Encore une fois, le sempiternel problème du manque de main-d'œuvre est évoqué par des entrepreneurs locaux comme pour diaboliser leurs potentiels employés, épris comme chacun sait d'un statut conforme aux textes régissant les relations employeur-employés. «Nous tentons d'honorer nos engagements s'agissant de la réalisation des projets dans les délais impartis pour que la main-d'œuvre spécialisée soit au rendez-vous», a récemment déclaré à El Watan un entrepreneur destinataire d'une mise en demeure pour un cumul de retard constaté par l'administration. On dirait que la corporation des entrepreneurs croit réellement que la déclaration aux assurances sociales, le respect du SNMG, le paiement des salaires dans les délais et plusieurs autres droits inaliénables doivent faire l'objet d'une négociation au préalable aux fins de les bafouer et en faire un complément forfaitaire. C'est probablement à cause de cette idée, mais surtout à cause de l'hibernation des instances de contrôle, à savoir notamment la CNAS et l'inspection du travail, qu'une telle idée perdure. Une autre déclaration faite par le représentant d'un syndicat des entrepreneurs que voici : «Nos travailleurs qui ont d'autres débouchés ne sont pas forcément en droit d'être déclarés ou alignés sur les autres salaires, car ce sont généralement des gens qui n'aspirent qu'à arrondir les recettes de fin de mois, sans plus.» D'une manière générale, ce sont ces mêmes instances de contrôle qui encouragent une situation de fait en milieu professionnel, et du coup ce sont les projets d'utilité publique, tels les logements, qui en pâtissent. «Je n'irai jamais trimer du côté des entreprises du bâtiment pour me retrouver des mois après perdu dans les méandres de la justice afin de faire valoir mes droits au salaire», a fulminé Abdelhamid Bensaïfi, ouvrier spécialisé qui semble résolument dissuadé de continuer sa carrière dans le bâtiment. Le circuit est déjà lisible : l'entreprise ne paye que si et seulement si elle est payée et de préférence avec avenants et autres arriérés, les travailleurs doivent attendre des mois et ne point rouspéter, sinon c'est la rupture unilatérale de la relation de travail. Et même si les instances financières font preuve de célérité, le plus solvable des employeurs fait dans l'usure pour provoquer le départ des maçons et ouvriers, recruter d'autres, et rebelote. Dans ce circuit, les contrôleurs des deux instances précitées sont loin d'être considérés comme des figurants.