Cela fait déjà trois mois que la saga algérienne tient en haleine les épris de suspense avec une intrigue digne du septième art. Les épisodes s'enchaînent, les scénarios se décuplent, mais le dénouement semble incertain. Le tournage hebdomadaire est devenu incontournable et les séquences cultes ont fait le tour de la planète rendant célèbres les répliques acérées des acteurs de la liberté. Nombreux étaient ceux qui avaient rechigné, prétextant que ce long métrage n'était qu'une médiocre adaptation d'un péplum déjà paru à l'occasion du Printemps arabe et que la fin serait sans surprise. Pourtant, la curiosité l'a emporté sur l'indifférence et l'engouement collectif a eu raison du déboire, au grand dam des apologues. De nombreuses ruses ont été tentées à coup d'effets spéciaux pour transformer cette joyeuse sérénade en film d'épouvante : l'agitation du spectre du passé sous le nez des metteurs en scène, l'infiltration de faux figurants sur les lieux de tournage pour mettre la pagaille, la propagation de rumeurs sur les acteurs phares pour faire chuter leur cote de popularité, les tentatives de spoil, la censure et bien d'autres. Mais le franc succès du chapelet a enjambé les frontières, donnant un coup de projecteur sur la corruption et ses partisans, sur la débauche et ses répercussions, sur l'indécence et ceux qui en ont fait la promotion, sur l'indigence et ses adhérents, sur l'impérialisme et ses disciples, sur l'abus et ses profiteurs, sur la déchéance et son impunité, sur la fraude et les excès, sur l'immoralité et son impunité, sur la dilapidation et son immunité, sur l'injustice et sa partialité, sur la soumission et sa cruauté. Je pourrais encore passer une nuit entière à étayer, mais il n'y a pas assez de synonymes de grossièreté pour étancher mon hostilité à ceux qui fait ont du bonapartisme une normalité. En tout cas, ceux qui ont parié sur l'usure ont dû voir vert, et ce n'est point un euphémisme ! Le vert militaire n'étant pas à la mode cette saison, les protagonistes de la manumission ont opté pour un vert chatoyant, synonyme d'espoir et d'unité, pour habiller les rues de la résistance. En effet, ni le détournement d'opinion, ni la corruption de l'information, ni les tentatives d'intimidation n'ont eu raison de la mobilisation populaire et le onzième vendredi a été une fois de plus la preuve que la contestation demeure intacte. Et si le gouvernement a fait vœu de silence, les revendications, elles, se sont transformées en exigences. Les toiles peintes d'une conscience politique à en faire pâlir les démagogues et d'un sarcasme tranchant ont continué à fleurir sur le bitume pour illustrer le refus catégorique d'allégeance. Du haut de la pyramide monarchique, les pharaons se démènent pour préserver la dynastie, tandis que le despote fait mine de jouer les repentis. Les comédies s'enchaînent, les têtes tombent sur les places publiques, la dissidence est de mise pour acheter la bénédiction populaire qui reste fermée à toute forme de négociation et maintient le leitmotiv décidé : «Ils partiront tous !». Qu'attendent donc les récusés ? Si à la fin de sa vie, le vétéran espère être couronné, qu'il sache que quoi qu'il advienne, il n'y aura pas de scénario à l'égyptienne. La production est bel et bien cent pour cent algérienne. C'est probablement pour cela que l'interpellation du trio de tortionnaires sonne comme le dernier acte d'une mise en scène bien planifiée. Et si l'arrestation s'avère réelle, son issue est spéculative. La peur aurait-elle changé de clan ? Un simple coup de théâtre où ce geste se veut comme un coup de grâce annonçant la fin du régime ? En parlant de régime, les bruits de couloir laissent supposer que le jeûne ne fera pas maigrir l'insurrection. Alors à vendredi prochain, pour un nouvel épisode de protestation qui sera encore sous le thème de l'insoumission. Voici le synopsis qui devra être conté aux générations futures… en attendant l'épilogue. Indéniablement.