Avec la plume alerte et élégante qu'on lui connaît, le journaliste et romancier, Abdelkader Hammouche, propose une intrigue bien singulière, laissant le lecteur en haleine, et ce, à chaque fin de chapitre. Ce livre de 170 pages se lit d'une seule traite, tant la narration est captivante et originale à la fois. Dans une note de l'auteur, il est indiqué dès l'incipit du roman que : «L'histoire que je raconte dans ce roman est le fruit de mon imagination. Je l'ai située dans les années quatre-vingt-dix, bien avant que les services n'aient été restructurés.» Dès les premières pages égrenées, la narration prend forme. Nesrine, à la beauté ineffable et au corps filiforme, est une jeune étudiante de 23 ans, en troisième année de langues étrangères, à l'université de Bab Ezzouar, à Alger. Originaire de l'intérieur du pays, de Bordj Bou Arriradj, Nesrine travaille à mi-temps dans une association caritative publique, où elle cumule plusieurs fonctions, dont, entre autres, hôtesse d'accueil, secrétaire et assistante. Cette activité plaisante lui permet de payer le loyer de son studio à la cité des Asphodèles, à Ben Aknoun, à Alger. Cette jeune fille au tempérament bien trempé et fiancée à un Français travaillant en Algérie, exerce, aussi, la fonction de mannequin à titre occasionnel. Un jour, alors qu'elle se pavanait à la rue Didouche Mourad, à Alger, elle est accostée par deux bonhommes, qui étaient dans une voiture noire. Ils la somment gentiment de les suivre au commissariat. Tremblante de peur, Nesrine se retrouve en deux temps trois mouvements à l'intérieur de la voiture pour une destination inconnue. «Les deux hommes n'échangeaient que des phrases brèves que Nesrine entendait distinctement, mais dont elle ne comprenait pas le sens : ‘‘numéro 7 à numéro 3, c'est bon'', ‘‘numéro 7 à numéro 2, arrangez bureau''. Que voulaient dire ces paroles bizarres ?» lit-on en page 20. Une demi-heure plus tard, Nesrine arrive à destination dans un lieu qui semblait désert. Aucun policier n'est en faction et aucun écriteau renseignant sur le lieu n'est visible. Après un interrogatoire des plus poussés et contraignant à la fois, les policiers demandent à Nesrine de collaborer avec eux durant une période de six mois, à l'issue de laquelle elle pourra reprendre librement ses études et son travail sans rien craindre. «Ce n'est pas très compliqué, dit l'homme, on t'enverra à notre ambassade d'Arabie Saoudite, où tu feras du renseignement. Une belle fille comme toi ne devrait rencontrer aucune difficulté pour obtenir des informations sur certaines personnes listées chez nous», écrit le romancier en page 29. Devant le refus de Nesrine d'accepter une telle mission dangereuse, les policiers lui font comprendre qu'elle n'a pas le choix, vu qu'elle est fiancée avec un Français suspect. Les policiers lui accordent une semaine pour prendre une décision, et si à l'issue de ce délai aucune réponse positive n'est parvenue, le dossier serait transmis à la justice. Terrorisée à l'extrême, Nesrine se tourne vers son amie de lycée, Nawel, pour lui raconter sa fâcheuse affaire. Cette dernière met dans la confidence son petit ami Karim. Journaliste de profession, celui-ci introduira Nesrine auprès de grands avocats et bâtonniers, lesquels refusent de prendre l'affaire en main. Toutefois, le président de la Ligue des droits de l'homme conseille à la jeune fille apeurée de quitter clandestinement le pays pour échapper à cette dangereuse proposition. Au septième jour, Nesrine prend le train pour Annaba, pour ensuite regagner la Tunisie. De là, elle se rend par avion à Milan où habite son frère. Elle se reconstruit en intégrant la société italienne et en se mariant avec un Algérien, avec qui elle aura deux enfants. Elle reviendra dans son pays natal au bout de sept ans pour constater au final qu'elle n'avait pas été fichée par la police des frontières et que son affaire était classée définitivement par les «services». Le romancier, Abdelkader Hammouche, a su avec beaucoup de finesse et d'adresse faire rentrer le lecteur dans l'univers du personnage principal. Sa narration habile fait ressentir des émotions et des sensations assurées. Il est à noter que le romancier Abdelkader Hammouche sera présent, aujourd'hui, à la librairie des Beaux-Arts, à Alger, pour une vente-dédicace de son dernier roman Les intérêts supérieurs.