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«Une histoire qui m'a choisie»
Publié dans El Watan le 15 - 02 - 2014

– Vous écrivez que lorsque vous pénétrez au château d'Amboise, lieu d'emprisonnement de l'Emir, vous aviez rendez-vous avec l'histoire. Qu'entendez-vous par là ?

Le château d'Amboise renferme quatre années décisives de l'histoire de la colonisation après la reddition de l'Emir en 1847. L'arrivée de ce dernier au château, avec une suite importante composée d'hommes, mais aussi de femmes et d'enfants, coïncide avec la qualification, dans la Constitution française, de l'Algérie en tant que territoire français. Or, cette période a été à peine citée dans les écrits et souvent enjolivée pour masquer la douleur et les humiliations subies par le peuple algérien. J'écris que j'ai rendez-vous avec l'histoire, car je crois profondément que mon parcours m'y a conduit pour rencontrer cette histoire.

– Ce rendez-vous avec l'histoire vous pousse vers l'entourage féminin de l'Emir. Pourquoi ce choix ?

Lorsque j'ai découvert l'histoire de l'emprisonnement de l'Emir Abdelkader Ben Mahieddine en France pendant cinq ans — d'abord à Toulon, puis à Pau et ensuite à Amboise —, j'ai découvert en même temps que des femmes et des enfants avaient partagé son sort. Ce fut un choc qui m'a longtemps poursuivie, car on ne m'avait jamais enseigné cet aspect de l'histoire. Ma recherche et surtout mon écriture m'ont aidée à dépasser cet état. En fait, cette recherche je ne l'ai pas préméditée ni voulue. C'est cette histoire qui s'est imposée à moi. Elle m'a choisie.

– Votre démarche était cependant risquée, vu qu'il existe très peu d'écrits sur le sujet ? Pourquoi, selon vous, les historiens l'ont-ils peu évoquée ?

On prend toujours un risque en écrivant et plus particulièrement lorsqu'on aborde des sujets qui subissent le diktat du silence. C'est le silence des écrits sur cette aspect de l'histoire qui a engendré le besoin de comprendre et c'est ainsi que je me suis retrouvée un jour aux Archives. Au moment d'écrire, j'ai réalisé qu'en abordant l'histoire de ces femmes, je touchais à l'histoire de l'Emir, et là j'ai pris conscience que je n'allais pas dans le sens de l'histoire que l'on m'avait enseignée. C'est pourquoi la phase d'écriture était souvent entrecoupée, car j'étais souvent découragée par mes craintes. Les historiens n'ont pas écrit cette histoire sûrement pour deux raisons essentielles : pour l'Algérie, elle constitue une période traumatique et, de l'autre côté, elle est fondée sur une grande trahison française qui a valu à l'Emir cinq années d'emprisonnement. La seconde raison est liée à la personnalité de l'Emir qui fascine par son aura et son parcours, ce qui induit la négligence de nombreux aspects de son histoire considérés comme secondaires.

– Comment avez-vous pallié le déficit de documents ? N'avez-vous pas eu connaissance de textes de l'Emir lui-même sur ce sujet ?

Je n'ai pas pallié le déficit des documents et surtout d'archives, qui étaient ma principale source d'information, puisque personne n'avait abordé le sujet auparavant. Je n'ai pas trouvé d'écrits relatant cette période de la part de l'Emir. Soit ils n'ont pas été publiés, soit il ne l'a pas écrite. Je me suis cantonnée aux résultats de mes recherches en citant les références. Je me suis autorisée quelques incursions en m'appuyant sur mon imaginaire, mais à chaque fois que je l'ai fait je l'ai clairement annoncé dans le texte.

– Vous parlez de l'emprisonnement de l'Emir et de sa suite dans des conditions extrêmement pénibles et de privation de liberté de mouvement pour lui-même et sa famille. Tout le contraire des écrits de nombreux auteurs français…

L'Emir avait le statut de prisonnier en France. Les documents de l'époque l'attestent. Lui-même écrivait qu'il se considérait mort car on lui avait ôté sa liberté. Les sorties étaient rares, aussi bien pour lui que les personnes de sa suite. Ils étaient toujours escortés par un nombre important de soldats. On a autorisé l'Emir à faire des promenades qu'il a longtemps déclinées pour deux raisons : d'abord on voulait lui montrer la beauté du pays pour le convaincre de rester en France, ce qui l'avait beaucoup offusqué. Ensuite, on s'inquiétait pour sa santé physique et morale, considérablement altérée pendant sa captivité à Amboise. Il faut rappeler qu'il lui était interdit d'apprendre le français. Je vous laisse deviner la raison.

– «Ils ne comprennent pas eux que j'ai donné ma parole de ne plus jamais reprendre les armes contre les Français. Et quand bien même je le souhaiterais, les femmes me tueront vous comprenez, elles me tueront ; elles ont tant souffert par toutes les années de guerre et mes absences fréquentes. Et voyez encore ce que je leur fais endurer, c'est la pire des hontes qui s'abat sur ma famille». Ces paroles de l'Emir (mars 1848), vous les citez en exergue de votre livre…

En introduisant mon ouvrage ainsi, j'ai voulu démontrer que Abdelkader Ben Mahieddine avait un grand souci pour les femmes et les enfants qu'il citait toujours dans ses lettres et dont il avait demandé la libération. Il avait conscience qu'il était responsable de leur sort. Pourquoi devrait-on aujourd'hui tendre à nier ce qui était important pour lui ? Je voudrais également ajouter que cette histoire m'a permis d'avoir un nouveau regard sur l'Emir. D'une icône figée sur un cheval statique, tel qu'il est souvent représenté, il est devenu un homme, un mari, un père avec toute sa sensibilité et ses fragilités.

– Vous relevez que durant les quatre ans de réclusion forcée au château d'Amboise, 25 personnes ont trouvé la mort. Qui sont-elles ?

La plupart des victimes étaient des enfants. Il y en avait 19 au total, morts de rachitisme par manque d'exposition au soleil. Cela s'explique par la double réclusion subie par les femmes de la suite de l'Emir. Elles restaient cloîtrées dans les pièces humides du château pour ne pas être vues des hommes. L'unique parcelle du jardin qui leur était accordée pour sortir était occupée par les hommes de la suite. Sans oublier la présence des soldats français. Ils étaient 200 à les surveiller jour et nuit ! Jusqu'en 2005, seule une stèle bâtie en 1853 par les habitants d'Amboise témoignait de la présence des ces sépultures dans les dépendances du château. Il a fallu l'installation artistique de Rachid Koraïchi marquant et symbolisant les 25 tombes pour réhabiliter la mémoire de ces Algériens.

– Qu'avez-vous retenu en mettant un point final à la rédaction de votre récit ?

Je me sens surtout soulagée d'arriver au bout de travail qui, je l'espère, sera poursuivi par des chercheurs et des chercheuses. J'ai l'impression de réparer une injustice envers ces femmes et ces enfants oubliés de l'histoire. Les femmes ont autant subi la colonisation que les hommes mais, pourtant, leur présence dans les écrits est minorée. Si l'histoire s'écrit uniquement au masculin, elle est inévitablement erronée, car amputée de la moitié de l'humanité.

– Votre ouvrage est-il un essai ? Un livre d'histoire ?

L'ouvrage n'appartient pas à un genre particulier. C'est en partie un essai, en partie un carnet de recherche et un récit historique. L'ouvrage mêle deux trajectoires, celle des Algériennes au XIXe siècle et la mienne, parcourant l'histoire pour tenter de comprendre, retraçant d'autres rencontres avec des femmes contemporaines, Algériennes et Françaises, ayant un lien avec mon travail de recherche et l'histoire coloniale.

– Vous qui êtes proche de l'œuvre d'Assia Djebar, l'écrivaine vous a-t-elle influencée d'une façon ou d'une autre ?

L'œuvre romanesque et cinématographique d'Assia Djebar a une influence majeure sur ce travail de recherche. Son œuvre ancrée dans l'Histoire et la mémoire féminine algérienne a influencé ma prise de conscience de l'importance de connaître le passé pour comprendre l'actualité. Son ouvrage, Le blanc de l'Algérie, a été particulièrement déterminant pour cette recherche.
*Amel Chaouati. «Les Algériennes du château d'Amboise. La suite de l'Emir Abdelkader». Ed. La Cheminante. octobre 2013. Postface de Maïssa Bey.


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