Elle aurait pu être l'année de tous les possibles, celle d'un nouveau cap, d'une renaissance, de nouvelles espérances. Il n'en sera rien ! Ainsi en a décidé le système. Tout porte à croire, en effet, que M. Bouteflika va se présenter pour un 5e mandat consécutif et si c'est le cas, inutile de spéculer sur les pronostics. On connaît l'arithmétique généreuse des élections autoritaristes. 2019 risque même de battre des records de morosité et de désaffection électorale, tant l'ambiance politique est plombée. Après un flou savamment entretenu et un cafouillage de propositions où le mot «report» frisait la certitude, voilà qu'un consensus semble se dessiner autour du maintien du calendrier constitutionnel, conforté par la dernière sortie du général Gaïd Salah. La tenue de l'élection présidentielle prévue en avril prochain se fera donc, sauf urgence médicale ou catastrophe, dans les délais. Il ne faut pas s'étonner, après, qu'Alger ait cette tête-là. Rien, absolument rien, dans la capitale de la RADP, n'indique que notre pays s'apprête à vivre un événement de la taille d'une élection présidentielle. C'est dans à peine quatre mois et zéro animation autour. En temps normal, même en contexte verrouillé, une élection présidentielle, c'est un moment festif, c'est la fête de la politique ; c'est les partis, les candidats, qui sortent la grosse artillerie. Quelle que soit la sociologie politique, un tel suffrage est, en règle générale, générateur de mouvement, d'agitation, d'une certaine ébullition, avec les candidats qui se préparent, qui affûtent leurs armes, qui forment leur état-major, constituent leur staff et leur équipe de campagne, lèvent des fonds, affinent leur programme, travaillent leur image, rodent leur discours et leurs «éléments de langage», prennent déjà d'assaut les petits quartiers et les grandes artères, font la tournée des chaumières, sillonnent les régions, enflamment les réseaux sociaux, se rendent plus visibles, plus disponibles, ceci avant même le début officiel de la campagne. C'est ce qui s'appelle d'ailleurs une précampagne et on n'y est pas du tout. C'est le calme plat. Même les «candidats à vie», qui nous ont habitués à participer à tous les scrutins, n'ont visiblement plus le cœur à jouer les figurants et le «poste» de lièvre ne séduit plus personne. La lassitude a gagné tous les cœurs, tous les secteurs. Il n'y a plus que les partisans du statu quo pour trouver du charme à l'immobilisme et venir chanter les louanges de «Fakhamatouhou» en vantant les mérites de la «continuité», synonyme de «continuer à disposer du pouvoir, du pays tout entier, à leur guise» et vaquer à leur business en toute tranquillité, en l'absence d'un Président fort. Mais pour de larges pans de la société, le mot «continuité» signifie surtout «continuité de la corruption», «continuité des prévarications», «continuité des atteintes aux libertés», «continuité de la hogra», «continuité de la harga», «continuité de l'hémorragie juvénile», «continuité de la fuite des cadres», «continuité du déficit budgétaire», «continuité des entreprises qui ferment», «continuité de la précarité», «continuité de la dégringolade de l'Algérie dans tous les classements internationaux», «continuité de l'incompétence», «continuité de la désespérance», «continuité de l'absence totale de perspective»… A moins d'un éclair de lucidité, un sursaut de dignité de M. Bouteflika. On peut toujours continuer à rêver d'une Algérie «forte et digne»…