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Les enfants se plaignent d'un manque d'espaces de loisirs à Béjaïa : «Le béton nous a pris notre stade !»
Publié dans El Watan le 24 - 10 - 2020

A Iheddaden Oufella et au quartier voisin de Takliet, vivraient entre 30 000 et 40 000 âmes, dont une bonne partie de jeunes en mal d'occupations.
C'est le cri de détresse des habitants d'un quartier populeux de Béjaïa-ville. Seul carré de défoulement pour les jeunes, qui manquent affreusement d'espaces de loisirs, leur terrain de proximité disparaît sous l'avancée du chantier d'une mosquée qui rampe en direction d'une école primaire et d'un CEM à proximité duquel l'on entreprend de construire une école coranique.
Pour répondre au cri des jeunes, l'APC a retenu un projet d'une salle de sport. Une bataille administrative est alors engagée au moment où sur le terrain un conflit couve.
Cela se passe au quartier d'Iheddaden Oufella, dans l'un des recoins les plus isolés de la ville, là où l'Etat n'est presque qu'une notion. C'est dans ces lieux, qui s'étendent sur le plateau de Sidi Boudrahem, que l'illicite fait floraison.
Enquête. Pour monter à Iheddaden Oufella, les minibus flanqués du numéro 04 serpentent des rues cabossées, étroites et aux virages prononcés. A certains endroits, pour croiser un véhicule, il faut faire preuve de vigilance. Les centaines d'habitations de toute cette partie de la ville ne sont pas finies. Elles gardent le rouge clair de leurs briques non crépies.
Au terminus, le virage-carrefour a l'aspect de la place d'un village de montagne. Avec Takliet, Tizi et d'autres quartiers, tout ce concentré mi-urbain, mi-rural, a pris la forme de la colline sur laquelle il a poussé. Le contraste est total avec les rues d'en bas, la rue de la liberté et ses administrations, le boulevard Amirouche et ses arcades, celui des Aurès et ses vitrines et encore le boulevard Clémenceau et ses ficus.
Petite école vs grande mosquée
A l'amorce d'une piste s'ouvre un chemin-raccourci abrupt qui mène vers l'endroit qui fait conflit. La mosquée Ettaakhi (fraternalisme) est face à un cimetière. Son rez-de-chaussée est réceptionné, son premier étage en chantier. Mais ce n'est pas là le cœur du projet.
Derrière elle, trois grandes tranchées sont creusées, bouffant une partie du stade de proximité. Là s'élèvera la salle de prière principale, à une poignée de mètres de l'école primaire Tamendjout. À l'autre bout, deux locaux sont construits à même le béton du stade.
Les tonnes de terre du terrassement forment un imposant monticule posé à côté des fameux 100 locaux commerciaux «de Bouteflika», un vrai gâchis dans ce coin perdu et oublié de tous sauf des familles qui le squattent. Au pied du monticule, des enfants roulent les pouces en attendant la rentrée scolaire. «Nous n'avons pas où jouer», nous répondent-ils.
Depuis que le terrain de proximité est goulûment mangé par le chantier de la mosquée, c'est dans la rue que les enfants, orphelins de leur espace au nom du culte, tapent dans un ballon. Les adultes, eux, ont les moyens d'aller quémander un carré vert à Takliet.
«Nous avons de vraies compétences sportives. Vingt-deux champions dans différentes disciplines. C'est hram, injuste, pour notre jeunesse.
C'est la seule assiette étatique dans le quartier et le terrain de proximité est notre seul espace», déplore Belkherraz Abderezzak, président d'une association sportive fraîchement créée. Une véritable levée de boucliers a eu lieu et 480 citoyens ont signé, en juillet, une pétition adressée au président de l'APC pour lui «faire savoir la situation électrique qui prévaut dans le village».
«Pour une population des plus denses de la commune, cette assiette de terrain est le seul refuge de la frange juvénile pour se décompresser», lui ont-ils signifié.
A Iheddaden Oufella, et au quartier voisin de Takliet, vivraient entre 30 000 et 40 000 âmes dont une bonne partie de jeunes en mal de loisirs.
«Il y a jusqu'à 51 élèves qui s'entassent dans une seule classe à l'école primaire», nous assure Achour Zahir, le président de l'association des parents d'élèves. «La directrice ne sait pas où mettre les nouveaux scolarisés», ajoute Abderezzak. L'école est condamnée à son exiguïté par le chantier de la mosquée. «C'est un massacre !», s'exclame Zahir.
Le CEM Wared Boubekeur manque aussi d'un terrain pour son programme sportif. «Les élèves n'ont pas où pratiquer leurs séances sportives, faute d'un terrain approprié, bien que le CEM dispose de proffesseurs de sport», témoigne Zahir.
«La salle de sport leur sera d'un précieux apport», ajoute-t-il. «Sur cette parcelle, nous espérons voir une agence postale, une antenne d'état civil...il y a tant d'équipements qui nous manquent !», s'exclame un habitant du quartier, rencontré sur place.
Ni permis ni distraction
Tout a commencé avec le projet d'une salle de prière, en 2013. «Quelques citoyens ont émis le vœu d'implanter une salle de prière à la périphérie du terrain, ce que nous n'avons pas refusé vu qu'il n'existe pas ce genre de bâti dans le village, mais malheureusement la tentation n'a pas limité la gourmandise de ces gens décidés (apparemment) à squatter tout le terrain», alertent les pétitionnaires.
La réalisation de la salle de prière avait coïncidé avec le mois du ramadan. «L'ancien directeur des affaires religieuses leur avait accordé l'autorisation de fonctionner pour les cinq prières de la journée, sans celles des tarawih. Il l'avait fait sans l'aval des services techniques et de la protection civile, ce qui a fait annuler l'autorisation plus tard», nous informe un ancien de l'administration communale.
La salle de prière a été toutefois «tolérée». Comme cela se passe dans plusieurs projets du genre, les salles de prière sont des «bâtis» temporaires, souvent précaires mais qui servent surtout à réserver le terrain pour un projet d'une mosquée et pour lequel les donateurs ne se font pas prier pour mettre la main à la poche.
L'argent arrive plus rapidement que celui que l'on attend pour d'hypothétiques projets étatiques d'école, de centre de soins ou de bibliothèque. À Iheddaden Oufella «c'est une grande mosquée dont la capacité dépasse de loin les besoins du quartier et de ses environs», assure un des membres de la coordination de trois associations.
«La commune leur a accordé 800 m2 mais ils en ont pris beaucoup plus», dénonce son camarade. «Qu'on se le dise, nous n'avons pas de problème avec la mosquée, mais avec son extension. C'est la mosquée de tout le monde et non celle d'un groupe de personnes qui squattent tout», tient à préciser Khemissi.
Selon les pétitionnaires, la mosquée a pris le septuple de ce qu'on lui a accordé. «Faut-il que nous vous signalions que «cette mosquée» construite illégalement et sans permis de construire occupe une surface de 5600 m2 ?
Finalement la salle de mosquée n'étant qu'un prélude et que les squatteurs veulent aussi récupérer tout le terrain pour continuer la construction d'autres bâtiments servant d'appartements aux imams et de Zaouias», écrivent-ils au maire.
La mosquée est sans permis de construire ? «Oui, elle n'en a pas», nous assure Ikhlef Aissat, vice-président de l'Apc, chargé de l'aménagement du territoire et de l'urbanisme.
Selon un ancien de l'administration communale, «elle a été construite après que le P/Apc ait donné son aval en 2014». Toutes nos sources confirment que la mosquée, tout comme le terrain de proximité, a été construite sur un terrain relevant du DFN, domaine forestier national. Et il l'est à ce jour. La Conservation des forêts a-t-elle laissé faire ?
Le poids du sacré
«Je ne peux rien vous dire !», nous répond, expéditif, le premier responsable de la circonscription de Béjaïa. Autant au niveau de la Conservation qu'à celui de la circonscription, il n'était pas possible d'interroger les responsables sur cette question.
A la circonscription, vers où nous avons été orienté, nous découvrons un climat de crainte, au mieux de réticence, qui y règne depuis qu'un cadre du secteur a été sanctionné par la tutelle pour avoir publié une contribution sur les colonnes d'El Watan.
«On lui a suspendu son salaire», nous chuchote un de ses collègues. Nous contournons l'interdiction en sollicitant une source forestière sous le couvert de l'anonymat. «Aucune demande de distraction n'a été faite, ni pour la mosquée, ni pour le terrain de proximité. Les deux sont illicites», nous affirme le forestier. C'est ce que nous confirme notre source auprès de la commune.
«Il n'y a eu aucune distraction pour tout le terrain», nous dit elle, ajoutant que «les Forêts ont saisi la commune sur le caractère illicite de la mosquée. Mais pourquoi n'ont-ils pas réagi au moment du défrichage et du terrassement ?» s'interroge-t-elle.
Ce qui est certain, c'est que les forestiers font des rondes régulières et qui sont sanctionnées par des bulletins de renseignement quotidiens (BRQ), qui relèvent les infractions constatées. Le BRQ du 30 septembre dernier, a relevé «la continuation de six constructions illicites et de la mosqué El Ouartilani», sur le territoire de la circonscription de Béjaïa. El Ouartilani est le nom d'une autre mosquée qui n'est pas très loin de sa voisine Ettaakhi.
À l'association religieuse de la mosquée Ettaakhi, la position de l'administration forestière est plutôt un adjuvant. «Les services des forêts ont signé pour le choix du terrain», nous affirme Chikhoune Hafid, son président.
«Nous n'avions pas de permis de construire mais personne n'a protesté. Nous n'avions pas de problèmes avec el houkouma (les autorités), ce sont ces gens-là qui les ont créés», nous dit-il.
Pour lui, les pétitionnaires ont été «induits en erreur». «S'ils savaient que c'est pour construire une salle de sport devant une mosquée, ils n'auraient jamais signé», assure-t-il, convaincu.
Le caractère sacré de la mosquée aurait suffi, suggère-t-il, à dissuader toute objection. Un projet d'une salle de sport couverte a été, en effet, retenu par l'APC. Mais l'association religieuse ne s'avoue pas vaincue.
Après avoir tenté de contrer la pétition, elle se projette sur un terrain beaucoup plus vaste que les 1500 m2 qu'elle accapare. «Les services de forêts sont venus dernièrement et nous ont affirmé clairement que nous disposons de 5000 m2 pour la mosquée», soutient mordicus Chikhoune Hafid.
Confortée par cette «caution» orale, l'association espère voir aboutir son dossier d'érection d'école coranique qu'elle a déposé depuis une année. «Il n'est pas possible qu'une salle de sports vienne faire face à la salle principale de la mosquée», objecte Chikhoune Hafid. L'opposition est ferme et elle s'était déjà exprimée envers le terrain de proximité qu'on a fini par «remblayer».
Le sacré a joué de son poids pour que l'on s'offusque que le ballon termine souvent dans le cimetière d'en face. Aujourd'hui, il est re-convoqué à «la face» de la salle de sport. «Nous avons chassé des gens qui voulaient squatter ce terrain et nous avons décidé d'y construire une mosquée», finit-il par asséner.
«C'est trop tard pour nous»
Il y a quelques années, les autorités ont accordé la distraction de 200 hectares dans le plateau de Sidi Boudrahem, passés du domaine public de l'Etat au domaine privé de l'Etat. C'est sur ce plateau qu'est programmée la nouvelle ville de Béjaïa dont une mosquée pour 20 000 fidèles.
Les 200 ha vierges devaient servir pour des projets d'équipements publics, dont des logements. Mais, et on ne le dira jamais assez, l'illicite a rongé le foncier. «70% des 200 ha sont squattés et construits illicitement», nous révèle notre source forestière.
Le tout dans l'impunité qui fait des émules. «C'est un accaparement massif et aujourd'hui, c'est trop tard pour nous ! Nous ne pouvons pas intervenir parce que nous ne gérons pas le béton mais des terrains forestiers», reconnaît, impuissant, notre interlocuteur. Dans cette frénésie à l'accaparement et au squat, il n'y a pas que des logements mais des mosquées aussi.
L'association Ettaakhi a introduit un dossier de régularisation. Sans renoncer à son projet d'école coranique, elle attend de l'administration qu'elle aplanisse donc deux irrégularités : la non distraction et l'absence d'un permis de construire. L'APC aussi a demandé une distraction, pour un total de 2000 m2. Qui aura le terrain, l'école coranique ou la salle de sport ?
Si la DUAC, direction de l'urbanisme, de l'architecture et de la construction, «est favorable», selon l'élu Aissat Ikhlef, pour la salle de sport, la direction des affaires religieuses ne l'est pas.
Le premier responsable du secteur dans la wilaya n'a pas souhaité nous recevoir pour nous éclairer. «Je ne suis pas autorisé à communiquer avec la presse», nous a-t-il fait savoir par l'intermédiaire de sa secrétaire.
Les représentants des habitants ont, eux, discuté avec lui. «Il nous a signifié qu'il ignorait le projet de l'école coranique et que deux ou trois salles dans la mosquée suffiraient pour l'enseignement coranique», nous affirment-ils.
À l'APC, on s'en tient pourtant à une correspondance qui exprime «l'opposition de la direction des affaires religieuses au projet de la salle de sport et non à celui de l'école coranique», nous assure un cadre de l'administration communale.
«J'ai lu le document de mes propres yeux», soutient Achour Zahir qui sent le besoin de répéter que «nous n'avons pas de problème avec la mosquée». «Nous leur demandons juste de ne construire que dans les limites des 800 m2 et de nous laisser notre stade», exhorte-t-il.
Les appétits sont voraces. Entre l'extension de la mosquée et l'insistance de la construction d'une école coranique d'un côté, et le projet de la salle de sport de l'autre côté, l'équation se résume à un précieux bout de terrain pour trois projets aux visées opposées.
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