Le taux de chômage dans la commune d'Ath Lakseur, au sud de la daïra de Bechloul, a atteint des proportions alarmantes. Située à 10 km de la RN 5 (20 km environ à l'est de la ville de Bouira), la municipalité d'Ath Lakseur, qui compte 13 354 habitants, sans ressources en majorité, peine à endiguer le phénomène du chômage, frappant particulièrement la catégorie sociale en âge de travailler. Le sous-développement ambiant dans lequel baigne la municipalité depuis des années, contraint ainsi les jeunes à fuir leurs villages. Dans cette région, il n'existe effectivement aucune activité économique à même de pourvoir sa population en postes d'emploi. Le seul employeur qui a pu recruter quelques dizaines de personnes est l'entreprise d'extraction d'agrégats, installée il y a près d'un lustre au niveau d'une carrière dans la région. Face à un climat de dénuement généralisé, les jeunes vivotent dans un quotidien des plus difficiles, en fréquentant des cafétérias pour «s'oublier» quelques moments et surtout «tuer» ce temps, par trop lent à s'écouler, surtout lorsque l'on n'a pas même de quoi se payer un café. Dans pareille situation, les jeunes n'ont pas d'autres choix que de prendre d'assaut l'unique jardin public de la commune, et encore, lorsque les journées étaient «belles». Dans ce jardin public, qui ne cesse de se dégrader, faut-il le signaler, un groupe de jeunes, dont l'âge varie de moins au plus de 20 ans, palabre. Leurs soucis ? L'oisiveté, due au manque d'activité. Leur scolarité ? Ça fait belle lurette qu'ils ont quitté les bancs d'écoles, par contrainte, évidemment, disent-ils. « J'ai quitté l'école à l'âge de 15 ans, parce que ma famille ne pouvait pas me payer les affaires scolaires. Je n'avais même pas de quoi m'acheter un stylo. C'est la principale raison qui m'a poussé à dire adieu à l'école et à mes camarades de classe», raconte Djalal, accoudé à la bordure du jardin, après avoir hésité longtemps à répondre à notre question sur son parcours scolaire. Pendant que Djalal parlait, ses amis le regardaient silencieusement, comme s'ils venaient d'apprendre pour la première cette vérité sur leur ami. L'unique rêve de Djalal est de s'engager dans l'armée nationale. «Je ne vois pas où je pourrais me préparer un avenir en dehors de l'armée ; néanmoins, pour cela il me faudrait trouver de l'aide», pense déjà le jeune homme. Il faut dire que des centaines de jeunes de cette commune ont rejoint les corps de la police et de l'armée nationale, histoire d'échapper à la précarité et d'améliorer leurs conditions de vie et celles de leurs familles. Toutefois, aujourd'hui, même les portes de ces institutions de l'Etat ne s'ouvrent pas pour tout le monde. «Moi aussi j'aimerais bien faire carrière dans l'armée ou dans la police, mais il faut reconnaitre que même dans ces corps d'armée, ça ne marchait pas si vous n'aviez pas quelqu'un de haut placé pour appuyer votre dossier. Cela fait longtemps que j'y avais déposé une quinzaine de dossiers. En vain !», dira un autre jeune d'à peine 20 ans, intéressé par le port de la tenue bleue ou verte. Parmi ces jeunes, d'autres croient en leur avenir. L'ami de Djalal en est un. Il avait quitté l'école lui aussi à l'âge de 15 ans, mais il n'a pas perdu son temps et s'est lancé dans une formation en électrotechnique au sein d'un centre de formation professionnelle. Cependant, notre garçon n'est pas moins «inquiet en raison de la situation régnant actuellement dans notre pays», avoue-t-il. A ce sujet, les jeunes de la commune d'Ath Lakseur s'interrogent sur l'avenir de leur pays, sur «l'iniquité» dans la répartition de ses richesses au profit de la population algérienne. «On nous dit que l'Algérie, pour laquelle nos aïeux sont morts les armes à la main, est riche en pétrole, mais sur le terrain on ne voit rien venir». La jeunesse d'Ath Lakseur attend du changement qui profiterait à l'ensemble des Algériens, pour des lendemains moins difficiles. Comment peut-on admettre que des jeunes travailleurs et ouvriers passent toute leur vie dans des chantiers, exploités jusqu'à épuisement de toute leur énergie, sans pouvoir, jamais, avec le «salaire» qu'ils gagnent, se permettre ni logement, ni se marier, ou, encore moins, prétendre à une retraite, car n'ayant même pas, pour beaucoup de cas, été déclarés à l'assurance. Où est l'inspection de travail ? se demandent beaucoup jeunes dans cette commune.