montage son, la belle image aux normes internationales, tout cela a un coût. Pourquoi les productions nationales ne quittent pas le territoire ? Il ne faut pas se voiler la face… Parce qu'on bricole !» La salle se transforme en véritable agora, où chacun y va de sa critique, l'exaspération tirée d'une mauvaise expérience et aussi des pistes pour trouver des solutions. Le réalisateur Cherif Aggoune interpelle l'ENTV et le ministère de la Culture. «Combien de films vous voulez par an ? Quelle est la programmation de la télé ? Combien de fictions, de documentaires doivent passer à la télé ? Est-ce qu'il doit y avoir des émissions sur le court métrage à la télé ? Et combien de longs métrages le ministère peut produire par an ? Prenons les exemples à côté de nous : quand le Maroc a décidé de relancer sa production cinématographique, il s'est donné les moyens avec la création d'un centre national du cinéma. Le responsable avait asséné : ‘‘Je promets la création de quinze longs métrages par an, s'il y en a un seul qui sort à l'international, cela me suffit !'' Voilà le vrai courage !»
Quid des droits d'auteur ?
Et du courage, il en faut pour continuer à travailler. Les prises de parole se succèdent, avec toujours le même thème fédérateur, l'argent, le nerf de la guerre. Bachir Derrais reprend le micro pour poser le problème des droits d'auteur, quasi inexistants en Algérie. «Quand on voit nos film se vendre à 10 DA dans une compilation de 10 films dans un DVX, franchement ça nous fait mal. A la limite les films américains, on peut comprendre, mais nos propres productions… Tout le monde le sait, ce sont les islamistes qui manipulent les vendeurs de DVD. Plusieurs fois, le ministère de la Culture a proposé des lois contre le piratage. Comment se fait-il qu'aujourd'hui le vendeur à la sauvette de DVD gagne trois fois plus qu'un producteur ou un réalisateur ? La dernière fois, un de mes acteurs, Rachid Fares, m'a apporté sa fiche de l'ONDA récapitulant ses droits d'auteur pour 2009. Il a touché 368 DA, c'est une honte !»
Après la punition, la censure
Et Lamine Merbah d'essayer de recadrer le débat. «Il faut que le cinéaste s'impose, notre association l'Arpa sera un instrument.» Se lèvent alors pour postuler des anciens comme Moussa Haddad, des plus jeunes comme Djaffer Gacem ou Bachir Derrais, mais après de longues hésitations. Ce dernier veut bien participer mais exige de parler des vrais problèmes.«Rien n'est facile aujourd'hui pour le cinéma, parce qu'il n'existe pas de marché. S'il y avait un parc de 1000 salles, le cinéaste ne serait pas obligé d'aller solliciter le ministère de la Culture. Mais la situation est telle que malheureusement, on dépend de l'Etat. Aujourd'hui, la seule fenêtre du cinéaste c'est les festivals à l'étranger ou les avant-premières avec des invités triés sur le volet, quelque journalistes et privilégiés. C'est cela la réalité du cinéaste algérien…» Et Bachir Derrais de poursuivre son argumentation et de tirer à boulets rouges sur la Télévision nationale. «Mon film a-t-il été diffusé à la télévision ? Le film de Nadir Mokhneche a-t-il été diffusé ou celui de Lyes Salem, de Bendidouche ? Non ! Que se passe-t-il ? Pourquoi ces films produits ces vingt dernières années ne passent-ils pas ? La plupart ont été coproduits par le ministère de la Culture et l'ENTV. S'agit-il d'une censure officielle ou est-ce le travail de sape de petits cadres de la télévision ? On a déjà une punition, celle d'avoir une seule chaîne de télé, mais même sur cette chaîne unique, nos films ne sont pas
diffusés ! J'ai compté, il y a au moins 27 long métrages de qualité qui ne sont pas diffusés !» Lamine Merbah tente de calmer le débat : «Bachir, pour tous ces arguments, je te propose de venir avec nous au ministère des Finances pour mettre à plat tout cela. Mais pas pour dire que nous avons produit des films qui n'ont pas été diffusés.» L'argument provoque la colère de la salle qui voit là le signe d'une censure à peine voilée. Le réalisateur Cherif Aggoune s'emporte. «Si on commence déjà à se censurer, on est mal barrés… Si vous n'êtes pas courageux, rien ne se fera. On arrête le bricolage, s'il vous plaît.» Bricolage. Le mot reviendra souvent dans ce débat plutôt atypique. Un moment assez rare pour une corporation qui fonctionne généralement de façon individuelle. «Les cinéastes algériens ne sont pas solidaires entre eux, note Bachir Derrais. Mais je vous demande de mettre nos querelles entre parenthèses, car il y a un combat à mener.» Les bon sentiments ne feront pas long feu.
Malgré tout, ça tourne
Quelques jours plus tard, le cinéaste démissionne de l'association. «La majorité des cinéastes ne veulent pas affronter les autorités. Yakoul maa dib ou yendebb maâ raâhi» (il mange la brebis avec le loup et pleure avec le berger). Derrais ne supporte pas les doubles discours. «Quand il s'agit de lutter pour nos droits, ils sont partants. Mais quelque temps après, tu les vois négocier avec les autorités, qui un budget, qui une subvention… Tout se fait en coulisses, rien n'est transparent. Trois organismes dépendant tous du ministère de la Culture – l'AARC, le CNCA, le FDATIC- financent le cinéma en coproduction en Algérie sans que l'on sache comment, pourquoi, combien. Normalement, il devrait y avoir des appels d'offres et que le meilleur gagne…» Son bébé, Le commissaire Llob, sortira pourtant à l'automne. Une série de six fois une heure pour l'ENTV et un long métrage. Attablé à une terrasse de café, le téléphone sonne. C'est Alexandre Arcady et un projet de film sur Matoub Lounès. Bachir Derrais sourit. Malgré tout, ça tourne…


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