Le mouvement citoyen a mis fin à des fléaux, comme la corruption, la violence, le culte de la personnalité et à un pouvoir oligarchique.» C'est en ces termes qu'Ahmed Benbitour, ex-chef de gouvernement et éminent économiste, a synthétisé à Boudouaou les premiers fruits des manifestations qui marquent le paysage politique algérien depuis le 22 février dernier. Son exposé méthodique a d'abord brossé un tableau des conditions mondiales et les contours géostratégiques dans lesquelles baignent les développements de ce qu'il a désigné comme «une nouvelle révolution nationale algérienne». Ainsi, il est revenu sur le Brexit qui depuis 2016 affaiblit la Grande-Bretagne et l'Europe, sur la politique américaine qui se marginalise par son America First et l'Union asiatique qui se renforce par l'adhésion de l'Inde et le Pakistan, deux puissances nucléaires dotées d'un grand marché économique et d'un développement démographique important. Cette nouvelle configuration planétaire a également favorisé l'existence d'oligarques qui encerclent les pouvoirs sans être responsabilisés dans un contexte de concurrence sauvage entretenue par la montée en puissance de la Chine et de l'Inde. De plus, relève l'orateur, la crise financière et «la glocalisation» favorisent l'existence de réseaux et leur influence sur l'esprit communautariste qui prévaut actuellement dans ce monde devenu un village global. A la lumière de ces précisions, la planète apparaît à l'orée d'une nouvelle ère, la 4e révolution industrielle. L'avenir n'est plus donc dans les énergies fossiles, mais dans l'intelligence artificielle où la Chine excelle et dans les énergies renouvelables. Ce tour d'horizon mondial éclaire sur le cas Algérie qui n'a engrangé que 27 milliards de dollars en 2017 par des ressources pétrochimiques en passe de se tarir. Le système rentier en est donc à ses derniers souffles et les rentiers du système sont, d'ailleurs, menacés de disparition «naturelle». Aujourd'hui, selon l'ancien chef de gouvernement, «il y a un besoin de nouveaux chefs innovants, créatifs dans un nouveau système politique ; d'où des changements profonds sont à opérer». «Avant le 22 février, a-t-il poursuivi son intervention devant une salle de la maison de la culture comble, la déliquescence de l'Etat algérien a créé un fossé considérable entre gouvernants et gouvernés.» Fatalisme, violence, corruption, immoralité ont généré un pouvoir répressif, «un patrionalisme» doublé de paternalisme avec une complexité dans le fonctionnement d'institutions opaques. A contrario, il a relevé que le mouvement citoyen s'illustre par l'implication de tous et par des espaces de liberté reconquis. «Il faut passer à une étape supérieure dans le niveau des revendications et du mouvement citoyen pour pouvoir négocier dans une position de force», a-t-il recommandé. A. Benbitour conclut sa conférence-débat par une série de propositions pour assurer l'avenir du pays et qu'il appartiendra à un gouvernement de compétences de l'initier. Il conseille la mise sur pied de 15 pôles régionaux d'investissements sur la base de monographie de chaque région et de 4 hauts comités, dont celui de la prospective et des politiques énergétiques, de la valorisation des ressources humaines et des stratégies de former à la citoyenneté. M. Benbitour est intervenu à l'invitation de l'association Madinati pour la jeunesse et l'enfance de Boudouaou.