L'ancien dirigeant de l'ex-FIS, Abassi Madani, a été enterré, hier, au cimetière de Sidi M'hamed à Belouizdad (Alger). Des centaines de ses partisans ont suivi la dépouille du fondateur du parti dissous. Deux chapiteaux sont aménagés sur un terrain vague de la cité Maurièce à Belouizdad (ex-Belcourt, Alger), où se trouve l'appartement parental du défunt. Une petite banderole est accrochée sur un kiosque : «Funérailles du moudjahid cheikh Abassi Madani». Depuis le matin, des groupes affluaient dans la cité, dans l'attente de l'arrivée de la dépouille à l'aéroport. Portant l'accoutrement islamiste de rigueur, les partisans du dirigeant de l'ex-FIS, dépassant pour la plupart la cinquantaine, sont originaires de plusieurs wilayas du pays. «Je suis venu de Tiaret. Abassi, je l'ai vu une seule fois, chez moi, au début du FIS», précise, tout sourire, un septuagénaire, la barbe taillée. Des jeunes portant gilets orange et badges s'affairent à distribuer des dattes et de l'eau. Les discussions portent sur l'heure d'arrivée de la dépouille de Abassi de Doha, mais surtout sur la levée de l'interdiction à son compagnon Ali Benhadj d'assister à l'inhumation. Peu après la prière de dohr, forte agitation dans le quartier. Le fils de Benhadj, le visage livide, est amené par des proches. Hystérique, les yeux fermés et l'index menaçant, il raconte les déboires qu'a vécus son père, en essayant de sortir de son appartement à Kouba. «Il a été tabassé et on l'a empêché d'assister aux funérailles de son compagnon», lance-t-il à la foule. Aux cris d'«Allah Akbar», des nervis de l'ex-n°2 du FIS sortent des pancartes et des photos de Abassi et de son adjoint. Des slogans remontant au début des années 1990 sont scandés à l'unisson. «Allayha nahya, alyha namout…» (Pour elle nous vivons, pour elle nous mourons…), «Ya Ali, Abbas, el djabha rahi labas» (Ali, Abbas, le Front se porte bien)…, vocifère un groupe de jeunes, relayés par une partie de la foule. Pour tempérer les ardeurs des partisans, un des dirigeants de l'ex-FIS, Kamel Guemazi, installé avec d'autres chouyoukh à l'intérieur du chapiteau, intervient. «Abassi est pour la ”silmiya” (…). Il faut essakina (calme) comme le veut sa famille», répètent, micro à la main, Guemazi et Ali Djeddi, en direction de quelques jeunes excités. Sans succès. Avant la prière d'el asr, le fourgon transportant le corps du défunt se présente sur la rue Belouizdad. Un long «Allah Akbar» parcourt la foule. Le véhicule entre dans la cité parentale, avant de se diriger vers la mosquée Nadi El Islah, où s'impatientent des dizaines de personnes. Le cercueil sera porté jusqu'au cimetière de Sidi M'hamed, sur une vingtaine de mètres. Des chouyoukh de la direction du FIS, des sympathisants venus de plusieurs wilayas, mais pas ses fils, poursuivis par la justice algérienne, ni même les présidents de parti, ou des officiels… ont accompagné la dépouille. L'ancien dirigeant du FIS dissous, Abassi Madani, est décédé à l'âge de 88 ans à Doha, au Qatar, des suites d'une longue maladie. Il souffrait d'un ulcère de l'estomac et d'hypertension artérielle, et a été hospitalisé plusieurs jours au Qatar, où il avait choisi de résider depuis 2004. Responsabilité dans la tragédie Partisan zélé de la «daoua» (prédication) menée par la mouvance islamiste naissante à l'université, il se fait connaître par des actions d'éclat avec l'arrivée au pouvoir du président Bendjedid. Après un rassemblement organisé pour dénoncer la fermeture des «moussalayat» (salles de prière) à l'université, consécutive à l'assassinat de Kamal Amzal, Soltani et cheikh Sahnouni, Abassi rédige une plateforme de 14 points adressée au chef de l'Etat. Abassi et Ali Benhadj annoncent, le 18 février 1989, à la mosquée Al Sunna de Bab El Oued, la création du FIS. Après son appel à la désobéissance civile, il est incarcéré à la prison de Blida et condamné par la cour militaire à 12 ans de prison, le 15 juillet 1992, pour «complot contre l'autorité de l'Etat», «sabotage économique» et «distribution de tracts de nature à nuire à l'intérêt national». Le 15 juillet 1997, il est libéré de prison pour raison de santé, mais mis en résidence surveillée. Il sera à nouveau incarcéré en août 1997 pour son soutien au terrorisme. Il sera finalement élargi le 2 juillet 2003. Parti s'établir à Doha, au Qatar, le chef de file de l'islamisme algérien radical et violent ne s'est exprimé qu'à de très rares occasions sur les événements de la décennie noire. Mais sans formuler le moindre regret sur une tragédie dont il est l'un des responsables. Ni même demander pardon aux victimes de l'idéologie qu'il promouvait avec ses affidés.