Comme chaque année, le neuvième mois du calendrier lunaire invite les musulmans à se retremper dans une atmosphère particulière et dans une ambiance qui diffère de celle du reste de l'année. Ainsi, l'espace de vingt-neuf ou trente jours, les gens s'inscrivent dans un canevas, en reprenant langue avec de nouvelles habitudes qui, pour se ressourcer dans le recueillement, la communion et la piété dans les lieux de culte, qui pour multiplier les actions de bon Samaritain, et qui pour tirer le maximum de profit en déliant la corde des bourses des ménages. Il n'est pas faux aussi que le commerce de circonstance saisit l'opportunité de Sidna ramadhan pour se reconvertir, l'espace d'un mois, en activité juteuse – en porte-à-faux avec la réglementation –, en dépit des mises en garde du département du commerce. Au fil des jours, il prospère dans l'espace public en fourguant aux chalands les ‘‘délices'' ramadhanesques. Tous les produits de l'agroalimentaire dont la qualité n'est pas moins douteuse, made in «ailleurs ou ici» jonchent les trottoirs et narguent ostensiblement les jeûneurs du mois du Pardon (tout dépend quel sens donner à cette vertu !), qui deviennent dispendieux, voire gargantuesques ! L'essentiel est de rehausser sa meïda d'abondance avant de faire ripaille, même au risque du gaspillage ! Devant l'excitation des souks et le méli-mélo des rues, un autre pan de société s'affiche à notre regard : les demandeurs de sébile, que certaines structures étatiques et autres associations caritatives tentent de prendre en charge, se mettent en procession au portillon des restos du cœur. Ces restos de la rahma, disséminés à travers tout le territoire, ne lésinent pas sur les moyens pour soulager, un tant soit peu les familles démunies et les sans toit en leur assurant le long du mois sacré la pitance (repas et couffin de l'iftar). L'administration, quant à elle, entre en hibernation. L'activité entre dans un état léthargique et le rythme bat au ralenti. Juillet et août, un bimestre où il n'est pas aisé de côtoyer une administration dont l'effort est décliné au rabais. Le mois dit de piété est, sommes-nous tenus de constater, une aubaine pour se calfeutrer en fermant son ‘‘salon'' à double tour. Difficile pour l'administré de prendre langue avec les responsables de différents services publics ou les intérimaires qui, avec une nonchalance criante, ne s'embarrassent point de vous prier de revenir un autre jour, après avoir bu l'eau de Choual (comprendre après le Ramadhan). Si le subalterne daigne vous recevoir, ce n'est que pour vous rabrouer sous prétexte qu'il demeure un simple subordonné qui n'a pas les coudées franches pour traiter votre affaire.