Les forces antiémeute sont sur le qui-vive. Les fourgons de police aux pare-brise grillagés ont, depuis quelques jours, établi leurs quartiers de façon permanente au niveau de certaines rues stratégiques de la capitale. C'est le cas en face du siège de l'UGTA, place du 1er Mai, devenue le point de ralliement de la contestation sociale. Depuis quelques jours, un imposant dispositif policier d'éléments en uniforme et en tenue civile est déployé à travers les quartiers d'Alger. De nouveaux renforts sont venus s'y ajouter, à la veille de l'annonce de la candidature de Bouteflika pour un quatrième mandat. Qu'est-ce qui motive cette démonstration de force policière qui, manifestement, n'est pas là pour faire de la prévention routière ? Le traitement musclé réservé aux accès de colère qui ont rythmé la vie dans la capitale, ces derniers jours, avec la répression des syndicats autonomes, des lycéens, des étudiants de l'université de Bouzaréah qui avaient commis, ceux-là, le crime de lèse-majesté de crier leur rejet d'un quatrième mandat de Bouteflika sont autant de signes annonciateurs de jours sombres pour l'exercice des libertés dans le pays. Réhabilité à la faveur de la levée de l'état d'urgence décidée en Conseil des ministres le 22 février 2011, le principe constitutionnel de la liberté de manifestation et de réunion est régulièrement foulé aux pieds par les pouvoirs publics. Preuve tangible que le pays est toujours politiquement sous état d'urgence même si, au plan administratif et réglementaire, l'hypothèque du gel des manifestations de rue est officiellement levée. L'autorisation administrative délivrée par la wilaya et exigée pour les réunions et manifestations publiques est apparue, à l'usage, comme un moyen détourné et un artifice pour maintenir la chape de plomb de l'état d'urgence sur les libertés, sans avoir à s'encombrer d'un arsenal juridique qui a exposé pendant des années le régime algérien à de vives critiques de l'étranger. A travers la répression policière opposée aux dernières manifestations publiques qu'a connues la capitale, les autorités cherchent à faire passer auprès de la population un message de fermeté. L'objectif étant de «pacifier» le champ politique et social dans cette conjoncture marquée par le scrutin présidentiel du 17 avril qui se tiendra dans un climat politique et électoral particulièrement tendu. Ce qui embarrasse aujourd'hui le pouvoir ce n'est pas tant que des lycéens ou des syndicats autonomes sortent dans la rue. Mais il se trouve qu'il y a aujourd'hui une nouvelle donne avec l'élection présidentielle et l'inquiétude suscitée dans certains milieux par l'annonce de la candidature de Bouteflika. Dans les cercles proches du chef de l'Etat, on craint que cette grogne concentrée autour de revendications à caractère social que les services de sécurité ont pu gérer et maîtriser jusqu'ici sans trop de difficulté, ne déborde pour prendre des accents politiques de désobéissance civile et de rejet du système. Les quelques étudiants de l'université de Bouzaréah qui ont manifesté aux cris de «Non à un quatrième mandat de Bouteflika» ont sans doute fait plus mal au clan présidentiel et à ses soutiens de par les retombées politiques de cette manifestation aux plans intérieur et extérieur que toute la comptabilité des conflits sociaux enregistrés.