Zemmouri se perd. Depuis le séisme de 2003, elle n'arrive pas à se relever. Sa jeunesse, elle, déambule en quête d'un espoir. Pour le profane, Zemmouri est une commune bicéphale. Il y a Zemmouri ville et Zemmouri El Bahri la portuaire. Le second fait de l'ombre à la première. Une réputation usurpée. Ni la pêche avec sa fameuse sardine, ni le tourisme avec sa forêt du Sahel n'arrivent à redorer le blason d'une région soumise à la marginalisation. «Les projets sont au compte-gouttes. Mis à part, les cités dortoirs qu'on aperçoit sur la route nationale, Zemmouri n'a pas bénéficié de l'attention requise pour une ville qui a subi un violent choc séismique», commente un citoyen désabusé. Conséquence, sa jeunesse erre. Un semblant d'activités commerciales surprend dès l'entrée de la ville. Des magasins se succèdent sur une centaine de mètres. Rien d'important : cafés, restaurants modestes, alimentation, droguistes, pièces détachées et kiosques. En face, la station de bus au milieu d'étales d'un semblant de marché. Pas de quoi fournir des emplois, quoi. Plus haut au centre ville, les commerces tentent de répondre aux besoins quotidiens de la population. Sinon, rien. Les jeunes rasent les murs. À la pénombre, ils fument des joints pour «se maintenir en vie», lance ironiquement Alilou. «Voir la vie en rose, pour ne pas voir la vraie vie», philosophe Mourad. Un homme âgé de passage accuse : «Ils empoisonnent la jeunesse pour mieux la contrôler !» C'est vrai qu'en été, c'est la forêt du Sahel et le port qui suppléent au terrible vide existentiel et matériel. Les jeunes prennent possession de la plage et de la forêt où ils louent des parasols et autres accessoires. Une fois les visiteurs et les touristes partis, c'est le grand silence de la forêt. Le port, lui, a ses habitués qui partent sur les sardiniers. On les retrouve le matin vendant leurs marchandises à la criée dans les villes alentours. «Beaucoup de fatigue pour pas grand-chose. D'abord, la mer est devenue avare de poissons. Ensuite, les gens achètent peu quand vous leur proposez la sardine à 500 DA/kilo», nous explique un père de famille. Mais c'est une période éphémère. Trois à quatre mois et puis s'en vont. Le reste de l'année, les jeunes passent des moments lugubres : «nous naviguons entre des activités mercantiles épisodiques au gré du marché aux puces.» D'autres ont les yeux rivés sur l'autre rive. Zemmouri a perdu une cinquantaine de ses enfants en mer. Ils ont préféré la harga à une vie d'attente. «Ils n'étaient pas tous dans le besoin», témoigne Bilal. «Certains avaient une situation stable, des enfants mais ils ont tenté le diable en suivant une chimère occidentale », analyse un vieux loup de mer. «Le métier de passeurs est un travail très lucratif. Souvent, les jeunes tombent facilement dans le panneau. Ils font tout pour réunir la somme nécessaire. Petits boulots ou des navigations d'un job à un autre. Parfois, ils volent même. Bref, tous les moyens sont bons pourvu qu'ils soient du voyage.» Un aller simple dans la majorité des cas. Mais que font les responsables pour dissuader cette jeunesse de «se f… en l'air», selon l'expression d'un sexagénaire ? «Ils s'enrichissent, se positionnent à chaque élection et ignorent superbement ceux qui les élisent», répondent des jeunes en chœur.