Djazia Satour a été l'une des belles surprises du Festival de musique du monde, Les Sud, à Arles, cet été. La jeune artiste, née en Algérie en 1980, a quitté jeune le pays, en famille. Elle a passé son adolescence à Grenoble, où elle fait ses débuts sur scène. Elle a de qui tenir, puisqu'elle a la même mère qu'Amazigh Kateb (fils de Kateb Yacine). L'artiste, qui avait fondé Gnawa diffusion la prend comme choriste dans le groupe. Ensuite, elle se fera remarquer dans le groupe grenoblois MIG. Férue de langue anglaise, elle fera son premier album solo en 2010 (Klami), avant son album Alwâne, partagé entre anglais et arabe. Les années passent, et en 2018, elle décide de renouer avec l'arabe dans le disque Aswat (Les voix). Une belle réussite. Elle s'est expliquée lors d'une conférence de presse sur sa démarche de chanter des textes écrits par son parolier en un bel arabe. «Vraiment, il n'y avait pas de raison de sous-valoriser l'écriture, sous prétexte que c'est en dialecte algérien», a-t-elle clairement indiqué. «Je voulais une langue poétique, recherchée dans les mots qui expriment le mieux les sentiments. C'est un choix esthétique, mais aussi le choix de mettre en avant cette langue qui existe à part entière. La langue algérienne est l'arabe, avec ses spécificités culturelles locales. Les textes sont en langue algérienne courante, avec les images poétiques fortes, sans être trop guindée. C'est une question d'équilibre pour trouver le bon ton. L'arabe algérien est beau et j'y suis très attachée». Cette langue lui rappelle sa langue maternelle, et, plus encore, la langue de ses premiers pas en Algérie, la découverte des sensations inoubliables de la vie à l'état de balbutiements qui la marqueront à jamais : «C'est la langue de mon enfance, de mes premiers apprentissages. Son rôle est constitutif de ce que je suis. Aujourd'hui, choisir de chanter en arabe, c'est révéler des sentiments qui me sont très intimes. L'arabe est le véhicule de ce qu'il y a de plus profond en moi.» Djazia Satour s'est aussi expliquée sur les thèmes de l'album, entre poésie et plaintes exacerbées sur le devenir incertain d'un monde fait de douleur et de difficultés : «Ce qui m'importe, c'est que les paroles portent des messages. Ce que racontent les textes, ce sont des thèmes touchant à l'exil et à la dépossession surtout. Je pense qu'on peut aborder des problématiques parfois dures, sans tomber dans la dramatisation, c'est le cas dans une chanson très ironique sur les réfugiés. L'idée y est de ne pas pleurer. Je dis à l'exilé ne parle par d'exil, ne dis pas que ton pays est ravagé et ta maison détruite. Fais plutôt croire que tu n'es que de passage, que tu ne fais qu'un court voyage et que tu vas bientôt déguerpir. Pour rassurer cette bonne vieille Europe qui est tant inquiète de voir arriver ce qu'elle appelle des flux des migrants. C'est un peu le comble que ce soit les migrants, qui sont dans des situations difficiles et d'urgence, qui devraient rassurer des sociétés relativement prospères ? J'aborde ces questions à partir du vécu des gens. Ce n'est pas le discours politique qui m'intéresse.» Pourtant, malgré ses belles intentions, le plus profond, qui va toucher les êtres, c'est la musique : «Ce qui m'intéresse, c'est le message musical. J'ai bien conscience que pour la plupart des gens qui viennent au spectacle, c'est la musique qui prime. J'aspire à ce que les gens ressentent l'émotion et le sentiment exprimés dans la musique. Je suis comme un sculpteur qui va essayer de donner forme à des mélodies, des arrangements et, à partir de cette matière, j'utilise les paroles pour mettre en forme les chants et mélodies qui vont toucher.» Une artiste à suivre.