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Un dessin d'enfant froissé par un flic
Publié dans El Watan le 09 - 03 - 2014

Jeudi 6 mars. 11h tapantes. Je me pointe en solo, en face de la Fac centrale. Une heure avant, je reçois un coup de fil d'un militant de confiance qui m'informe que les policiers ont reçu l'ordre d'arrêter systématiquement tous ceux qu'ils pensent être les «têtes» de Barakat ! La veille, il avait été convenu de ne pas débarquer tous en même temps sur le site du sit-in. Le déploiement impressionnant des forces de l'ordre tout au long de la rue Didouche Mourad, et, tout particulièrement aux abords de la Fac centrale, me conforte dans ce choix. Je fais de mon mieux pour passer à travers les barrages humains de la police sans me faire embarquer. A peine arrivé à hauteur de la Brasserie des facultés qu'un brouhaha monte.
Une voix s'écrie «Tahia El Djazaïr !», celle de Mehdi Bsikri, membre actif du mouvement. Il est traîné de force par une nuée d'uniformes déchaînés. Ils le poussent tout de suite dans un fourgon cellulaire. Je prends mon téléphone et appelle Samir, une autre «tête» du mouvement, dans le but de se réorganiser. La communication est mauvaise. Je détourne mon regard de la scène d'interpellation de Mehdi pour ne pas fléchir et poursuis mon chemin. Consigne : ne jamais perdre son sang-froid. Rester calme. Ramasser les autres militants du mouvement pour un deuxième souffle. Je marche à pas mesurés en direction de la place Audin. Chemin faisant, je croise des visages amènes qui me redonnent le sourire : Arezki Aït Larbi, Lazhari Labter, Kiki, le professeur Nacer Djabi ou encore l'admirable (et «incorrigible») Hadda Hazam. Des amis me demandent des nouvelles de Louisette Ighilahriz. J'ai eu l'honneur de lui parler au téléphone mercredi soir, et elle m'assura que, pour peu qu'elle en eût la force, elle descendrait dans la rue. Une très grande dame !
Même QASSAMAN n'y peut rien
J'essaie de joindre Amira Bouraoui. Elle m'apprend qu'elle a été arrêtée en même temps que les autres leaders du mouvement. Je comprends qu'il ne me reste plus qu'à les rejoindre et redonner du travail à la police. J'avais préparé mon plan. On s'était passé le mot de scander Qassaman. En outre, j'avais résolu, histoire d'injecter un peu d'imagination dans notre langage, de brandir un dessin de ma fille Leïla en lieu et place des pancartes habituelles. Une manière de leur signifier, aux BouteflikaS, Toufik et consorts : «Arrêtez de jouer avec l'avenir de nos enfants !» Mais ni Qassaman ni le dessin rigolo de ma fille ne me prémuniront de la sauvagerie policière. Parvenu à hauteur de la faculté, je hisse mon dessin en entonnant l'hymne national. Cela ne leur soutire pas le moindre frisson à nos très nationalistes hommes à matraque. Une meute de gaillards en bleu fond aussitôt sur moi en m'accablant de leur fiel. Ils m'arrachent violemment des mains le dessin de ma fille comme s'il s'agissait d'un tract appelant à la désobéissance civile. J'avoue que cela m'a fait mal plus que tout le reste. Heureusement que j'avais pris le soin, avant de sortir, de le scanner. On me traîne de force vers un fourgon cellulaire. Je ne résiste pas. Je voulais m'économiser. J'étais seul dans le fourgon. Deux ou trois minutes plus tard, ils ramènent H., un éducateur sportif résidant à Aïn Benian. L'homme, d'un bon gabarit, se débat comme il peut. Le pauvre ne faisait que passer.
C'est en voyant les flics me malmener, comme ils l'ont fait, qu'il s'est mêlé à la manif. Une simple histoire de «nif». Un brave homme comme il y en a tant, et à qui je tiens à rendre un fervent hommage. Il se retrouve donc dans le panier à salade. Comme il refusait d'obtempérer, un policier en civil, corps sec et langage ordurier, s'acharne contre lui avec une méchanceté toute animale en le battant hystériquement, les coups le disputant aux cris, noms d'oiseaux et verbe menaçant, en jurant par tous ses dieux de nous mater. Il lui casse en mille morceaux ses lunettes de soleil. J'interviens pour lui dire qu'il n'avait pas le droit de le brutaliser ainsi. Sur quoi, le type sort de ses gonds et m'assène un violent coup de poing à la figure. Le forcené prend visiblement peur quand je lui dis : «Rayeh n'bassik.» Quatre autres manifestants arrivent dans la foulée. Des étudiants pour la plupart. Je n'en connais aucun. J'apprendrais à les connaître. Et c'est toute la force de ce mouvement.
Samedi dernier, c'est dans un panier à salade que j'ai fait la connaissance de Hafnaoui Ghoul, Samir Benlarbi, maître Badi Abdelghani et le dramaturge Mohamed Charchal, et maintenant, on ne se quitte plus, comme de vieux copains de bahut.
Un sous-sol froid et humide
Le fourgon cellulaire prend la direction d'El Biar. De la petite fenêtre grillagée donnant sur la cabine de pilotage me parvient le grésillement d'un talkie-walkie. Une gorge profonde intime à l'officier assis devant de traiter les manifestants interpellés avec respect. Preuve que la violence disproportionnée déployée par les troupes du général El Hamel a fait mal en haut lieu, surtout à considérer le nombre impressionnant de caméras et d'appareils photos présents rue Didouche, et l'effet «campagne virale» provoqué par la moindre image témoignant de la répression.
Aux coups de midi, on nous dépose au commissariat d'El Biar (côté boulevard Bougara). Comme la fois passée, on nous confisque nos papiers d'identité et nos téléphones portables. Image marquante : les murs dégoulinant du commissariat, rongés par l'humidité. On nous descend dans un sous-sol froid. A droite, des bureaux. A gauche, un compartiment de trois cellules avec des sanitaires. Les cellules en question sont hors d'usage. On nous invite à défiler devant un officier qui remplit patiemment des fiches de renseignements. Je lui demande aussitôt si je pouvais déposer plainte contre son confrère. Il me rétorque que cela n'était pas de son ressort. Il remplit consciencieusement ma fiche : nom du père, nom de la mère, adresse, profession… Et cette question qui me désarçonne : «Est-ce que vous buvez ?» No comment… On nous invite ensuite à nous regrouper dans le compartiment aux cellules dont la porte, métallique, a tout d'une grille de prison, sauf qu'elle était restée ouverte. On passera plus de trois heures parqués dans cet espace glauque, sans autre chaise que le parterre nu, des tôles ondulées en plastique faisant office de toiture, et des toilettes infectant l'atmosphère de leurs exhalaisons.
Sur les trois cellules, deux servent de cagibi. A un moment donné, le commissaire en chef vient vérifier la «marchandise». Il est un tantinet railleur au début. «Zaâma entouma vous allez changer le système ?», jette-t-il d'un air goguenard. Sur la fin, il se montrera nettement plus chaleureux, voire même solidaire. Les officiers sont extrêmement courtois, ils nous lancent des signes de ralliement. «Je suis au service de la démocratie», ose même l'un d'eux. En tout, nous serons gardés entre les mains de la police (trajet compris) de 11h30 à 15h50. Sans nourriture. Au cours de notre «garde à vue», deux autres groupes arrivent, chacun composé de trois personnes. Soit 12 au total. Parmi eux, un jeune étudiant en génie civil à l'USTHB et qui ne faisait que passer. Les autres étaient des manifestants de tout bord. Sur les douze «salopards», j'étais le seul journaliste. Preuve en est que cette lame de fond est loin d'être un «truc» de journalistes comme une certaine propagande pro-système essaie de le faire croire.
Il y avait, parmi nous, quatre étudiants, dont deux de Béjaïa, qui terminent leur cursus à Bab Ezzouar (filière hydraulique), et un autre venu spécialement de Blida (sciences de l'environnement). A. est un ancien employé de Sonatrach, un délicieux jeune homme de Ouled Fayet. Il me confie que ce qui l'avait décidé à descendre dans la rue, c'est la prestation télévisée de notre ami Mehdi sur Echourouk TV. Il faut citer également Yacine, jeune psychiatre plein d'entrain, mine enjouée et béret sur la tête. Et puis le délicieux Bouzid, expert en marketing, qui s'est déplacé spécialement de Tizi Ouzou. Un vrai petit génie celui-là, espiègle au possible et plein d'humour. «700 milliards de dollars et voilà le travail : des murs pourris. Une heure ici et tu deviens asthmatique», taquine-t-il le commissaire principal.
Meeting en plein commissariat
Et comment ne pas citer ce barbu de 60 ans, islamiste impétueux, enfant de La Casbah, qui nous raconte comment, tout petit déjà, il se frottait à la Révolution. Gouailleur et fortement politisé, l'homme milite au sein de la Coordination nationale pour la défense des droits des chômeurs (CNDDC). Il s'indigne qu'on arrête «les honnêtes gens tandis que les supporters de Bouteflika défilent à leur guise, sans être inquiétés». Haranguant les policiers, il lâche : «Nous voulons vous libérer, vous aussi. Même la police coloniale avait pitié des femmes et des enfants. Pourquoi vous ne créez pas un syndicat ? Nous allons vous aider à retrouver votre dignité. Révoltez-vous !» Il tient un discours très modéré vis-à-vis des «ilmaniyine» (laïcs) et croit dur comme fer que ce n'est qu'en abolissant les divisions, «cultivées par le pouvoir», qu'on fera renverser le rapport de force et chasser le régime. «Il y a une brèche dans le système, le DRS craque, il faut profiter de cette conjoncture unique !», martèle-t-il. La plupart du temps, nous restons debout.
L'assemblée bout. Décidément, ça parle à fond politique sous les auspices de la police. A quelque chose malheur est bon : ces jours-ci, les succursales du général El Hamel mettent leurs locaux à la disposition des dissidents de tout acabit. Démocratie subliminale ? Les jeunes activistes inexpérimentés sont exaltés. Transcendés.
ça les transfigure. Des amitiés naissent, des liens se tissent dans le feu des arrestations. Un vent de liberté souffle sur les chaumières. On savoure à pleins poumons.
15h et des poussières. On nous sort enfin pour nous conduire dans une polyclinique, à côté, pour la rituelle visite médicale avant libération. Un citoyen, s'étant enquis de l'objet de notre interpellation, s'emporte devant un policier : «Le peuple est désormais prêt à tout, on est déjà mort. Je fais 17 000 DA, je vis dans un taudis, hadi m'îcha hadi ? Vous appelez ça une vie ? On va tous sortir dans la rue !» Et toute la salle d'attente applaudit.
«Mon nom est Hassiba Ben bouali»
A peine nos téléphones récupérés que l'on s'empresse de prendre des nouvelles des autres camarades. J'apprends d'un militant qu'une policière, enceinte de six mois, avait été mobilisée dans l'opération de répression de la manif, au grand dam de la pauvre femme. Bouzid me transmet le témoignage d'une militante qui avait pris le métro, et qui s'est vu empêchée, en même temps que les autres passagers, de sortir de la bouche du métro. «Soit vous patientez, soit vous rebroussez chemin», leur intime un officier. Le meilleur, c'est le récit de maître Badi Abdelghani, avocat et militant des droits humains, embarqué avec une quinzaine d'autres citoyens, dont Amira Bouraoui, au commissariat du 14e, à Hussein Dey. «Pour commencer, nous avons refusé de leur remettre nos téléphones et nos pièces d'identité», témoigne notre avocat. Et d'ajouter : «Quand la police nous a demandé nos noms et prénoms, Amira a eu l'ingénieuse idée de répondre : Hassiba Ben Bouali.» Et les autres de suivre : «Moi, c'est Souidani Boudjemaâ» ; «moi, c'est Amirouche» ; «moi, je suis Larbi Ben M'hidi». Vous l'aurez compris : même si le corps est brisé, le moral est gonflé à bloc. Qassaman…
M. B. Membre fondateur du mouvement Barakat!


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