L'entreprise familiale, Star Filtre, spécialisée dans la fabrication de crépines de forage, en fait les frais depuis pas moins de 5 années déjà. Ses ennuis ont commencé avec le lancement, en 2007, des travaux du projet de transfert d'eau d'In Salah ; l'entreprise a proposé la fourniture d'instruments de forage au profit de la société chinoise en charge du projet, en l'occurrence CGC-OC.Bien que les produits Star Filtre aient reçu entière satisfaction de la part de l'entreprise chinoise, celle-ci n'a cependant pas pu s'en approvisionner pour la simple raison que l'Algérienne des eaux (ADE), en sa qualité de maître d'œuvre et d'ouvrage du projet, «refuse le produit algérien et exige que la société chinoise s'approvisionne auprès d'une société américaine du nom de Johnson Screens», nous explique le PDG de Star Filtre, Tahar Mosbahi. Selon lui, le même problème s'est posé pour le projet de transfert des eaux de la nappe de Chott El Gharbi, dans l'Oranie, où l'Algérienne des eaux a autorisé la CGC-OC à recourir au fournisseur étranger, malgré l'existence d'une instruction du ministre des Ressources en eau dans laquelle il rappelle à l'ensemble des maîtres d'œuvre et d'ouvrage «la nécessité de mettre en œuvre l'application des circulaires relatives à la valorisation de la production nationale». Selon le patron de Star Filtre, pas plus tard que dimanche dernier, «une autre entreprise chinoise, qui vient de remporter un contrat de réalisation de 25 forages dans le Sud algérien, s'est vue également refuser la demande d'acheter nos produits, sans aucun motif valable de la part de l'ADE». Exclusion incompréhensible Pourtant, Star Filtre est aujourd'hui l'une des cinq entreprises dans le monde qui détiennent, à elles seules, la technique de fabrication de la crépine pour forage. Grâce à son expérience datant des années 1960 dans la fabrication des équipements de forage hydraulique, l'entreprise a réussi à s'imposer dans ce domaine, en participant avec ses produits fabriqués localement dans des projets, publics et privés, de forage. Une cinquantaine d'entreprises nationales et privées, dont la prestigieuse Foremhyd, font appel à elle pour s'approvisionner en crépines et tubes pour les travaux de forage d'eau, sondage et rabattement de nappes. Son seul concurrent en Algérie est Johnson Screens, inventeur américain de la première crépine à filtration continue, considérée comme une révolution dans la technologie des forages. Sa machine de fabrication de crépines est aujourd'hui «invendable» de par le monde. Néanmoins, Tahar Mosbahi est parvenu à construire un outil identique qui lui permet de concevoir le même produit, disponible dans ses ateliers et à un prix beaucoup moins élevé que celui pratiqué par son concurrent. «J'ai dû user de méthodes relevant de l'espionnage industriel pour pouvoir fabriquer la même machine qu'utilise actuellement Johnson. Nous n'avons rien à lui envier et notre produit est, aujourd'hui, souvent plus apprécié que le sien», affirme, tout fier, M. Mosbahi. Il ne comprend pas, cependant, la raison pour laquelle l'ADE continue d'imposer aux sociétés auxquelles elle attribue des marchés le recours au fournisseur étranger, bien que la loi stipule clairement que «le recours aux entreprises étrangères doit se limiter aux grands projets d'infrastructures pour lesquels le savoir-faire national demeure encore insuffisant». Contacté, le directeur général de l'Algérienne des eaux, Abdelkrim Mechia, réfute catégoriquement les accusations de Star Filtre et affirme, au contraire, que son organisme ne ménage aucun effort pour encourager les producteurs nationaux, d'autant que «la réglementation sur les marchés publics fixe la marge de préférence nationale à 25% dans les appels d'offres». Il en veut pour preuve l'implication des entreprises algériennes dans le grand projet Chott El Gharbi qui a permis de réaliser une soixantaine de forages avec du matériel de canalisation produit localement. Quant au cas de Star Filtre, M. Mechia dit ne pouvoir rien faire pour l'entreprise, en ce sens que «la réglementation et la loi sur la concurrence interdisent le fait d'imposer à un soumissionnaire de s'approvisionner auprès d'un fournisseur bien précis, même si c'est dans le cadre de la préférence nationale». Tout en reconnaissant la haute qualité dont jouit le produit Star Filtre, le directeur de l'ADE explique toutefois le refus signifié aux Chinois quant à leur demande d'acheter le produit Star Filtre par le simple fait que «l'entreprise chinoise s'est engagée, dès le départ dans sa soumission, à utiliser le produit Johnson et a été payée en conséquence. Nous ne pouvons pas l'autoriser de changer de fournisseur, malgré que ce dernier réponde aux normes techniques et soit, de surcroît, de fabrication locale». La seule solution, préconise-t-il, est que «l'entreprise algérienne propose ses produits en tant que co-soumissionnaire ou entre en partenariat avec les entreprises soumissionnaires».